Radu Jude est l’un des cinéastes roumains phares actuellement, issu de la Nouvelle Vague dont les caractéristiques minimalistes, réalistes et noires/absurdes vont de paire avec le cinéma du réalisateur. Ce dernier réalise depuis les années 2000 (période de formation de la Nouvelle Vague roumaine), où il sortit notamment son premier long-métrage en 2009 : La Fille la plus heureuse du Monde, coup d’essai réussi mais s’étirant bien trop. Dans les années 2010, il s’occupera de quelques films courts ou longs dont notamment Aferim !, Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares ou encore Bad Luck Banging or Loony Porn, lauréat de l’Ours d’Or à la Berlinale en 2021. Il revenait en 2023 avec N’attendez pas trop la fin du Monde, sorti en France en septembre dernier, qui était présent dans mon TOP personnel de l’an passé et que nous avons eu l’occasion de revoir au Black Movie 2024.

Le film nous parle d’Angela, une assistante de production surchargée dont on va suivre le périple pendant une journée où elle devra faire face aux absurdités sociétales et autres déconvenues… Satire tant corrosive que pertinente sur notre société mondiale (même si bien plus centrée sur la Roumanie) et sur ses absurdités, N’attendez pas trop la fin du Monde arrive à parfaitement balancer entre ses innombrables thématiques parfois plutôt aisées à aborder mais surtout assez urticantes, mais qui sont toutes abordées avec finesse et une antigravité humoristique qui, paradoxalement, tape plus fort, le tout apparaissant comme périlleux mais admirablement réussi : Covid-19, milieu de la publicité, conflit ukraino-russe et toute l’hypocrisie du monde… Tout y passe, y est disséqué plus ou moins complètement mais sans que le film ne bâcle rien qu’un seul de ses sujets, ayant une durée adéquate de plus de 2h40, ce qui permet que les thématiques forment un ensemble homogène sans qu’elle paraissent jetées ici et là de façon nonsensique. A la cause de cette homogénéité se trouve le travail de durée des scènes qui sont parfois extrêmement courtes (une poignée de secondes) ou tout l’inverse (la scène finale, un plan de plus d’une demi-heure rappelant le concept de La Fille la plus heureuse du Monde en bien plus abouti), ce qui nous immerge dans le mental d’Angela et sa perception des choses mais sans que l’on s’ennuie grâce aux moments humoristiques géniaux et puissants. Cela étant dû en grande partie à Illinca Manolache, dans le rôle principal, qui excelle dans sa nonchalance totale et parvient magistralement à faire rire le spectateur, en particulier dans les séquences où elle se filme pour les réseaux sociaux sous le pseudonyme de Bobita ; sorte d’alter égo lui servant à décompresser. Et, même si c’est une grande comédie, on peut voir avec du recul un drame humain sur le surmenage des assistants de production, auxquels Jude rend hommage. En conclusion, N’attendez pas trop la fin du Monde est une réussite complète, dotée d’un goût pour l’humour noir fascinant avec un récit qui l’est tout autant mais qui pourra déconcerter de par certains de ses procédés scénaristiques ou techniques, non-abordés ici pour une meilleure découverte.

Note : 4 sur 5.

N’ATTENDEZ PAS TROP LA FIN DU MONDE (Nu Aștepta Prea Mult de la Sfârșitul Lumii). De Radu Jude (Roumanie – 2023).
Genre : Comédie noire, Drame. Scénario : Radu Jude. Photographie : Marius Panduru. Interprétation : Ilinca Manolache, Ovidiu Pîrșan, Nina Hoss, Dorina Lazăr, László Miske… Musique : Jura Ferina, Pavao Miholjevic. Durée : 164 minutes. Film vu au Black Movie 2024, sans sortie VOD ou physique annoncée pour le moment.

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