Shinya Tsukamoto est un cinéaste japonais œuvrant depuis les années 70, considéré par beaucoup comme culte, notamment grâce à Tetsuo, monument du cinéma cyberpunk, mais aussi Kotoko, l’efficace Tokyo Fist et le sombre Bullet Ballet. Il serait impertinent d’épiloguer longuement en sachant que nous avons consacré un article sur le cinéaste à l’occasion de la sortie du coffret chez Carlotta. Allons donc directement au synopsis de son dernier film en date, Shadow Of Fire, découvert au festival Black Movie 2024 : dans une gargote japonaise à moitié incendiée, une femme veuve gagne sa vie en vendant son corps et des repas. Un orphelin de guerre se faufile dans la maison tel un chat affamé, et un jeune soldat démobilisé vient se nourrir en promettant de chercher du travail. Les trois entament un semblant de vie de famille. Mais les traumatismes de la Seconde Guerre mondiale prennent le dessus et feront éclater le trio…

Après le réussi Godzilla : Minus One qui abordait les traumatismes post-Seconde Guerre Mondiale avec un œil finalement optimiste, Shadow Of Fire s’avère plus défaitiste, offrant tout de même quelques rares touches d’espoir qui ne masqueront pas toute l’horreur du récit. Tsukamoto étant diablement nuancé dans l’écriture du scénario, montrant une violence inouïe sans tomber dans le trash visuel complet et faussement provocateur, tout en sachant être modérément tendre mais absolument jamais d’un sentimentalisme tire-larmes. C’est à travers le protagoniste, parfaitement interprété par le jeune Ouga Tsukao, que se trouve toute la subtilité d’écriture, arrivant à être d’une maturité terrifiante, car forcée par la Guerre et les épreuves qui l’accompagnent, tout en ayant une innocence logique et attachante. Mais, même si Tsukamoto se concentre principalement sur lui, une poignée d’autres personnages sont développés parfaitement avec leurs traumatismes (la femme qui a perdu mari et enfant, l’homme tourmenté par les meurtres…), mais il n’y a heureusement pas des tonnes de personnages ce qui permet au cinéaste de se concentrer sur chaque protagoniste avec un minimum de profondeur. La mise en scène, elle aussi, est d’une maestria totale, le film se déroulant en majeure partie en huis-clos, il n’est ni ennuyeux, ni redondant, Tsukamoto réutilisant pourtant les mêmes angles mais avec un récit suffisamment attrayant pour éviter l’essoufflement. Mais le travail le plus conséquent et abouti reste celui sur la lumière, car le film se passe en grande partie dans le noir mais l’on voit toujours les actions à l’écran de façon claire et nette. En conclusion, Shadow Of Fire est un film fascinant, prouvant que Tsukamoto n’a pas perdu la main, avec une puissance émotionnelle remarquable et une technique aboutie, ce qui n’étonne absolument pas vu le talent de son cinéaste.

Note : 3.5 sur 5.

SHADOW OF FIRE (ほかげ). De Shinya Tsukamoto (Japon – 2023).
Genre : Drame. Scénario : Shinya Tsukamoto. Photographie : Shinya Tsukamoto. Interprétation : Shuri, Mirai Moriyama, Ouga Tsukao, Hiroki Kono, Go Riju, Tatsushi Ōmori… Musique : Chu Ishikawa. Durée : 95 minutes. Film découvert au Black Movie 2024, sortie prochainement chez Carlotta Films.

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