
Rahul Sadasivan est un cinéaste indien – plus précisément malayalam – principalement connu pour son film Bhoothakaalam, sorti en 2022 et uniquement disponible sur le service de streaming Einthusan, avec des sous-titres anglais par chez nous, comme à peu près tous les films indiens après leur passage en salle, si tant est qu’ils y sortent, ce qui n’est pas le cas de son premier métrage. Par contre, Bramayugam, notre film du jour, s’est frayé une place temporaire au cinéma par chez nous le 15 février 2024, ayant permis à quelques spectateurs de le découvrir sur grand écran. Mais, avant toute chose, de quoi nous parle ce métrage ? Thevan, un chanteur de folklore, se perd après avoir échappé de justesse à un marché aux esclaves. Sa vie prend un tournant inattendu lorsqu’il tombe accidentellement sur un lieu mystérieux…

Âpre, atmosphérique et défaitiste
Bramayugam est un métrage horrifique dans son essence la plus pure, loin du kitsch ou plutôt de la surenchère dont le cinéma indien est pionnier (Veerana, Jawan…), Rahul Sadasivan parvenant à offrir une atmosphère terrifiante, l’horreur s’insinuant petit à petit, dès une introduction très onirique jusqu’à son final aux retournements de situations délicieux, en passant par un récit qui monte l’épouvante graduellement avec des idées à foison sans jamais être dans un trop-plein. Notamment l’une des séquences finales utilisant du body horror mais aussi et surtout du folk horror, disséminé un peu partout dans le métrage, avec des récits dignes de contes ancestraux ou même dans sa bande-son, dirigée par Christo Xavier, aux notes très « fablesques » ou plus simplement (mais efficacement !) angoissantes. La mise en scène, elle aussi, est très réussie, avec des plans imposants, tous sublimés par un noir et blanc impeccable, qui rappellera à certains The Lighthouse, parlant aussi de folie, même si Bramayugam aborde le fantastique beaucoup plus frontalement et de façon moins ambiguë. Et, pour finir, c’est le casting qui rayonne, avec Arjun Ashokan et Siddharth Bharathan qui sont parfaits dans leurs rôles, très justes, même s’ils manquent justement un peu de l’excès oriental qu’offre parfois le cinéma indien. Excès garantit cependant par Mammootty, grande star du cinéma indien ayant joué dans plus de 400 longs-métrages, qui, avec son petit surjeu par instant, parvient justement à nous faire croire en son personnage, être très malicieux et mystérieux. Aussi, le final, d’un nihilisme plaisant, est très abouti tant scénaristiquement que visuellement, notamment dans ses effets spéciaux. En conclusion, Bramayugam est un film âpre, avec un folklore grandiose et qui arrive à être un film d’horreur comme on n’en voit peu (même si les deux films sont très différents, When Evil Lurks de Demián Rugna se rapprocherait tout de même de cette définition). L’un des grands films de l’année, pour l’instant.
BRAMAYUGAM (ഭ്രമയുഗം). De Rahul Sadasivan (Inde – 2024).
Genre : Horreur folklorique. Scénario : T. D. Ramakrishnan, Rahul Sadasivan. Photographie : Shehnad Jalal. Interprétation : Arjun Ashokan, Mammootty, Sidharth Bharathan, Amalda Liz, Manikandan Achari… Musique : Christo Xavier. Durée : 140 minutes. Disponible sur Einthusan.

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