Károly Ujj Mészáros est un cinéaste hongrois derrière de nombreux courts-métrages réalisés durant les années 2000, avant de se lancer en 2015 dans la réalisation de son premier film long : Liza, the Fox-Fairy, un récit assez barré sur une femme fan du Japon qui cherche désespérément l’amour à ses 30 ans, mais dont l’ami imaginaire, un chanteur japonais décédé il y a plusieurs années fou amoureux d’elle, va tuer quiconque s’entiche d’elle. Un film assez fou et drôle, très loin du second long-métrage de Mészáros, Dédale Meurtrier (aussi connu à l’international comme X – The eXploited), polar beaucoup plus sérieux et sombre. Ce deuxième essai est centré sur Eva Batiz qui, depuis le suicide de son mari, inspecteur de police comme elle, est victime de crises de panique lorsqu’elle s’approche d’une scène de crime. Cela ne l’empêche pas d’être une enquêtrice particulièrement brillante qui va devoir enquêter sur une affaire de meurtre en série particulièrement épineuse… La mise en scène de Mészáros s’avère passionnante de bout en bout, déjà de par sa maîtrise globale, la technique photographique étant de bonne tenue, mais surtout pour ses quelques idées telles que les plans inversés ou, autre exemple, la proximité avec le visage de la protagoniste. La prouesse du film se situe aussi dans le sound design, l’immersion n’étant que plus grande, par rapport au personnage d’Eva, notamment avec ses respirations qui prennent toujours le pas sur les autres bruitages, ce qui nous montre assez souvent son niveau élevé de stress. La protagoniste s’avère assez intéressante car, même si beaucoup de ses caractéristiques sont somme toute archétypales, elle reste attachante et est, comme le dira l’un des personnages lui-même de façon assez méta, « pas l’archétype de l’héroïne ». Elle est tourmentée et, même lorsque les gens la comprenne, elle reste finalement seule face à l’adversité, voire face à la société. Elle reste classiquement écrit, notamment dans sa relation avec sa fille, mais l’interprétation de Mónika Balsai est tout bonnement grandiose dans la manière de faire vivre son personnage. Ce qui réussit particulièrement dans ce que nous offre Károly Ujj Mészáros, c’est également son récit qui est, disons-le, tout ce qu’il y a de plus simpliste : un polar sombre avec une protagoniste tourmentée depuis le décès de son mari. Mais le cinéaste hongrois s’empare de ce classicisme pour nous offrir une enquête passionnante et arrive à nous amener dans toute la grisaille qui entoure ce personnage traumatisé. Ce que l’on peut reprocher par contre au film, c’est d’être finalement très politiquement correct. Si le film aborde des questions de complots politiques de la société hongroise, voire au-delà, la dénonciation reste insuffisante, et l’on sent clairement que Mészáros ne veut pas se mouiller sur le sujet. En conclusion, Dédale Meurtrier est un métrage qui ne réinvente pas la roue mais reste assez efficace, poussé et intéressant pour être assez notable. En somme, l’opposé de Liza, the Fox-Fairy, qui était beaucoup plus drôle et fantasque, donc très dissemblable mais tout aussi bien construit. Károly Ujj Mészáros est donc plein de promesses et, même s’il n’a plus réalisé de film depuis 2018, en dehors de la série Alvilág, son retour est bien plus qu’attendu par chez nous.

Note : 3.5 sur 5.

DEDALE MEURTRIER (X – A rendszerből törölve). De Károly Ujj Mészáros (Hongrie – 2018).
Genre : Thriller, Drame. Scénario : Károly Ujj Mészáros, Bálint Hegedûs. Photographie : Martin Szecsanov. Interprétation : Mónika Balsai, Schmied Zoltán, Áron Molnár, Szabolcs Bede-Fazekas, Csaba Gosztonyi… Musique : Dániel Csengery. Durée : 111 minutes. Disponible en VOD.

Une réponse à « [Critique] DEDALE MEURTRIER de Károly Ujj Mészáros »

  1. […] Ce qui fascine aussi, c’est l’immense profondeur que dégage le récit malgré le fait qu’il ne développe pas forcément une myriade de pistes ou de suspects, l’on ressent toutes les émotions des protagonistes et l’échec grandissant qu’est l’enquête, qui semble de toute façon impossible à résoudre, toutes les pistes semblant bonnes et mauvaises à la fois, telles notamment celle d’un présumé coupable qui va alors se suicider du haut du commissariat et qui sera alors directement présumé innocent, alors que rien ne le prouve. C’est aussi la nébulosité du récit qui fait sa force et qui démontre qu’il gagne à être revisionné, avec notamment plusieurs scènes montrant un couple que l’on pense être les parents de la fillette, sans que cela ne soit jamais confirmé, tout comme les flashbacks dévoilant la fillette qui semble parler de façon assez anachronique à un personnage qui ne la connaîtra qu’à sa mort. Cela en devient même onirique par moment, comme si plus rien n’avait de sens ou plutôt comme si nous étions perdus dans la psyché d’un policier tourmenté par son impossibilité à résoudre une enquête. Point plus secondaire mais qui marque tout de même, la bande-son est très belle, avec notamment des sortes de chants lyriques très agréables à l’oreille, nous enfonçant encore plus dans le cauchemar qu’est Crépuscule, dont le titre est finalement assez évocateur, même si nous semblons parfois déjà être noyés dans les profondeurs de la nuit. Film âpre, pas toujours linéaire mais passionnant à suivre, Crépuscule est une pépite qui mérite d’être déterrée pour être découverte par le plus grand nombre. Et si vous voulez poursuivre votre découverte du cinéma hongrois, je ne peux que conseiller l’excellent et étrange Taxidermie mais aussi le thriller ultra-maitrisé Dédale Meurtrier. […]

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