Jean-Bernard Marlin est un cinéaste français originaire de Marseille, ville qu’il semble beaucoup affectionner, l’ayant mit en scène dans ses deux longs-métrages. A commencer par Shéhérazade, une histoire d’amour entre un jeune récemment sorti de prison et une prostituée, le film a été présenté à la Semaine de la Critique cannoise en 2018. Même si plutôt bien écrit et interprété, Shéhérazade s’avérait assez peu approfondi sur quelques points, l’histoire s’étirait un peu trop sur la longueur et, surtout, la tension n’était pas autant palpable que le drame. C’est en 2023 que Marlin est retourné à la réalisation avec Salem, de nouveau présenté au Festival de Cannes, mais cette fois-ci dans la section Un Certain Regard. Le long-métrage navigue toujours entre les genres du drame et du thriller, avec cette fois-ci une pincée de fantastique plutôt assumée. Salem conte le récit de Djibril, un habitant du quartier marseillais des Sauterelles, en couple avec Camilla, habitante du quartier rival des Grillons. Elle est enceinte de lui. Tandis que Djibril lui demande d’avorter pour ne pas déclencher une guerre des clans, Camilla souhaite dur comme fer garder le bébé. Alors qu’un adolescent des Grillons se fait assassiner, indirectement par la faute de Djibril, ce dernier commence à culpabiliser, jusqu’à sombrer dans une folie christique. Mais est-ce de la folie ou une malédiction tombe-t-elle belle et bien sur les quartiers ?

Drame poignant et film fantastique

Malgré le fait qu’il se déroule sur deux temporalités, Salem reste sacrément linéaire et compréhensible, n’essayant jamais de perdre le spectateur dans un dédale d’informations inutiles, on comprend parfaitement les choix de montages – et ceux de scénario qui y sont associés – qui sont légitimes et bien orchestrés. Ce qui est bien orchestré là aussi, c’est le scénario, assez minimaliste et posant des enjeux importants qui accrochent suffisamment le spectateur. Marlin mélange très bien les genres : drame poignant et film fantastique minimaliste mais aussi quelques moments de thriller bien sentis, avec même quelques moments d’action savamment gérés. Le drame est notamment abouti émotionnellement, les personnages étant assez attachants pour nous tirer des larmes, sans jamais être sur-sentimentaliste, les choix des personnages étant cohérents mais surtout forts, on ressent ce qui pèse sur eux et sur le récit (ce qui était très peu le cas dans Shéhérazade). La mise en scène ne casse pas trois pattes à un canard, les plans restant somme toute basiques, mais significatifs et efficaces, ce qui est le minimum syndical mais qui semble parfois être trop demander pour bien des films. Pour revenir aux personnages, il y a tout de même des choses à redire, les protagonistes manquant parfois de développement, les plus secondaires notamment, dont l’évolution entre les deux temporalités semble assez peu expliquée et un peu clichée, mais cela ne gâche pas non plus l’expérience qu’est le récit. Ce dernier s’appuie donc sur du cinéma de genre, au travers de Djibril, sorte de guérisseur mystique qui va par ailleurs transmettre son don, mais aussi avec une sorte de prophétie apocalyptique à base de sauterelles et grillons, qui n’est pas sans vaguement rappeler l’excellent La Nuée de Just Philippot. Aussi, le film a un aspect très étrange, dans son traitement de la religion car notre protagoniste a des pouvoirs conférés par un Dieu, le seul problème étant que le métrage semble tout mélanger en mettant tout d’abord l’Islam en avant mais contredit cela dans une scène où les dévots semblent être chrétiens ; c’est assez difficile à avaler et il y a de fortes chances que cela fasse sortir pas mal de monde du récit.

En conclusion, Salem reste un métrage magique, attachant et qui gère magnifiquement son cocktail de genres, tout en réussissant à être profond sans se perdre dans une complexité inutile, même s’il oublie parfois d’approfondir certains points ou a minima de les éclairer. On scrutera la suite du travail de Jean-Bernard Marlin, qui sembler petit à petit évoluer, pour peut-être un jour figurer dans la compétition cannoise officielle.

Note : 3.5 sur 5.

SALEM. De Jean-Bernard Marlin (France – 2023).
Genre : Drame, Thriller, Fantastique. Scénario : Jean-Bernard Marlin. Photographie : Jonathan Ricquebourg. Interprétation : Dalil Abdourahim, Oumar Moindjie, Wallen El Gharbaoui, Mohamed Soumare, Rachid Ousseni… Musique : Krister Linder. Durée : 118 minutes. Distribué en salles par Ad Vitam (29 mai 2024).

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