Dans les années 70 et 80, le cinéma d’exploitation japonais produisait à tour de bras des oeuvres se classant dans le genre « roman porno », des films à caractère fortement érotique, violents voire sadomasochistes. Mais jamais réellement pornographiques comme l’intitulé pourrait le laisser entendre. L’historique firme Nikkatsu n’était pas la dernière à œuvrer dans ce genre et ce STAR OF DAVID : VICES ET SÉVICES réalisé par Norifumi Suzuki est l’un des marqueurs forts de cette mouvance. Le réalisateur plutôt affilié à la Tōei, pour qui il réalisa de très nombreux films de tous genres, notamment LE COUVENT DE LA BETE SACREE en 1974, peut-être son oeuvre la plus célèbre et majeure, mais aussi plusieurs épisodes de la saga LADY YAKUZA, signait donc son unique film pour la concurrence.

À Tokyo, Genpei, évadé de prison, s’introduit à la nuit tombée dans une demeure luxueuse où vit un jeune couple. Il viole Tokie sous les yeux de son mari. Quelques mois plus tard, elle met au monde un fils, Tatsuya, avant de se suicider. Le temps passe. Désormais étudiant, Tatsuya enlève des femmes, après les avoir attirées, et les soumet à des actes de torture sexuelle, dans sa chambre située en sous-sol. Ses pulsions sont liées à sa fascination pour les atrocités de l’Holocauste, mais également aux méfaits de son père biologique violeur.

Inspiré d’un manga, ce STAR OF DAVID : VICES ET SÉVICES s’avère sacrément salé. Explorant les méandres de l’esprit dérangé d’un jeune homme apparemment bien sous tous rapports, le film donne à voir une succession de sévices que le protagoniste inflige à des jeunes femmes qu’il charme avant de les conduire dans sa luxueuse demeure, pour les enfermer, les torturer, leurs faire subir des actes de soumission, voire sexuels, avant de les tuer. Il faut préciser que cet étalage d’abominations était monnaie courante au sein de la mouvance des romans pronos, également appelés « Pinku Eiga », et que Norifumi Suzuki en avait signé quelques uns avec notamment CARESSES SOUS UN KIMONO (1972) et SEXE ET FURIE (1973). Sa contribution à l’oeuvre de la Nikkastu est donc logique et élève la qualité de ce film précis au-delà des standards du genre. Car le réalisateur a un sens certain de l’esthétisme qui le distingue du tout venant des artisans et faiseurs du cinéma japonais. Il sait composer un cadre et profiter d’une lumière travaillée, fignolée ici par les directeur de la photographie Masaru Mori, même (et surtout) s’il s’agit de filmer une scène érotique et de domination.

Déviances japonaises

Comme souvent, le trauma originel de Tasuya remonte à son enfance. Scène éprouvante dévoilée dès l’ouverture, montrant le viol de sa mère par un dégénéré sous les yeux de son père impuissant, le film illustre comment le eprsonnage a ensuite lentement dérivé vers une forme de psychopathie que de nombreux épisodes vont alimenter. Cette explication qui vaut ce qu’elle vaut s’accompagne en parallèle d’une fascination pour les exactions du IIIe Reich et les atrocités des camps de concentration. On tient là un specimen de personnage à la déviance psychiatrique bien chargée et gratinée. La tanière du « héros » est un lieu névralgique au sein duquel le protagoniste accomplit sa triste besogne. Une cave secrète spécialement aménagée pour assouvir ses pulsions à grand renfort d’éléments de torture et autres cages, dont la direction artistique renvoie aux sous-sols des châteaux gothiques de la Hammer, dans un acte de léger decalage avec le réel plutôt bienvenu. Autre fait marquant de ce STAR OF DAVID : VICES ET SÉVICES, et au-delà des nombreux sévices infligés aux demoiselles en détresse, le personnage principal se trouve associé à une demi-soeur, évidemment pas du tout au courant de ses méfaits, et totalement sous le charme et l’emprise de ce-dernier. La tension sexuelle qui boue entre les deux jeunes gens s’avère également l’un des moteurs de l’intrigue, aussi déviante qu’illustrant une lente descente aux enfers pour les deux personnages.

On est de toute évidence en présence d’un film sacrément osé, terriblement déviant, qu’il convient évidemment de ne pas mettre devant tous les yeux. D’ailleurs, STAR OF DAVID : VICES ET SÉVICES est resté longtemps inédit en France. Pourtant, il n’est pas exagéré de souligner la très belle tenue plastique du film, certaines séquences sont particulièrement inspirées, voire audacieuses. Ce qui en fait l’un des Pinku Eiga les plus intéressants qui soient, si l’on accepte de se mesurer aux atrocités qu’il montre.

Note : 3 sur 5.

STAR OF DAVID : VICES ET SÉVICES (Dabide no hoshi : Bishôjo-gari). De Norifumi Suzuki (Japon – 1979)

Genre : Pinku Eiga. Scénario : Atsushi Yamatoya, d’après le manga de Masaaki Satô. Photographie : Masaru Mori. Interprétation : Shun Domon, Natsuko Yashiro, Asami Ogawa, Hiromi Namino, Rei Okamoto, Yuka Asagiri… Musique : Masayuki Taguchi. Durée : 100 minutes.
Distribué par LE CHAT QUI FUME ( 15 mai 2025).

Comme d’habitude chez l’éditeur, on ne se moque pas du public/client en proposant la version intégrale du film reposant sur une restauration assez exemplaire de l’image dans son format 2.35 d’origine. Hormis quelques menus défauts qui subsistent en de rares moments, tous les éléments qui constituent la richesse et le travail visuels de Norifumi Suzuki et son directeur photo Masaru Mori sont clairement mis en valeur. Certains plans superbement composés éclaboussent la rétine. Le tout est accompagné au son d’une unique version japonaise en DTS-HD MA 2.0 sous-titrée en français qui ne fait pas tâche, bien au contraire. Là aussi, le travail de restauration a fait son oeuvre avec des dialogues clairs et précis, et une ambiance sonore plus riche qu’il n’y paraît.

Pour accompagner le film, l’éditeur met à disposition un module inédit (34′) faisant intervenir le spécialiste du cinéma japonais Clément Rauger, qui éclaire l’histoire de la Nikkatsu et du Roman Porno, et revient plus particulièrement sur la carrière de Norifumi Suzuki et sur le film en particulier. Petit bonus physique toujours appéciable, Le Chat qui Fume ajoute à son édition un livret de 24 pages réunissant des photographies rares du film issues directement de la Nikkatsu. Des films annonce des titres la collection Nikkatsu parus chez l’éditeur sont également proposés, histoire de faire saliver le spectateur.

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