Demián Rugna est un cinéaste, scénariste et monteur argentin ayant réellement commencé sa carrière dans les années 2000 et ayant réalisé en tout cinq longs-métrages dont notamment Malditos Sean!, coréalisé avec Fabián Forte (qui réalisera bien plus tard le sympathique Légions). Mais c’est avec son quatrième film, en 2017, que Rugna se fait reconnaitre avec Aterrados, petite pépite de festival à bas budget ayant atteint même la France lors du PIFFF 2018. C’est en 2023 que le cinéaste argentin signe son grand retour avec When Evil Lurks, film ayant fait sa première mondiale en septembre au TIFF 2023, pour directement arriver en France en fin de mois à travers le FEFFS (Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg) puis au PIFFF en décembre. Ce film, décrit par beaucoup comme le meilleur de la catégorie horrifique depuis le début d’année, conte l’histoire de deux frères, Pedro et Jaime, qui entrent dans une bicoque de leur village et y découvrent le corps atrocement déformé d’un homme à l’agonie, hôte d’un démon. La fratrie prend sur elle de mettre fin à ses souffrances, et le mal se répand dans toute la population avoisinante… À peine commencé, le film ne perd pas de temps, il se lance dans un récit complètement anxiogène et avec une atmosphère pesante, prête à devenir féroce. Car, là où certains films de ce genre prennent le temps d’instaurer leur ambiance comme une lente dépression, When Evil Lurks embrasse le pessimisme avec une puissance traumatique sans compassion. Traumatique est clairement le mot adéquat, revenant à l’essence du film d’horreur de façon assez terrifiante et, aussi simple que cela puisse paraître, horrifique. Demián Rugna frappe encore plus fort qu’avec Aterrados, mais les deux films ont un point commun admirable : parfaitement revisiter le film de possession à une époque où l’on croit tout avoir vu de ce genre. Aussi, ce qui rend ce nouveau film moins classique, c’est qu’il n’y a pas de prêtre armé de crucifix et d’eau de vie car, comme le dira Pedro : « Les églises sont mortes ». En termes de scénario, le film parvient également à proposer de la profondeur dans ses protagonistes, ce qui explique sans mal chacun de leurs comportements et, même si une ou deux décisions cruciales sont assez peu logiques, leurs personnalités sont parfaitement définies sans pour autant en faire des caisses. Et cette importance des personnages dans le récit sert aussi l’échelle du film, qui n’est pas une œuvre apocalyptique comme on pouvait l’attendre mais plus un drame familial où s’insinue l’angoisse. Et c’est ce côté très intimiste qui ne va faire que rendre le récit plus percutant car l’on connaît tous un minimum ces personnages pour être assez pris de courts par leur mort. Mais parfois, c’est juste la maestria de la mise en scène de Rugna qui fait que cela nous prend, par exemple lors de la scène du chien avec ce qui constitue certainement le meilleur jumpscare de l’année, bien qu’on le voit venir de très loin ; mais le cinéaste argentin surprend toujours. Par ailleurs, When Evil Lurks s’avère un film sincère, sans aucun secret, la mise en scène dévoilant chaque révélation longtemps avant que l’on ne la découvre, mais toujours avec une subtilité qui nécessite un second visionnage. Ce qui rend le métrage un peu plus terrifiant encore, c’est l’humour noir auquel nous étions très réceptifs durant toute la durée du festival, mais qui, sans exagération, ébranle le spectateur avec une force malsaine que Rugna maîtrise tel un orfèvre. En conclusion, When Evil Lurks est un métrage exceptionnel en la matière, traumatique mais qui va au-delà, pour être le film d’horreur rêvé qui ne réinvente pas la roue mais utilise tout ce qu’il a, au mieux qu’il le peut. A défaut de sortir en salles en France, le film bénéficiera d’une exposition sur support physique et VOD, grâce à l’éditeur Factoris Films, courant de l’année 2024.

Note : 4.5 sur 5.

WHEN EVIL LURKS (Cuando acecha la maldad). De Demián Rugna (Argentine – 2023).
Genre : Horreur. Scénario : Demián Rugna. Directeur de la photographie : Mariano Suárez. Interprétation : Ezequiel Rodríguez, Demián Salomón, Silvina Sabater, Virginia Garófalo, Emilio Vodanovich, Marcelo Michinaux… Musique : Fuu Pablo. Durée : 99 minutes. Film découvert au PIFFF 2023, distribué par Factoris Films courant 2024.

6 réponses à « [Critique] PIFFF 2023 : WHEN EVIL LURKS de Demián Rugna »

  1. […] qui rient. Ensuite, revenons rapidement sur les meilleurs films du festival : l’excellent When Evil Lurks, parmi les meilleurs films de l’année ; le cauchemardesque Stopmotion (récompensé par le […]

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  2. […] film d’horreur comme on n’en voit peu (même si les deux films sont très différents, When Evil Lurks de Demián Rugna se rapprocherait tout de même de cette définition). L’un des grands films de […]

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  3. […] Devant faire face à la pourriture qui se répand progressivement, deux frères vont devoir faire face à une menace grandissante. When Evil Lurks est un film de possession qui, contrairement aux grosses productions américaines qui se ressemblent un peu trop, joue la carte de l’originalité. On ne peut que saluer cette petite pépite en devenir propulsée par Shadowz et présentée lors du PIFFF 2023. (Notre critique). […]

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  4. […] profondeur, je me tiens cette année à un Top 15 des sorties françaises. Cependant, les voici : When Evil Lurks de Demián Rugna (très facilement insérable dans le Top 3, déjà premier de celui des festivals […]

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  5. […] et festival. En 2024, il y en a dix de moins, dont trois déjà présents l’an dernier : When Evil Lurks de Demián Rugna (très facilement insérable dans le Top 3, déjà premier de celui des festivals […]

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