Entre le 26 octobre et le 4 novembre 2023, La Cinémathèque française diffusait pour la seconde fois au Monde la rétrospective Mexico Maleficarum, dévoilant à cette occasion plusieurs trésors du cinéma mexicain, treize films précieux et rares. Nous avons pu tous les voir et nous abordons aujourd’hui le plus monumental de tous : Alucarda de Juan Lopez Moctezuma, cinéaste mexicain auteur de cinq films sortis entre 1973 et 1994, avant de décéder l’année suivante.

Alucarda conte le récit de Justine, nouvellement arrivée dans un couvent, qui va rencontrer Alucarda, jeune fille ténébreuse. Après avoir formulé un pacte de sang, les deux femmes vont déchainer les enfers dans le lieu sacré… Rien que l’introduction nous immerge complètement dans le récit avec quelque chose d’assez angoissant et étrange à la fois. Puis, lorsque le film se lance réellement, l’étrangeté ne devient qu’évidence avec ses nonnes aux airs de momies articulées et ses décors classiques mais en proie à l’horreur profonde de la nunsploitation (films d’exploitations mettant notamment en scène des nonnes, genre particulièrement présent dans les années 70). Le métrage ne perd pas une seconde pour faire ce qu’il veut faire car, avec sa durée de seulement 78 minutes, il enchaine rapidement séquences sur séquences, ce qui peut d’ailleurs causer quelques petits problèmes de subtilité scénaristique, le film n’ayant pas forcément le temps d’aborder la substance de tout ce qui le constitue.

Immense fresque sataniste irrévérencieuse

Alucarda est une immense fresque sataniste assez irrévérencieuse pour l’époque, notamment à cause du bain de sang qu’il donne à voir, de son commencement jusqu’à sa finalité, mais surtout par son saphisme assumé que les années 70 considéraient comme osé voire effronté et choquant. Par ailleurs, le métrage de Moctezuma détourne très bien les codes classiques du « film de couvent » (et, plus globalement, du film sataniste) pour se les approprier avec son univers étrange et grâce à la photographie de Xavier Cruz, qui capte les décors mais aussi les personnages pour alimenter l’aura horrifique du récit.

Et pourtant, le film, malgré toutes ses qualités, ne tiendrait pas sans la performance exceptionnelle de Tina Romero, jouant parfaitement la folie de son personnage et se classant parmi les meilleures prestations de son époque, si ce n’est du siècle dernier. Elle incarne un personnage répandant le mal comme la peste, pouvant être vu avec un œil actuel comme toxique mais étant plutôt mis dans son temps comme une servante dévote de Satan. Et même, en poussant un peu, l’on peut voir une certaine histoire d’amour dantesque au travers du récit de Juan Lopez Moctezuma, même si la dernière partie pourrait démentir ce point qu’il est assez difficile d’aborder sans faire preuve de divulgâchage. Pour conclure, Alucarda est sans aucun doute l’un des meilleurs films du siècle dernier, une apocalypse filmique et un déchainement luciférien sans limites. C’est à voir sur Shadowz (il est également sorti en DVD américain chez Mondo Macabro il y a à peu près vingt ans, il faudrait d’ailleurs une restauration du film), en espérant qu’il reste sur le catalogue le plus longtemps possible car c’est l’une des plus grandes pépites de cinéma de genre que vous pourrez voir dans votre vie.

Note : 4.5 sur 5.

ALUCARDA (Alucarda, la hija de las tinieblas). De Juan Lopez Moctezuma (Mexique – 1977).
Genre : Horreur. Scénario : Juan López Moctezuma, Alexis Arroyo, Tita Arroyo, Yolanda López Moctezuma. Photographie : Xavier Cruz. Interprétation : Claudio Brook, David Silva, Tina Romero, Susana Kamini, Lily Garza… Musique : Anthony Guefen. Durée : 78 minutes. Disponible sur Shadowz.

Une réponse à « [Be Kind Rewind] ALUCARDA de Juan Lopez Moctezuma (1977) »

  1. […] cinématographique exceptionnelle qu’est l’année 1977 (avec les exemples tels que Alucarda, Suspiria, House, La Criatura, C’était un rêve…) Le Dernier Monde Cannibale a tout […]

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