Deux ans avant que Freddy Krueger ne commence à hanter les songes des adolescents d’Elm Street dans Les Griffes de la nuit (1984), c’est un autre jeune homme qui montre des signes de sommeil agité et de visions cauchemardesques dans Rêves sanglants de Roger Christian. Après une tentative de suicide, et en proie à des hallucinations de plus en plus effrayantes, le jeune homme, qui plus est amnésique, est interné en hôpital psychiatrique. La spécialiste qui le suit commence elle-même à être confrontée à des images aussi effrayantes qu’incohérentes, et découvre que son patient aurait le pouvoir de projeter ses rêves et ses cauchemars dans l’esprit d’autres personnes…
Lors de sa sortie en 1982, Rêves sanglants pouvait s’ennorgueillir de s’appuyer sur un concept malin au potentiel effrayant. L’exploitation des rêves, des hallucinations et autres projections mentales permettait de développer un univers qui sera involontairement (?) concurrencé, globalement pour le meilleur, par la saga initiée ensuite par Wes Craven et son croquemitaine à griffes. Avec le succès que l’on connaît. On ne peut pas en dire autant de ce film britannique on ne peut plus confidentiel, quand bien même il a été présenté au Festival du film fantastique d’Avoriaz en 1983, traversant la manifestation sans soulever un enthousiasme démesuré. Le flop au box-office qui a suivi ne lui a pourtant pas été fatal, puisque le film a connu son heure de gloire dans les rayons des vidéo-clubs ensuite. A juste titre tant ce modeste film fantastique s’avère totalement fréquentable.

Mais vous êtes fou !
Bien qu’on puisse le rapprocher du mythe Freddy Krueger par ses thématiques, le film de Roger Christian a cependant une approche et un style totalement différents. Exit les débordements gores et les visions grand-guignolesques à grand renfort d’effets spéciaux, Rêves sanglants se veut davantage porté vers le thriller psychologique, bien que certaines scènes plus graphiques le classent ouvertement vers le fantastique. Ici, ce sont les rêves du personnage central qui contaminent l’esprit des autres, dans une forme de télépathie qui peut renvoyer à Patrick de Richard Franklin. Dans sa recherche d’une atmosphère angoissante, voire dérangeante, dans sa façon d’altérer la frontière entre rêve et réalité, le film gagne des points. On retiendra notamment une scène d’électrochocs à la fois violente et en même temps marquée d’une certaine forme d’onirisme. D’une manière générale, Rêves sanglants est parsemé de visions purement fantastiques (combustion spontanée, invasion de rats, lévitation…),

Roger Christian, dont c’est le premier long-métrage après une carrière probante en tant que chef décorateur (Alien, Oscar pour Star Wars IV : Un Nouvel Espoir), s’avère plutôt compétent dans la lente montée en tension, n’hésitant pas à faire durer ses plans, à dilater certaines séquences pour créer l’inquiétude et une ambiance menaçante (l’intrusion dans la maison). À cela s’ajoute la partition musicale de Trevor Jones, particulièrement marquante, qui accompagne idéalement l’ensemble. Tout cela fonctionne, même si la réalisation demeure un peu trop classique. Outre l’aspect quelque peu plan-plan de la réalisation et un ventre mou au milieu du film, l’interprétation générale reste assez fadasse. De fait, Rêves sanglants est de ces petits films méconnus parcourus d’une efficacité certaine, mais plombés également d’éléments qui en font une oeuvre éminemment sympathique mais qui ne peut prétendre à plus.
Un dernier mot quand même sur Roger Christian, dont la carrière derrière la caméra ne décollera jamais, avec un Nostradamus fadasse en 1994, mais surtout un crash spectaculaire qui le fera rester dans l’histoire du cinéma, puisqu’il a accouché en 2000 d’un des films les plus moqués jamais réalisés : Battlefield Earth – Terre champ de bataille, la bousée SF scientologiste avec John Travolta.

RÊVES SANGLANTS (The Sender). De Roger Christian (Royaume Uni – 1982).
Genre : Fantastique. Scénario : Thomas Baum. Photographie : Roger Pratt. Interprétation : Kathryn Harrold, Željko Ivanek, Shirley Knight, Paul Freeman… Musique : Trevor Jones. Durée : 92 minutes.
Distribué par Rimini Editions (12 juillet 2025).
Le Blu-ray de RIMINI EDITIONS. Ayant fait l’objet d’une restauration en bonne et due forme, la copie présentée ici est totalement probante. Si quelques traces, griffures et autres éléments parasites d’époque restent visibles sur certains plans, les caractéristiques de l’image haute définition dans sa globalité (et particulièrement les couleurs, très intenses) donnent un coup de fouet à ce petit film. Par ailleurs, les deux versions audio anglaise et française, en DTS HD Master Audio 2.0, sont claires et sans anicroche.
En revanche, rien à se mettre sous la dent en bonus, même si, comme habituellement dans la collection Angoisse, l’éditeur propose un livret de 24 pages sur le film, rédigé par Marc Toullec.

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