

Caye Casas est un cinéaste espagnol ayant démarré sa carrière il y a quelques années au travers de quelques courts-métrages en coréalisation, dont deux fait avec un certain Albert Pintó. C’est par ailleurs ensemble qu’ils réaliseront leur premier film long, en 2017 : Matar a Dios, qui se déroule au réveillon de Noël où sont réunis une femme, son mari, le frère et le père du mari. La famille est déjà assez tendue mais, cerise sur le gâteau, un sans-abri s’invite chez eux, arguant qu’il est Dieu et que la fin du monde est proche ; seul l’un d’eux pourra survivre. Puis, les deux cinéastes se séparent, Albert Pintó réalisera deux nouveaux films depuis (notamment le sympathique mais dispensable Nowhere), tandis que Caye Casas attendra cinq ans pour sortir son nouveau film, en 2022, toujours dans le genre de la comédie noire et présenté au PIFFF 2023. The Coffee Table conte l’histoire d’un couple nouvellement parent qui achète une table basse hors de prix ; la femme, Maria, ne veut pas l’acheter, l’homme, Jesús, la veut plus que tout. A peine rentrés, la table en verre soi-disant incassable se brise, tout comme la famille de Jesús… Casas confirme son talent à parler de familles dysfonctionnelles et il démontre admirablement cet atout dans une séquence introductive mêlant aussi bien le drame que l’absurde. On sent que le cinéaste n’a pas une forte empathie envers ses personnages, même s’il parvient à subtilement nous y attacher tout en les présentant comme des gens inamicaux. A partir d’un quintette rappelant Matar a Dios et d’un concept que nous ne divulguerons pas, Caye Casas nous enferme pour constituer une tragédie domestique tantôt hilarante tantôt traumatique, même si le métrage a du mal à balancer sur ce second point. Lorsqu’il réalisait avec Albert Pintó, Casas parvenait à un certain équilibre dans les genres employés, Matar a Dios étant drôle, tout en parvenant à prendre par les sentiments. Dans The Coffee Table, le côté plus choquant et dramatique a du mal à nous atteindre, on a plus tendance à ricaner qu’à être touché par les moments de tristesses, Casas ayant du mal à faire la transition entre sérieux et humour. Mais, a contrario, la diatribe est exquise, chaque scène prête à nous rendre hilare, le film ne présentant aucun tabou à aller dans le versant plus satirique et le plus sardonique possible, sans jamais en faire trop, pour rester carrément réaliste, ce qui ne rend le tout que plus succulent (la scène où la mère dit qu’elle aurait tué pour voir la table se briser, par exemple, est à pleurer de rire). Seul problème à ce niveau : pas mal de séquences s’étirent inutilement pour perturber davantage, procédé qui paraît juste très faux et un brin fastidieux. Sur le plan plus technique, les musiques opératiques sont magistrales et la photographie est aboutie, surtout à voir le bas budget que s’octroie le film. Pour conclure, The Coffee Table est un théâtre funeste hilarant et effronté, rondement mené malgré le peu de moyens à disposition. Caye Casas a indéniablement de l’avenir, avec une carrière que nous suivrons de bien près ; plus, en tout cas, que celle d’Albert Pintó.

THE COFFEE TABLE (La mesita del comedor). De Caye Casas (Espagne – 2022).
Genre : Drame, Comédie noire. Scénario : Caye Casas, Cristina Borobia. Directeur de la photographie : Alberto Morago. Interprétation : David Pareja, Estefanía de los Santos, Josep Maria Riera, Claudia Riera, Eduardo Antuña… Musique : Bambikina. Durée : 90 minutes. Film découvert au PIFFF 2023, sans distributeur pour le moment.

Laisser un commentaire