

En parallèle de sa très belle édition du film Le Chat noir, Le Chat qui fume nous gratifie d’un autre Lucio Fulci période 80’s en version haute définition : Manhattan Baby, alias La Malédiction du Pharaon dans nos contrées françaises verdoyantes. Un film précédé d’une réputation globalement très mauvaise, pour ne pas dire calamiteuse. L’éditeur nous permet donc de vérifier en l’espèce si le ressenti négatif est une réalité ou si le temps a joué en faveur du film… Et on ne va pas tourner longtemps autour du pot : si Le Chat noir souffrait d’un côté trop classique et d’un scénario très limité mais se révélait au final pas désagréable, voire inspiré dans son ambiance gothique, Manhattan Baby, sorti un an après, est beaucoup plus compliqué…
Comme son titre français le laisse entendre, le film débute par un prologue en Egypte, où l’archéologue George Hacker délivre accidentellement une entité maléfique alors qu’il explorait un tombeau inconnu dans une pyramide. En parallèle, sa fille Suzie se voit offrir par une inconnue une étrange amulette. A leur retour à New York, la fillette semble possédée par une force malveillante, tandis que des phénomènes paranormaux se déclenchent… Film de possession, d’entités surnaturelles, de portail vers l’inconnu, on trouve un peu de tout dans Manhattan Baby, à commencer par de larges inspirations venant de succès de la fin des années 70, début des 80, à commencer par L’Exorciste, Rosemary’s Baby, voire un Poltergeist qui, étrangement, présente des similitudes évidentes, alors qu’il a été réalisé quasiment simultanément. Et il faut reconnaître que le film de Fulci fait pâle figure, tant il enchaîne des scènes au demeurant pas inintéressantes, mais peine à apporter une véritable harmonie à l’ensemble, à passionner à la mesure de la mythologie que le projet semble vouloir développer. Après L’Éventreur de New York qu’il avait déjà tourné aux Etats-Unis, Fulci répond favorablement à cette commande, sans mesurer l’étroitesse du budget qui fait pâtir notablement le résultat final.

Le début de la fin
Extrêmement confus dans son intrigue, parsemé de quelques touches d’inspiration en termes de mise en scène (mais c’est bien peu), avec des personnages fonction (le collègue qui va trépasser, le spécialiste en occultisme, la nounou) portés par un casting assez peu concerné composé de Christopher Connelly (Les Guerriers du Bronx), Cinzia de Ponti (Bianco Apache) et Carlo De Mejo (Terreur express), le film est malheureusement un gros ratage. Les effets de style à la Fulci paraissent en totale rupture avec cette histoire un peu abracadabrante, et une fois encore, Fulci ne semble guère passionné par ce qu’il filme, comme en pilote automatique. Jamais effrayant, dépourvu de toute tension, le film semble dirigé par un cinéaste ayant perdu toute la force macabre de ses précédentes réalisations, une œuvre dépourvue d’âme, extrêmement kitch, involontairement drôle par instants, indigne de son cinéma.
Exit les zombies, les ambiances craspecs, les débordements gores et putrides, Fulci signe avec Manhattan Baby un film plus « propre » et lisse dans ses aspects graphiques, autant que dans son surnaturel quelque peu aseptisé. Ce qui n’est pas un problème en soi, mais le devient quand le réalisateur ne parvient pas à insuffler un semblant d’inspiration à son film. Persiste cependant quelques bonnes idées en germe, comme ce portail, ce pont entre le monde des vivants et celui des morts, qui s’ouvre régulièrement pour faire entrer des éléments horrifiques. Un élément intriguant, qui interpelle et ouvre vers des questions plus stimulantes que le film en lui-même. Les liens avec le prologue égyptien, les passerelles culturelles et de foi esquissés auraient aussi pu être mieux exploités. On ne croit jamais vraiment à cette histoire, où chaque élément semble répondre à un cahier des charges, empilant des passages obligés, désincarnés et sans intérêt. Un film vraiment anecdotique dans la filmographie d’un cinéaste qui sera dorénavant marqué par une longue dégringolade qualitative.
MANHATTAN BABY (L’occhio del male). De Lucio Fulci (Italie – 1982).
Genre : Horreur. Scénario : Dardano Sacchetti, Elisa Briganti. Photographie : Guglielmo Mancori. Interprétation : Christopher Connelly, Laura Lenzi, Cinzia De Ponti, Giovanni Frezza, Brigitta Boccoli, Carlo De Mejo… Musique : Fabio Frizzi. Durée : 89 minutes. Disponible en Blu-ray chez Le Chat qui Fume (31 octobre 2023).

Le Blu-ray du CHAT QUI FUME. Une image bien définie, qui dégage un délicat parfum de cinéma « à l’ancienne ». Le rendu HD offre à voir une copie globalement très belle, à la stabilité et à la définition très précises, avec du peps au niveau des couleurs. Le grain de la pellicule est bien présent. La bande-son laisse, au choix, la version originale en anglais ou le doublage français, au format DTS HD Master Audio 2.0. On préfèrera comme d’habitude la piste originale, qui s’avère joliment dynamique et foisonnante de sons plutôt bien répartis, proposant un effet d’immersion pas désagréable.
Côté bonus, l’éditeur nous propose avec « Mourir deux fois à New York » (12′), un entretien avec la comédienne Cinzia de Ponti qui interprète la nounou des deux gamins du film. Sympathique mais assez anecdotique. Le morceau de choix de la section bonus (et de cette édition) figure sur un second blu-ray à part : le documentaire « Fulci For Fake », réalisé par Simone Scafidi, qui retrace en 1h30 la carrière du cinéaste italien. Le tout agrémenté d’images, de photos et d’entretiens pour la plupart inédits. Et surtout, un parti-pris pour le moins audacieux voyant Fulci être interprété par un comédien dans certains scènes purement fictionnelles, associées à des éléments plus factuels. Un film en lui-même que l’éditeur a d’ailleurs mis en valeur en lui consacrant une édition vendue à part.

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