
E. Elias Merhige est un cinéaste américain notamment connu pour trois films, à commencer par son plus culte L’Ombre Du Vampire où, sur le tournage de Nosferatu, l’équipe s’interroge sur l’acteur engagé pour jouer le vampire. En 2004, il réalise aussi Suspect Zero, le moins apprécié et connu de sa filmographie. À l’Étrange Festival 2023, c’est son premier long-métrage de 1991 qui est présenté, Begotten, accompagné du moyen-métrage Polia & Blastema et du court-métrage Din Of Celestial Birds, formant tout trois le Begotten Circle. Le triptyque était présenté sous cette forme (individuellement, ils ont circulé en festivals) pour la seconde fois mondialement, après le Offscreen Festival en Belgique, en présence du sieur E. Elias Merhige. Pour définir le tout : le premier représente la création de l’univers, le deuxième l’évolution de conscience et le dernier la mort voir la résurrection.
Asphyxiant, hypnotisant et fascinant

Le Begotten Circle a démarré par le moyen-métrage Polia & Blastema, datant de 2021. Le film est décrit dès son entame comme un opéra cosmique sur une histoire d’amour tragique interstellaire voir une sorte de commencement d’univers avec une relecture à la Adam et Ève. Le métrage, d’une manière purement abstraite, contient des images d’une rare beauté imaginées par un E. Elias Merhige en pleine maîtrise de son projet, quitte à ce que l’accès n’y soit pas forcément évident, mais l’expérience demeure tout aussi fascinante ; c’est d’ailleurs franchement risqué d’imposer comme ça une vision qui peut fortement dérouter, ce que Begotten n’aura fait qu’exploiter bien plus des années auparavant. La bande-son est naturellement angoissante avec spécialement, au début, quelques minutes de musiques opératiques qui nous insèrent dans l’ambiance comme si l’on nous noyait petit à petit dans la profondeur d’un océan.

Ensuite, c’est le court-métrage de 2006, Din Of Celestial Birds qui fût lancé et qui diffère grandement des deux autres parties du cycle. Lui aussi constitué d’images abstraites, mais à base d’imagerie beaucoup moins marqué et marquante, une expérience là aussi mais qui est aussi vite vue qu’oubliée. Heureusement, il ne dure que quatorze minutes, ce qui laisse juste le temps au spectateur de reprendre de l’air et de s’échapper du monde cosmique du Begotten Circle.

Pour finir, c’est le long-métrage Begotten qui nous est montré. Après un seul visionnage et sans véritablement se renseigner, il est compliqué d’analyser ce film que l’on peut voir, et ce sera l’angle de cette critique, comme une vision de l’Enfer, une lente et hypnotisante asphyxie. Le noir et blanc du film nous angoisse car on comprend encore moins ce que l’image nous montre, les minutes passent comme des heures comme si nous étions immergés dans un enfer, dans sa meilleure description possible et imaginable, mais c’est une qualité ; E. Elias Merhige réussit plus que sûrement à nous faire ressentir quelque chose d’unique et de, à priori, incopiable. Une imagerie assez macabre au début pour aller petit à petit vers une direction carrément infernale, d’un Dieu se suicidant à l’espèce de torture de son fils par des sortes de démons (impossible toutefois d’en être sûr vu la façon dont est personnifié Dieu par exemple, contraire à l’inconscient collectif). Le film nous donne la sensation d’être à l’étroit comme si la salle de cinéma se resserrait inexorablement sur les spectateurs. Le côté cosmique se ressent finalement avec de la réflexion, mais le film enferme tellement le spectateur que l’on quitte le monde pour être immergé dans Begotten, ce qui fait que l’on ressent plus que l’on y réfléchit. C’est une œuvre obscure et rare, un métrage exceptionnel qui se vit comme une mort. Ce genre de films qu’il faut voir au moins une fois dans sa vie, pour une expérience dont on ne ressort absolument pas indemne. Vous l’aurez donc compris, The Begotten Circle est ensemble précieux cinématographiquement, unique et qui, je l’espère, sera diffusé plus largement dans les mois voire les années à venir. Une expérience fascinante, qui doit être revue mais peut-être pas avant longtemps.
POLIA & BLASTEMA. De E. Elias Merhige (USA – 2021).
Genre : Expérimental. Scénario : E. Elias Merhige. Directeur de la photographie : Jake Bloch. Interprétation : Nina McNeely, Jasmine Albuquerque. Durée : 40 minutes. Film découvert lors de l’Étrange Festival 2023.
DIN OF CELESTIAL BIRDS. De E. Elias Merhige (USA – 2006).
Genre : Expérimental. Scénario : E. Elias Merhige. Musique : Ben Gillespie, David Wexler. Durée :14 minutes. Film découvert lors de l’Étrange Festival 2023.
BEGOTTEN. De E. Elias Merhige (USA – 1989).
Genre : Expérimental, Horreur. Scénario : E. Elias Merhige. Directeur de la photographie : E. Elias Merhige. Interprétation : Brian Salzberg, Donna Dempsey, Stephen Charles Barry… Musique : Evan Albam. Durée : 72 minutes. Film découvert lors de l’Étrange Festival 2023.

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