

Marcello Aliprandi n’est pas l’un des réalisateurs italiens les plus connus et célébrés. Metteur en scène de théâtre, puis assistant de Luchino Visconti, il signe ses propres films à partir des années 70 (Le Juge et la mafia, 1975), avant d’œuvrer pour la télévision. Une courte carrière marquée en 1976 par une intrusion dans le film à suspense, Un Murmure dans l’obscurité (Un sussurro nel buio), à la fois drame et thriller, à la lisière du fantastique au catsing international de premier ordre. On y suit un jeune garçon, Martino, qui croit fermement à l’existence de Lucas, un ami pourtant imaginaire. A tel point qu’une partie de sa famille a fini par l’accepter et lui faire une place au quotidien dans la luxueuse villa familiale. Mais progressivement, des faits étranges se produisent, laissant entendre que le compagnon imaginaire ne l’est peut-être pas totalement ou que Martino devient peut-être fou… Ce pitch traduit les influences qui ont dû présider à la conception de ce petit film singulier, on pense en premier lieu à L’Autre de Robert Mulligan, sorti quelques années plus tôt en 1972. Dans Un Murmure dans l’obscurité, Marcello Aliprandi et ses scénaristes Nicolò Rienzi, Maria Teresa Rienzi ne semblent jamais réellement choisir entre une tonalité volontairement emprunte de fantastique et une approche plus dramatique du récit. Ainsi, la mère de Martino, brillamment interprétée par Nathalie Delon (Le Samouraï), a perdu un enfant qu’elle aurait souhaité nommer Lucas, quelques années auparavant. Se mêle alors un drôle de jeu entre l’enfant et cette dernière, dont les rapports font état d’une véritable ouverture d’esprit envers les allégations de son fils, quand, a contrario, le père, incarné par John Phillip Law (Danger : Diabolik!) réfute cette théorie fantaisiste. Un postulat créant un évident sentiment de malaise que vient renforcer la présence de personnages assez étonnants gravitant autour de la cellule familiale : une gouvernante française, une amie américaine du père, un étrange psychiatre joué par Joseph Cotten (Citizen Kane)… Mené sur un rythme assez lent, pour ne pas dire ouaté, qu’il faudra appréhender sous peine de décrocher et de s’ennuyer, Un Murmure dans l’obscurité se refuse à tomber dans le schéma habituel qui voudrait que des scènes chocs rythment le récit. Pas d’effets de manches gratuits, tout au plus aperçoit-on une balançoire semblant bouger toute seule et des ballons aux propriétés physiques étonnantes, et assiste-t-on à la mort d’un personnage, mais là encore, difficile d’affirmer qu’il ne s’agit pas d’un accident. Marcello Aliprandi dépeint une atmosphère très particulière, qui vient infuser le récit et progressivement la perception du spectateur, bien aidée par la partition du toujours impeccable Pino Donaggio. L’enfant est-il cinglé ou a-t-il réellement un ami, invisible à l’écran, mais dont les indices et traces laissent suggérer une présence bien réelle ? Et surtout, quel lien et quel rôle développe-t-il avec sa mère ? Autant de question que le réalisateur laisse en suspens, et c’est la plus grande force du film, ne pas céder à la facilité de trancher pour proposer un dénouement convenu, ce qui permet, in fine, au film de traiter son principal sujet : celui du deuil impossible.

UN MURMURE DANS L’OBSCURITE (Un sussurro nel buio). De Marcello Aliprandi (Italie – 1976).
Genre : Fantastique/drame. Scénario : Nicolò Rienzi et Maria Teresa Rienzi. Directeur de la photographie : Claudio Cirillo. Interprétation : John Philip Law, Nathalie Delon, Lucretia Love, Joseph Cotten, Adriana Russo, Olga Bisera, Claudio Cirillo, Alessandro Poggi… Musique : Pino Donaggio. Durée : 102 minutes. Disponible en Blu-ray chez Le Chat qui Fume (30 juin 2023).
LE BLU-RAY DU CHAT QUI FUME. Pour exhumer cet inédit en France, Le Chat qui fume s’appuie sur une copie de premier ordre, dont la restauration laisse voir une image extrêmement propre et de grande qualité, à la précision et au piqué remarquables. L’unique version originale italienne proposée fait déjà plus son âge, avec un léger souffle bien présent, mais rien de dramatique. En dehors de la bande-annonce du film, le seul bonus présent est « Une voix dans les ténèbres », un entretien audio avec la comédienne Olga Bisera, qui interprète la gouvernante française, et revient sur sa carrière, sa vie personnelle et sa participation sur le film, avec une sincérité plutôt rare et bienvenue (34′).

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