

Suite au succès d’estime de leur premier long-métrage en duo, Wedding Nightmare, en 2019, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett (passés auparavant par le collectif Radio Silence pour V/H/S et 666 Road) prennent du grade en ralliant la franchise emblématique Scream, avec la lourde charge de prendre la suite de l’illustre Wes Craven. Ils emmènent dans leurs bagages leur scénariste attitré, Guy Busick, et s’appliquent à se vautrer dans les grandes largeurs dans un cinquième opus très embarrassant, avant de très légèrement redresser la barre dans le suivant. Mais la saga est clairement devenue boiteuse depuis leur prise en main. Avec leur film suivant, Abigail, les deux réalisateurs renouent avec un projet se rapprochant du ton de Wedding Nightmare, un mélange des genres horrifico/gore/rigolard/cool, dans lequel ils cherchent à moderniser le mythe du vampire en le transposant dans un environnement moderne. Ici, on suit une bande de criminels à la petite semaine qui sont engagés pour kidnapper une une jeune ballerine, et la maintenir en captivité dans un imposant manoir le temps d’une nuit, afin d’en récolter une belle rançon. Sauf que… et ce n’est pas un spoiler, la (pas si) jeune Abigail est la descendante d’une lignée de vampires qui ne va pas se laisser faire et mener la nuit dure à ses ravisseurs. S’appropriant la mythologie des buveurs de sang, Bettinelli-Olpin et Gillett en profitent pour en balayer d’un revers de main quelques uns des éléments constitutifs (lumière du jour, absence de reflet, pieu dans le cœur : c’est oui ; croix, ail : c’est non…). Pourquoi pas, puisqu’on a vu des tentatives révisionnistes similaires pertinentes et très réussies.

Ail, Ail, Ail !
Sorte d’hybridation des genres, film de gangsters verbeux contaminé par le récit vampirique, Abigail lorgne sur la structure et le ton d’Une Nuit en enfer d’un autre duo, Quentin Tarantino et Robert Rodriguez. On retrouve une approche à la cool, gratinée niveau gore, assez similaire, ainsi qu’une rupture de ton en cours de métrage, une propension à vouloir délivrer du dialogue percutant à tour de bras et à croquer des personnages hauts en couleur. Mais ce qui passait crème chez Tarantino/Rodriguez est bien plus problématique ici. Que ce soit dans l’écriture, les dialogues, la direction d’acteurs… Rien ne va. De toute évidence, Guy Busick, qui figure toujours au scénario (au côté de Stephen Shields), n’a pas le début du quart du talent d’écriture de l’auteur de Pulp Fiction. Et Abigail se vautre dans des tunnels de palabres absolument inintéressants et lourdingues, débités par des comédiens qui font ce qu’ils peuvent dans la défroque de personnages globalement inintéressants, caricaturaux, voire complètement antipathiques. On sauvera les toujours excellents Dan Stevens et Kevin Durand, ainsi que la jeune Alisha Weir. Pire, les protagonistes sont complètement à la ramasse de ce qui se trame durant une bonne moitié du film, et il n’y a rien de pire pour le spectateur que d’avoir trois longueurs d’avance sur des personnages sans que cela n’ait aucune légitimité, ni logique narrative.

Abigail est une catastrophe d’écriture, sur laquelle on pourrait passer sans trop de problème si les concepteurs de la chose ne cherchaient pas à jouer aux gros forceurs référentiels : les clins d’œil et autres coups de coudes dans les côtes du spectateur sont légions, avec ce côté méta tout droit hérité de Scream. Une approche purement gratuite et sans intérêt. Le film s’égrène, les situations s’enchaînent laborieusement, sous la forme d’un huis-clos, qui plus est plombé par un découpage de l’espace sans aucune logique (on ne comprend rien à la topologie du lieu). Si le film est très mal écrit, c’est évidemment sur son côté technique et sa seconde partie que l’on attendait Abigail. Lorsque la vampire déchaîne ses accès de violence et commence son entreprise d’équarissage de tout ce petit monde, le film tient plutôt bien sa ligne, lâchant les chevaux de manière très démonstrative, avec quelques décapitations et explosions de sang bien vues et plutôt généreuses. Bettinelli-Olpin et Gillett en profitent pour iconiser la jeune vampire ballerine tant qu’ils peuvent, tout cela reste bien vain. Même si la générosité gore pourra faire passer la pilule, force est de constater que les projets du duo se suivent et ouvrent à un constat : ils sont représentatifs d’une approche actuelle du cinéma de genre, qui creuse le sillon d’une horreur 2.0 de gros malin, qui souhaiterait s’ériger en portes-étendards d’un cinéma résolument moderne et qui ne réussit qu’à susciter l’ennui poli ou l’énervement, selon l’humeur…
ABIGAIL. De Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett (USA/Irlande – 2024).
Genre : Horreur. Scénario : Guy Busick et Stephen Shields. Photographie : Aaron Morton. Interprétation : Melissa Barrera, Alisha Weir, Dan Stevens, Kathryn Newton, Kevin Durand, Angus Cloud… Musique : Brian Tyler. Durée : 109 minutes. Distribué par Universal Pictures (9 octobre 2024).
Le Blu-ray de UNIVERSAL PICTURES. Très belle copie HD pour cette édition. Pas grand-chose à reprocher à cette image à la précision chirurgicale, qui brille par son niveau de détails remarquable, une gestion des couleurs et des teintes au top. On retiendra aussi des contrastes très marqués. Un régal pour les yeux. La version originale anglaise est proposée dans un Dolby TrueHD 7.1 assez bluffant en termes de puissance. Les sons jaillissent de toutes parts, marquant la gestion particulièrement généreuse de la spatialisation, y compris pour les installations plus modestes. C’est une belle expérience, dont la version française, en Dolby Digital+ 7.1, n’a pas à rougir de la comparaison.
Belle moisson de bonus pour cette édition Universal. Mais la quantité ne fait pas la qualité, et la proposition éditoriale ici présente vient à nouveau l’illustrer. Pas mal de featurettes proposées, mais une tonalité promotionnelle qui rend l’ensemble très indigent. On retrouve un court bêtisier même pas drôle et trois scènes coupées qui sont en fait des versions légèrement allongées d’éléments du film. Puis, une enfilade de modules sur différents aspects, dont les SFX ou les personnages. La parole est ensuite donnée aux réalisateurs, tous deux ravis de la crèche et de l’expérience et admiratifs de toute leur équipe. C’est plat, sans aucune valeur informative. Un commentaire audio des deux larrons et du monteur Michael P. Shawver complète l’interactivité mais on ne se l’est pas infligé.

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