Veronika Franz et Severin Fiala sont un duo de cinéastes autrichiens, tante et neveu par alliance via le très grand réalisateur Ulrich Seidl (aussi producteur de leur nouveau film et de Club Zero, par exemple), mari de Franz. Ils sont derrière deux des meilleures films de ce siècle : Goodnight Mommy et The Lodge, des drames réalistes qui tournent pas à peu à l’horreur rude psychologiquement. C’est cinq ans après The Lodge, dix après leur premier long, qu’ils nous reviennent avec The Devil’s Bath, film historique allant comme d’habitude dans une forme d’angoisse profonde qui caractérise le cinéma du tandem. Le récit de cette nouvelle œuvre se déroule en 1850, en Haute-Autriche. Agnès, une jeune mariée, se sent une étrangère dans le monde rural et froid de son mari. Très croyante et sensible, elle se replie progressivement sur elle-même. Sa prison intérieure devient écrasante, sa mélancolie insurmontable. Sa seule issue lui apparaît alors sous la forme d’un acte de violence inouï…

Une œuvre d’art mélancolique

Après deux œuvres aussi vastes que Goodnight Mommy et The Lodge, l’on ne pouvait qu’attendre ce The Devil’s Bath qui, dès les premières secondes, nous fait entrer – que dis-je – nous noit dans une étrangeté atmosphérique exceptionnellement obsédante. Franz et Fiala traitant d’une thématique assez précise – le suicide-by-proxy, sans en dire plus – mais avec une justesse tant historique (les cinéastes ayant fait beaucoup de recherches sur leur sujet) que cinématographique, l’on est notamment porté avec la bande-son de Soap&Skin (nom de scène de la comédienne principale Anja Plaschg, qui signe donc aussi la musique), très lancinante et appuyée mais tout de même merveilleuse et dans le haut du panier cinématographico-musical de l’année. Aussi, Anja Plaschg, justement, est exceptionnelle dans le premier rôle, se décomposant petit à petit pour son rôle jusqu’à n’être qu’un corps sans âme auquel elle donne paradoxalement toute la sienne. C’est un drame funeste, un film d’horreur viscéralement mélancolique aux accents de folk dans son rapport avec la nature, s’approchant de la figure de la sorcière de façon parfaitement réaliste. Le traitement de la société de l’époque résonne malheureusement avec la notre, et son rapport au mal-être, à la dépression, abordé par le biais de l’incompréhension, la lâcheté et le rejet qui cause alors la perte de l’être atteint, une approche qui nous prend particulièrement de par sa justesse. En conclusion, c’est une œuvre sublime qu’offrent Franz et Fiala, jamais bien loin de la simplicité, de la perfection et tout aussi traumatisante que les précédents travaux du tandem autrichien. Du très grand cinéma, l’un des tous meilleurs films de 2024.

Note : 4.5 sur 5.

THE DEVIL’S BATH (Des Teufels Bad). De Veronika Franz & Severin Fiala (Autriche – 2024).
Genre : Drame, Horreur. Scénario : Veronika Franz, Severin Fiala. Photographie : Martin Gschlacht. Interprétation : Anja Plaschg, Maria Hofstätter, David Scheid, Natalija Baranova, Lukas Walcher… Musique : Soap&Skin. Durée : 121 minutes. Film découvert à l’Etrange Festival 2024, distribué par Pan Distribution (2 octobre 2024).

Laisser un commentaire