Sergei Parajanov est un cinéaste arménien né et décédé sous l’URSS ayant commencé a œuvrer dans le monde du cinéma au début des années 1950 avec un moyen-métrage du nom de Moldavian Fairy Tale avant de continuer avec quelques courts ou longs métrages, en sachant qu’il réalise aussi des documentaires de tous types de durée. A partir de 1959, il se mit au format long dans la fiction, en faisant deux d’entre eux en Ukraine soviétique et un autre en Russie soviétique. C’est à la moitié des années 1960 qu’il commencera à se faire réellement connaître en sortant ses quatre longs-métrages cultes jusqu’en 1988. Le premier, datant de 1965, du nom de Les Chevaux De Feu, sera tourné en langue ukrainienne. Le second, de 1969, son plus connu actuellement du nom La Couleur De La Grenade, aura raisonné de part son esthétique auprès d’Ari Aster notamment et était en 2012, placé 84e meilleur film de tous les temps selon le magazine de sondage Sight & Sound. Entre 1973 et 1982, il fera divers séjours en prison soviétique, accusé de beaucoup de méfaits, même si c’était certainement la portée politique de son cinéma qui devait plus causer problème. Avant de sortir en 1988 en langue géorgienne son dernier long-métrage de fiction Ashik Kerib, Parajanov sortait en 1985 La Légende De La Forteresse De Souram, film là aussi venu de Géorgie soviétique, récemment présenté à L’Etrange Festival 2023 pour la carte blanche de Kirill Serebrennikov, réalisateur de l’excellent La Femme De Tchaïkovski entre autres (qui présentait d’ailleurs Parajanov comme l’un de ses cinq apôtres du cinéma). L’intrigue du film se situe dans les temps anciens, à la frontière de la Turquie et de la Géorgie où se construit la Forteresse de Souram. Elle ne pourra être achevée que lorsqu’un jeune homme sera emmuré vivant dans l’édifice… A savoir que le métrage est co-réalisé par Dodo Abashidze, de façon plus ou moins officielle.

Théâtral, important et grandiose

On le comprend vite, mais Sergei Parajanov construit des plans semblables à des tableaux fixes (les plans sur les visages notamment, d’une beauté sans pareille), avec parfois de très légers mouvements (par exemple, lors d’une scène où la caméra suit doucement des tonneaux de gauche à droite), le métrage est une œuvre d’art mouvante, réussissant rendre exceptionnel les accessoires et décors, débouchant sur une vision belle et unique. En parlant de vision, la liberté et le patriotisme sont deux sujets centraux du films parmi d’autres moins importants, Sergei Parajanov ne se place pas comme nationaliste géorgien (malgré le fait que le film soit tourné en période URSS, il tourna en Géorgie soviétique car il fût invité mais surtout car il ne pouvait plus tourner en Russie) contrairement à ce que cela peut parfois faire penser au détour de quelques séquences, même si certaines scènes sèment le doute, la fin notamment. Sans trop spoiler, le film aborde le mal humain et quelque chose de certainement plus qu’anti-nationaliste avec une scène de voyance désignant quelqu’un pour être emmuré, alors que la voyante agit plutôt par vengeance. Un fait d’ailleurs confirmé quelques séquences plus tôt avec le frère de l’ancienne voyante décédée disant qu’elle peut prendre sa place et raconter de belles histoires aux gens car ils adorent les mensonges, contrairement à la vérité. La voyante satisfait alors son orgueil pour soi-disant sauver la patrie, La Légende De La Forteresse De Souram a alors beau se passer dans le passé, c’est une histoire intemporelle sur le mal humain. Parajanov est d’une imparable nuance, la pensée du cinéaste est fascinante, ce qui se reflète dans son œuvre. Il réussit, au-delà de ses beaux plans et de son message, à faire, toujours en restant dans le lexique de l’art pictural, des portraits de personnages magnifiquement dépeints, tout cela en moins d’une heure et demi, à travers un enchevêtrement de scènes s’entrecroisant (chacune étant présentée par un nom en blanc sur fond noir). C’est l’un des reproches que l’on peut faire au film d’ailleurs, ces petites scènes ont un rythme assez étrange : d’abord, elles durent dans le temps puis s’enchainent de plus en plus, ce pourquoi le film aurait dû être plus sélectif sur le choix de la rythmique, mais pas s’allonger vu la durée parfaite du métrage. Les interprètes du film sont excellents de Sofiko Chiaureli (Vardo) à Levan Uchaneishvili (Zurab) en passant par Zura Kipshidze (Durmish-Khan) et tout le reste du casting, performant tous très bien avec justesse et théâtralité, nous faisant vivre ce merveilleux récit comme un conte. Le film s’accompagne aussi des musiques traditionnelles de l’impérial Jansug Kakhidze et d’une symbolique parfois difficilement déchiffrable. Tant de choses à approfondir dans une analyse plus complète que, peut-être, nous vous sortirons un jour mais pour le moment, allez juste découvrir La Légende De La Forteresse De Souram dès que vous le pourrez mais le film n’est, pour le moment, disponible que dans un DVD assez difficile à trouver.

Note : 4 sur 5.

LA LEGENDE DE LA FORTERESSE DE SOURAM (ამბავი სურამის ციხისა). De Sergei Parajanov (URSS – 1985).
Genre : Fantastique, Conte, Drame. Scénario : Daniel Chonqadze, Vaja Gigashvili. Directeurs de la photographie : Yury Klimenko, Sergo Sikharulidze. Interprétation : Dodo Abashidze, Sofiko Chiaureli, Zura Kipshidze, Levan Uchaneishvili… Musique : Jansug Kakhidze. Durée : 83 minutes. Film découvert lors de l’Étrange Festival 2023, disponible en DVD (Film sans Frontières).

Une réponse à « [Be Kind Rewind] Etrange Festival 2023 : LA LEGENDE DE LA FORTERESSE DE SOURAM de Sergei Parajanov (1985) »

  1. […] bizarre 2551.02 et, dans les films moins récents, l’excellement obscur Begotten et le symbolique La Légende De La Forteresse De Souram. Mais il y a onze films dont nous n’avons pas encore sorti la critique, les voici, en commençant […]

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