En 1973, alors que les films de Dracula commencent à grincer des dents du côté de la Hammer, l’Espagne développe un nouveau rejeton du mythique personnage sous l’égide de Javier Aguirre (Le Bossu de la morgue), dans Le Grand Amour du comte Dracula. Campé (et coécrite) par Paul Naschy (Jacinto Molina de son vrai nom), acteur et réalisateur emblématique du cinéma espagnol, immortalisé par son personnage du lycanthrope Waldemar Daninsky, cette nouvelle version du comte vampire s’inscrit dans une temporalité se situant après les faits décrits dans l’œuvre originale de Bram Stocker. Soit disant disparu, Dracula se dissimule dans les Carpates derrière l’identité du docteur Wendell Marlowe, qui accueille dans son château les passagers d’un carrosse ayant subi un accident. A première vue affable, le personnage du comte dissimule un secret qui va passer par le sacrifice de ses hôtes…

Même si on est dans un cinéma fantastique ouvertement hispanique, le gothique à l’anglaise est bien présent à l’écran dans Le Grand Amour du comte Dracula. Avec un certain soin pour les décors et les éclairages, le film de Javier Aguirre paye son tribut à la tradition à laquelle il se réfère. Et il le fait plutôt bien. Jusque dans l’érotisme, ici décomplexé et largement exposé à l’écran, puisque les comédienne y dévoilent leurs charmes sans pudeur. Et le réalisateur les filme sans retenue, apportant un aspect charnel évident à l’entreprise. Le film se démarque cependant dans sa représentation des vampires, en faisant des âmes damnées errant dans les coursives du château, et pas moins affamées que le comte lui-même. Il a par ailleurs l’audace de broder une histoire de réincarnation, le comte cherchant celle qui pourra faire revenir à la vie sa bien-aimée, insistant, de fait, sur un volet romantique assumé, faisant de son vampire un personnage plus fragile que dans ses incarnations de la Hammer.

Cette production hispanique n’est pas avare non plus en termes d’effusions de sang, et le film assure sa partition au niveau des mises à mort. Pour autant, on ne saura crier trop rapidement au génie, puisque cette série B se prend les pieds dans le tapis bien des fois, que ce soit au sein de son intrigue assez peu passionnante, son montage peu inspiré, et un côté cheap assez prononcé. A cet égard, les scènes d’action au cours desquelles le personnage de Wendell Marlowe affronte à mains nues d’autres vampires sont terriblement datées et d’une manière générale, mal fagotées.

Le Grand Amour du comte Dracula n’est, au final, guère plus qu’une curiosité destinée aux amateurs les plus affirmés des films de vampire et du comte transylvanien. Du cinéma d’exploitation relativement anecdotique, jusqu’alors invisible depuis sa projection au Festival Fantastique de Paris en 1974.

Note : 2 sur 5.

LE GRAND AMOUR DU COMTE DRACULA (El gran amor del conde Drácula). De Javier Aguirre (Espagne – 1973).
Genre : Horreur. Scénario : Javier Aguirre, Alberto S. Insúa et Paul Naschy. Photographie : Raúl Pérez Cubero. Interprétation : Paul Naschy, Haydée Politoff, Rosanna Yanni, Ingrid Garbo, Mirta Miller, Víctor Alcázar… Musique : Carmelo A. Bernaola. Durée : 83 minutes. Disponible en Blu-ray chez Le Chat qui Fume (31 mars 2024).

Le Blu-ray du CHAT QUI FUME. C’est une version intégrale du film qui est proposée par l’éditeur, qui plus est restaurée comme il se doit et donc, au rendu visuel assez remarquable, même si quelques défauts (griffures, tâches…) subsistent à l’image, tandis que certaines couleurs flanchent de temps à autre. Pour autant, le résultat au format 1.85 d’origine permet un visionnage très convaincant. Le DTS-HD Master audio 2.0 de l’unique version espagnole fait son taf, mais ne s’affranchit pas d’un phénomène de souffle dans certaines scènes, tandis que les dialogues vrillent vers l’anglais sans prévenir à de rares moments. Coquasse.
Enfin, côté bonus, on a le droit aux souvenirs de l’inoxydable Christophe Lemaire qui, en moins de trente minutes, présente le film par le prisme de sa vision bien à lui, reconnaissant bien volontiers le confondre avec une autre série B, et s’appesantissant plus particulièrement sur la star Paul Naschy, qu’il a pu rencontrer à plusieurs reprises.

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