

Mario Bava est, sans l’ombre d’un doute, l’un des plus grands réalisateurs qu’a connue l’Italie avec des films aussi cultes que Six Femmes pour l’assassin et Le Masque du Démon. Plutôt connu pour son utilisation de la couleur, le cinéaste a aussi réalisé quelques métrages en noir et blanc (Le Masque du Démon, par exemple) dont son peu connu La Fille qui en savait trop en 1963. Ce dernier est considéré comme le premier véritable giallo, même s’il y a eu quelques précurseurs auparavant, ce qui le rend encore plus intéressant. Mais de quoi nous parle ce film qui, malgré son importance dans le cinéma d’horreur, semble oublié ? Une jeune Américaine en vacances à Rome, Nora Davis, assiste impuissante à un meurtre. Personne ne croyant son témoignage, cette férue de littérature policière se met à accumuler les indices afin de prouver sa bonne foi. Petit à petit, ce jeu de piste la met sur la voie de la prochaine victime : elle-même. Pendant toute la durée du métrage, les séquences s’enchaînent d’une façon parfaitement fluide, ce qui nous entraîne et nous donne inlassablement envie de découvrir la scène suivante. Et pourtant, le film est plus que prévisible sur certains points majeurs (on devine l’identité de l’assassin en moins de trente minutes) mais peu importe, car l’histoire est bien ficelée et l’on est juste emporté dans l’expérience en ressentant plus qu’on ne réfléchit, tellement c’est réussi et quasiment jamais défectueux. Mais c’est surtout la maestria de la mise en scène qui nous emporte, Bava sachant toujours où placer sa caméra et nous plaçant quasiment dans la peau des personnages dans certaines situations (la scène où Nora voit le meurtre). Le réalisateur parvient à nous glacer le sang et, même si le film s’apparente finalement plus au thriller qu’au film d’angoisse, nous effraie régulièrement. Surtout, Bava place toujours là où il faut les comédiens ou les objets devant la caméra pour toujours nous intriguer voir carrément nous faire tout comprendre en deux secondes de plan (la scène où Nora parle au prêtre et qu’un personnage autre semble surprise de ce qu’elle dit). A noter que certaines scènes relèvent étrangement de l’absurde, mais sont menées admirablement, telle la séquence où les personnages défilent en allant voir Nora à l’hôpital avec une vue subjective de Nora. Cette dernière est, par ailleurs, écrite avec complexité mais surtout réalisme ; on a l’impression que l’on pourrait la connaître, tout comme la plupart des personnages. Mais le personnage de Nora ne serait pas aussi percutant sans Leticia Roman pour l’interpréter, une actrice tout bonnement grandiose qui n’aura que peu d’apparitions au cinéma, à notre plus grand dam. En conclusion, le chef-d’œuvre de Mario Bava, assez différent de ses plus connus Le Masque du Démon et Six Femmes pour l’assassin, mais bien meilleur, même si tout autant abouti pour être un giallo formidable autant qu’un polar subjuguant.

LA FILLE QUI EN SAVAIT TROP (La ragazza che sapeva troppo). De Mario Bava (Italie – 1963).
Genre : Thriller, Giallo, Horreur. Scénario : Mario Bava, Sergio Corbucci, Ennio De Concini, Franco Prosperi, Eliana De Sabata, Mino Guerrini… Directeur de la photographie : Mario Bava. Interprétation : Letícia Román, John Saxon, Valentina Cortese, Dante DiPaolo, Titti Tomaino… Musique : Roberto Nicolosi. Durée : 86 minutes. Disponible en DVD/Blu-Ray chez Sidonis/Calysta (24 mars 2022).

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