A la fin des années 80, la mise en chantier du sublime Abyss (1990) a déclenché toute une palanquée de rejetons de films d’horreur sous-marin dont l’objectif était d’atteindre en tête la surface de l’océan des dollars avant le chef d’œuvre de James Cameron. Leviathan de George P. Cosmatos, MAL : Mutant aquatique en liberté de Sean S. Cunningham et Le Seigneur des abymes de Mary Ann Fisher, tous sortis en 1989, se donnent bien du mal pour créer la terreur sous l’eau, singeant le concept d’Alien de Ridley Scott avec plus ou moins de réussite. Moins connu, sorte de vilain petit canard de la bande, The Rift de Juan Piquer Simón arrive un peu à la traine après ses trois concurrents, puisque, bien que tourné en 1988, il ne sort qu’en 1990. Cette production Dino De Laurentiis s’avère également la plus fauchée du peloton de concurrents au titre de meilleur film d’horreur subaquatique. Et ça se ressent à l’écran.

Dans The Rift, on suit un équipage de secours parti à la recherche d’un sous-marin nucléaire disparu au fond d’une faille dans le Pacifique. Pitch ultra-classique et défilé de comédiens à l’écran assez fou : l’habitué des séries TV Jack Scalia (New York, 2 heures du matin), l’inoxydable R. Lee Ermey, éternel sergent instructeur Hartman de Full Metal Jacket, ou encore Ray « Leland Palmer » Wise. Tout ce beau monde s’agite devant la caméra du toujours délicat Juan Piquer Simon (Le Sadique à la tronçonneuse, Slugs) et dans des décors en carton pâte sensés figurer l’habitacle d’un sous-marin nucléaire dernier cri. Evidemment, tout cela fait cheap au possible, et le manque de moyens se fait cruellement ressentir, qui plus est lorsqu’on relance le film plus de trente ans après sa conception. Pourtant, la magie insoupçonnée du cinéma bis turbine à plein régime et le charme opère. Car si la longue exposition dans le sous-marin respire l’artificiel à plein nez, la suite, qui voit notre équipage partir à la découverte de réseaux sous-marins mal fréquentés au cœur de la faille, s’avère beaucoup plus plaisante et sympathique. La principale raison est simple : le virage brutal vers le film d’horreur et l’usage d’effets spéciaux particulièrement convaincants (surtout pour un micro-budget), confectionnés par Colin Arthur (L’Histoire sans fin, Total Recall, Ouvre les yeux) et son équipe. La seconde partie du film regorge de créatures originales et multiples, mais aussi d’effets sanglants généreux et assez croquignolets (éclatage de tête, arrache de jambe, etc). Au final, The Rift demeure une série B pure et dure, confectionnée avec des moyens limités, fréquentée par des seconds couteaux emblématiques et surtout, portée par des effets spéciaux qui assurent toute la saveur et le charme de cette bande horrifique sans grande prétention. C’est quoi qu’il en soit un plaisir coupable qu’on aurait tort de bouder…

Note : 3 sur 5.

THE RIFT. De Juan Piquer Simón (USA/Espagne – 1990).
Genre : Aventure/horreur. Scénario : Juan Piquer Simón, Mark Klein et David Coleman. Interprétation : Jack Scalia, R. Lee Ermey, Ray Wise, Deborah Adair, John Toles Bey, Ely Pouget… Musique : Joel Goldsmith. Durée : 83 minutes. Disponible en Blu-ray chez Le Chat qui Fume (30 juin 2023).

LE BLU-RAY DU CHAT QUI FUME. Redécouvrir The Rift grâce à cette nouvelle édition du Chat qui Fume est évidemment une opportunité à ne pas manquer. Grâce à une image restaurée, expurgée de ses défauts, qui permet de profiter d’une colorimétrie retrouvée et d’un grain prononcé, l’expérience est vraiment gratifiante et s’inscrit dans la volonté de l’éditeur de renouer avec le charme de ces séries B d’antan. De même côté son, puisque les deux pistes en DTS HD Master Audio 2.0 proposent un rendu globalement très convaincant.
En dehors du film annonce, un seul supplément, consacré à la présentation du film par Damien Granger (12′), ancien rédacteur en chef de Mad Movies, qui recontextualise le projet The Rift et les différentes étapes de sa conception. C’est court, mais bourré d’informations pour appréhender de la meilleure des manières cette pure série B.

4 réponses à « [Be Kind Rewind] THE RIFT de Juan Piquer Simón (1990) »

  1. Totalement RI-GO-LO ! et puis rien que pour Wise ou Ermey ça vaut déjà le détour

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    1. Totalement d’accord. Et généreux en SFX en tous genres !

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  2. Le moins qu’on puisse dire… tout le budget y est passé…

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  3. […] Troisième volume de sa collection [COMPACT], qui réunit des récits horrifiques comme La Nuit des Morts-vivants, Wishmaster ou encore Destination Amityville, l’éditeur Faute de frappe poursuit soin sillon et plonge cette fois dans la série B bien craspec avec la réédition en version intégrale du roman Slugs de Shaun Hutson. En 1982, l’auteur punk et trash Shaun Hutson (Nemesis) publie ce récit typique du sous-genre de l’invasion de grosses bébêtes dégueux. En l’occurrence, il s’agit ici de la prolifération de limaces mutantes et aux proportions démesurées, qui se plaisent à grignoter les humains qu’elles croisent, se délectant de la chair humaine, et à pourrir la vie du héros, un inspecteur sanitaire qui a du pain sur la planche. Ça ne va guère plus loin, mais on s’en fiche, tant le résultat fait globalement honneur au programme proposé. Un récit à la mécanique bien huilée, qui s’appuie sur un schéma typique et bien connu, rien moins que celui des Dents de la Mer, qui voit le héros qui sait mais se heurte à l’aveuglement des autorités et doit se débrouiller pour contrecarrer la menace, alors que les cadavres prolifèrent autour de lui. A ses côtés, une poignée de compagnons d’horreur, parmi une galerie de personnages globalement tous caricaturaux. Slugs est un petit classique du gore crado, qui avait d’ailleurs eu les honneurs de la fameuse Collection Gore à l’époque, avant d’être adapté au grand écran en 1988 sous le titre Mutations, par l’impayable réalisateur espagnol Juan Piquer Simón (The Rift). […]

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