Scott Beck & Bryan Woods sont un duo de scénaristes, cinéastes et producteurs ayant démarré leur carrière commune dès les années 2000. Depuis moins de dix ans, ils se sont fait connaître pour avoir notamment co-scénarisé le premier Sans Un Bruit avec son réalisateur, John Krasinski. Mais, c’est depuis 2006 et leur The Bride Wore Blood qu’ils dirigent des films longs, bien que c’est leur troisième œuvre, Haunt, sortie treize ans après, qui les met sur le devant de la scène. Il reviendront par la suite avec le décrié film de science-fiction et d’aventure 65 : La Terre d’avant. Cette année, ils renouent avec l’horreur sous la bannière d’A24 avec Heretic. Dans ce dernier, deux jeunes missionnaires de l’église mormone d’une petite ville du Colorado font du porte à porte dans l’espoir de convertir les habitants. Le soir venu, après une journée infructueuse, elles décident de frapper à la porte d’une maison isolée. C’est le charmant Mr Reed qui les y accueille. Très vite, l’entente se fait avec ce passionné de théologie mais, petit à petit, Mr Reed se comporte de manière bien étrange…

Monopoly(s) religieux
Loin du simple film d’horreur et tout aussi mystérieux que ce que nous vendaient synopsis et bande-annonce, Heretic est parmi les films les plus complexes de l’année malgré qu’il se fonde sur le récit le plus simpliste possible, dans un huis-clos atmosphérique absolument grandiose. Avant tout, ce que nous donne Bryan Woods et Scott Beck relève bien plus de la longue réflexion que du train fantôme, principalement au travers de son antagoniste – bien que cette notion ne soit pas réellement pertinente ici – théologien qui va questionner la foi mais, surtout, sa source avec une philosophie des plus rudimentaires et remarquables à la fois. Pour vous situer, c’est en quelque sorte un cinéma anti-Shyamalan, le duo de cinéastes ne choisissant pas la facilité quelque peu niaise du pourtant très bon réalisateur de Incassable, qui a bien du mal à être sagace et intéressant thématiquement avec les années (Signes et Knock at the Cabin viennent à l’esprit). Pour ne pas divulgâcher un si bon métrage, nous n’entrerons pas dans les détails, mais c’est dans doute aucun le film avec la réflexion la plus fascinante de l’année qui renverse sa simplicité apparente pour rénover le film religieux insipide et grandir dans son spectateur de la meilleure des manières, s’insinuant dans les méandres de son esprit. Heretic est le genre d’œuvre qui, que l’on apprécie ou non la proposition, fait son chemin dans notre esprit et mâture sans avoir besoin de quelque revisionnage que ce soit ; ce qui en fait un excellent métrage pour ceux qui n’ont pas forcément le temps ou l’argent de se revoir deux ou trois fois des films. Certains détracteurs de la société derrière le film, la désormais bien connue A24, n’y verront qu’une proposition faussement intelligente, desservie par le terme pompeux d’ »elevated horror » (« nouveau » sous-genre de l’horreur soi-disant au-dessus intellectuellement, bien que cette notion ne veuille pas dire grand-chose) mais tentez l’expérience pour voir au-delà d’un film d’horreur terrifiant avec un Hugh Grant qui l’est tout autant. En fin de compte, l’horreur a une place très mineure dans l’ensemble et Grant n’est pas le « grand méchant » attendu, servant les thématiques parfaitement et étant plus étrange que véritablement terrorisant, bien que l’interprétation du comédien maintienne une ambigüité bienvenue. Sophie Thatcher (vue l’an dernier dans Le Croque-Mitaine, co-scénarisé justement par Beck et Woods) l’accompagne merveilleusement, nous savons peu de choses sur son personnage mais l’interprétation qui est donnée suffit à nous faire comprendre ce qui n’est pas montré, dans les regards assez éloquents de l’actrice. Heretic est une œuvre atmosphérique maîtrisée et glaçante, servie par une mise en scène au cordeau, pour toutefois donner plus de forme à ce qui n’aurait pu être qu’une simple thématique filmée.

HERETIC. De Scott Beck & Bryan Woods (USA – 2024).
Genre : Drame, Horreur.
Scénario : Scott Beck, Bryan Woods.
Photographie : Chung Chung-hoon.
Interprétation : Chloe East, Sophie Thatcher, Hugh Grant, Topher Grace, Elle Young…
Musique : Chris Bacon.
Durée : 111 minutes.
Distribué par Le Pacte (27 novembre 2024).

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