Si la saga de La Femme Scorpion est emblématique du genre japonais de la « Pinky Violence » tout au long de ses épisodes dans les années 70, des héritiers n’ont pas hésité à s’engouffrer dans la brèche pour délivrer leur version de ces films de vengeance érotiques assez violents sur les bords. C’est le cas avec Les Menottes Rouges, inspiré du manga Zeroka no Onna (La Femme de la section zéro) du créateur de La Femme Scorpion, Tooru Shinohara. Le film est réalisé par Yukio Noda et sorti en 1974. L’héroïne, Rei, est une détective du service « Division 0 » qui se retrouve emprisonnée pour s’être vengée de l’assassin d’une de ses amies. On retrouve déjà le cadre des prisons japonaises dans lesquelles se déroulent des choses pas très catholiques… Mais contrairement à ce que le genre donne à voir habituellement, à savoir des scènes de torture par les geôliers et autres détenues, Les Menottes Rouges s’extraie rapidement de cet environnement, puisque Rei est engagée pour une mission de sauvetage visant à récupérer saine et sauve la fille du Premier ministre japonais, kidnappée par une bande de malfrats contre une rançon. Ce pitch de pure série B, alimente un métrage qui va droit au but.


Rei : femme abusée et infiltrée…
Le film de Yukio Noda ne s’encombre pas de psychologie excessive et inutile. On suit le parcours de Rei, femme abusée et infiltrée parmi une bande de truands avides et sadiques. Les personnages masculins du film (mais pas que…) sont présentés sous un jour peu reluisant, ils multiplient les exactions et perversités sur leurs proies : agressions sexuelles, actes de domination et de soumission, tortures physiques et assassinats. Les scènes de violence gratuites et les outrages sont légions, les personnages féminins fréquemment dénudés et maltraités. C’est un parti-pris du genre qu’il faut accepter sous peine de rejeter le film en bloc. D’autant que le point de vue du réalisateur et de ses scénaristes n’est pas inintéressant. Si Rei, incarnée par Miki Sugimoto (Caresses sous un kimono), est présentée comme une femme d’action, vêtue de son manteau rouge et armée de son revolver et de ses menottes écarlates qu’elle manie comme une diablesse, aussi iconique que pouvait l’être Nami Matsushima dans La Femme Scorpion, elle s’avère cependant plus que jamais un pion sur un échiquier qu’elle ne maîtrise pas vraiment. Bien que placée dans une position de manipulatrice pour pouvoir accomplir sa mission, elle demeure souvent en réaction, subit l’action la plupart du temps, parfois incrédule devant la violence et les attitudes de la bande de kidnappeurs (voir le lynchage du frère), mais aussi face au changement soudain de braquet de ses commanditaires. En cela, Les Menottes Rouges est un film qui alimente le caractère du « tous pourris » inhérent à ce genre, puisque quasiment tous les personnages s’avèrent à un moment ou un autre détestables et corrompus jusqu’à l’os, les intérêts personnels prenant le pas sur toute forme de respectabilité. Le film dévie en permanence des attentes puisque rien ne se passe réellement comme prévu.


Pop et violent
Assumant par ailleurs un aspect pop dans sa forme, là aussi inhérent au genre, avec la reprise d’un refrain renvoyant largement au « Urami bushi » de La Femme Scorpion, Les Menottes Rouges creuse un sillon de violence particulièrement noir, ne lésine devant aucun débordement sanglant, avec des scènes de mise à mort aussi variées que graphiques, ni scène de sadisme, et il faut avoir le cœur bien accroché pour accepter un tel spectacle, surtout de nos jours. Mais sur un pur plan cinématographique, le film n’est pas tourné au rabais, tout est assez admirablement cadré, avec un sens de l’iconisation évident. L’intrigue s’achève sur un joli pied de nez venant assurer une certaine morale à cette histoire qui en manque cruellement. A noter que le film donnera lieu à plusieurs séquelles mettant toujours en scène le personnage de Rei, dans la série des Zero Woman, réalisées sur le tard, durant les années 90.

LES MENOTTES ROUGES (Zeroka no onna : Akai wappa). De Yukio Noda (Japon – 1974).
Genre : Thriller/Action/Erotisme.
Scénario : Fumio Kônami, Hirô Matsuda, d’après le manga de Tooru Shinohara.
Photographie : Yoshio Nakajima.
Interprétation : Miki Sugimoto, Eiji Gô Eiji Gô, Tetsurô Tanba, Hideo Murota, Yôko Mihara…
Musique : Shunsuke Kikuchi.
Durée : 88 minutes.
Disponible en Blu-ray chez Le Chat qui Fume (31 mars 2024).
L’édition Blu-ray du Chat qui Fume. Beau boulot de restauration de cette bande d’exploitation qui, excepté quelques plans de rues marqués par des griffures verticales en début de métrage, est d’une propreté exemplaire et offre des contrastes et un piqué de premier ordre. Le peps des couleurs saute aux yeux. C’est franchement propre et un régal pour les yeux. Mais les oreilles ne sont pas en reste puisque la version originale unique proposée sur cette édition en DTS HD Master Audio 2.0 brille par son dynamisme et sa clarté.
C’est l’inévitable Fabien Mauro, spécialiste érudit du cinéma japonais d’exploitation, qui se charge d’alimenter le seul bonus proposé dans cette édition. Un module qui revient en détail sur le contexte de réalisation du film et sur les carrières du réalisateur et des comédiens.

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