
György Fehér est un réalisateur hongrois œuvrant dans la réalisation de longs-métrages depuis les années 70, mais surtout reconnu pour deux films des années 90, Crépuscule et Passion. Ce dernier a été présenté à Cannes en 1998 dans la section Un Certain Regard, racontant l’histoire d’une femme complotant avec son amant pour tuer son mari, mais passant plutôt inaperçu aujourd’hui. Crépuscule, distribué par Carlotta Films depuis sa restauration 4K l’an dernier, est un film noir contant le récit d’un policier essayant tant bien que mal de mettre la main sur l’assassin d’une petite fille de huit ans, qui va peu à peu tomber dans la tourmente…
Dès son magnifique plan d’introduction, qui se répétera à la conclusion comme pour signifier que le film est une boucle hors du temps, Crépuscule montre déjà de grandes capacités de mise en valeur des paysages forestiers hongrois, qui auront droit à bien des minutes de plans, György Fehér n’hésitant pas à s’attarder sur les magnifiques paysages que lui offrent ces lieux, tout comme il s’attarde sur chaque dialogue, le film n’ayant quasiment aucune action et plusieurs secondes séparant chacune des répliques qui se répondent les unes aux autres. Répliques qui sont parfaitement lancées par les comédiens, tous justes, même si aucun ne semble justement se démarquer, l’acteur principal semblant être sur un pied d’égalité avec ses collègues.

Ce qui fascine aussi, c’est l’immense profondeur que dégage le récit malgré le fait qu’il ne développe pas forcément une myriade de pistes ou de suspects, l’on ressent toutes les émotions des protagonistes et l’échec grandissant qu’est l’enquête, qui semble de toute façon impossible à résoudre, toutes les pistes semblant bonnes et mauvaises à la fois, telles notamment celle d’un présumé coupable qui va alors se suicider du haut du commissariat et qui sera alors directement présumé innocent, alors que rien ne le prouve. C’est aussi la nébulosité du récit qui fait sa force et qui démontre qu’il gagne à être revisionné, avec notamment plusieurs scènes montrant un couple que l’on pense être les parents de la fillette, sans que cela ne soit jamais confirmé, tout comme les flashbacks dévoilant la fillette qui semble parler de façon assez anachronique à un personnage qui ne la connaîtra qu’à sa mort. Cela en devient même onirique par moment, comme si plus rien n’avait de sens ou plutôt comme si nous étions perdus dans la psyché d’un policier tourmenté par son impossibilité à résoudre une enquête. Point plus secondaire mais qui marque tout de même, la bande-son est très belle, avec notamment des sortes de chants lyriques très agréables à l’oreille, nous enfonçant encore plus dans le cauchemar qu’est Crépuscule, dont le titre est finalement assez évocateur, même si nous semblons parfois déjà être noyés dans les profondeurs de la nuit. Film âpre, pas toujours linéaire mais passionnant à suivre, Crépuscule est une pépite qui mérite d’être déterrée pour être découverte par le plus grand nombre. Et si vous voulez poursuivre votre découverte du cinéma hongrois, je ne peux que conseiller l’excellent et étrange Taxidermie mais aussi le thriller ultra-maitrisé Dédale Meurtrier.
CREPUSCULE (Szürkület). De György Fehér (Hongrie – 1990).
Genre : Thriller, Drame criminel. Scénario : György Fehér, Friedrich Dürrenmatt. Photographie : Miklós Gurbán. Interprétation : Péter Haumann, János Derzsi, Judit Pogány, Gyula Pauer, Kati Lázár… Musique : László Vidovszky. Durée : 95 minutes. Distribué par Carlotta Films (12 juin 2024).

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