Quand vient l’hiver, viennent les Top (mal accompagnés de leurs pendants négatifs) ! Alors que l’an dernier, plus d’un quart des films de mon Top des sorties officielles était constitué de films sortis en (S)VOD, il faut reconnaître que les salles obscures ont bien plus primées en 2024. Ce qui est un constat, en soi, plutôt bon mais qui démontre cependant une baisse de qualité de la part des plateformes de streaming. Loin de moi l’idée de véhiculer le cliché que le « bon cinéma » – si tant est que cela veuille dire quelque chose – soit hors de portée du chez-soi. Il est aisé de se rendre compte que 2024 était nettement plus faible que l’année passée. Pour tout vous dire, il y avait à peu près trente-cinq candidats en lice pour le Top 2023 « officiel » (films disponibles pour tous depuis 2023, sans compter les ressorties/restaurations) et festival. En 2024, il y en a dix de moins, dont trois déjà présents l’an dernier : When Evil Lurks de Demián Rugna (très facilement insérable dans le Top 3, déjà premier de celui des festivals l’an dernier), The Sweet East de Sean Price Williams et You’ll Never Find Me de Indianna Bell et Josiah Allen.

Je me tiens donc cette année à un Top 15 des sorties françaises. Qui plus est, bien que l’année soit moins bonne, elle n’en est pas exécrable, il y aura donc un Top festivals, de taille égale à l’an dernier. Et tout de même, car tirer sur l’ambulance n’a rien de désagréable, un Flop sera aussi de la partie. Avant de démarrer réellement, six mentions honorables, des films n’étant pas des coups de cœur mais qui n’en sont pas loin : Steppenwolf de Adilkhan Yerzhanov, La Passion Selon Béatrice de Fabrice du Welz, Limonov de Kirill Serebrennikov, I Saw The TV Glow de Jane Schoenbrun, Blink Twice de Zoë Kravitz et Une langue universelle de Matthew Rankin.

Top 15 Sorties France

1- THE DEVIL’S BATH de Veronika Franz et Severin Fiala (Autriche)

Qu’il est dur de revenir après les deux œuvres Goodnight Mommy et The Lodge ! Pourtant, Franz et Fiala le font parfaitement. Lente descente atmosphérique dans la dépression d’une femme autrichienne du XVIIIe siècle, ce The Devil’s Bath se fait obsessionnel et, quoique l’on en pense, ne peut quitter l’esprit de son spectateur pour sa justesse. C’est un drame funeste, un film d’horreur viscéralement mélancolique aux accents de folk dans son rapport avec la nature, s’approchant de la figure de la sorcière de façon parfaitement réaliste. Attention, les cinéastes ne sont pas là pour offrir un divertissement et n’hésitent aucunement à user de longueurs pour faire valoir leur propos. Ça passe ou ça casse ; vous aurez compris ce que l’on en pense par ici. (Notre critique).


2- KINDS OF KINDNESS de Yorgos Lanthimos (USA, Irlande, Royaume-Uni)

Meilleur film du cinéaste depuis au moins neuf ans, et The Lobster donc, cette diatribe ardente donne dans le misanthropique singulier et pourtant assez commun, même si traité différemment de ses précédents travaux. Mais, Kinds of Kindness est, comme chaque film du cinéaste, une anomalie, ne ressemblant à rien d’autre. Les dialogues sont aussi très absurdes et quelquefois acérés, comme toujours chez lui, arrivant à créer des situations d’un complet loufoque, chaque phrase sonnant étrangement bien malgré leur fort irréalisme quelquefois théâtral. Lanthimos fait superbement passer l’émotion en arrivant à nous rendre attachants ses personnages dans leur misère nonsensique. Radical, immoral et cruel, il y a pourtant bien plus à en tirer que de la provocation. (Notre critique).


3- LES CHAMBRES ROUGES de Pascal Plante (Canada)

Entre regards terrifiants et terrifiés, Les Chambres Rouges, dans toute sa durée, tangue parfaitement entre le drame processuel et le thriller criminel à tendances horrifiques. La mise en scène y étant pour beaucoup, arrivant parfaitement à capter les visages des personnages pour nous horrifier. Plante écrivant finement son scénario et s’avère très humain, tout en nous glaçant le sang avec sa protagoniste, sorte d’ombre d’elle-même. Le genre de métrage qui vous marque la rétine de par sa justesse qui frise la perfection et son horreur implicite purement réaliste. (Notre critique).


4- PAUVRES CRÉATURES de Yorgos Lanthimos (Irlande, Royaume-Uni, USA)

Épopée visuelle des plus fantasmagoriques, Pauvres Créatures prouve encore, juste après Kinds of Kindness, que Yorgos Lanthimos est l’un des cinéastes les plus fameux de son époque. Aseptisé ? Peut-être, l’Amérique déteint sur le réalisateur qui offre pourtant une Emma Stone grandiose et un univers à la complexité folle, toujours avec ce décalage et ce goût du bizarre qui caractérise bien le Grec et un message qui sort les canines. (Notre critique).


5- LONGLEGS de Osgood Perkins (USA)

C’est au bout de son quatrième long-métrage que Perkins dévoile enfin ses qualités sous-jacentes depuis le début de sa carrière : travaillant une mise en scène chiadée et une atmosphère tétanisante et glauque, autant dire que l’on ne peut qu’être en admiration face à ce travail d’orfèvre. La froideur du cinéaste est ici à son comble, toujours dans la retenue de ses acteurs, si ce n’est un Nicolas Cage en roue libre que l’on aime forcément. Même lorsque l’ensemble s’envole dans des contrées plus fantastiques, il ne perd jamais sa pertinence et sa force d’écriture. (Notre critique).


6- EMILIA PEREZ de Jacques Audiard (France)

Récit musical entraînant et grandiloquent, grâce à des textes puissants, son sens du tempo tant dans la bande-son que dans le film global, cet Emilia Perez est immense, bourré d’une maestria qui ne faute jamais, principalement grâce à ses actrices extraordinaires. Un grand succès en salle absolument mérité pour cette œuvre qui se fait aussi touchante par instants.


7- ENYS MEN de Mark Jenkin (Royaume-Uni)

Œuvre irréelle, extrêmement particulière dans sa proposition d’une étrangeté terrible, cette spirale horrifique tournée en langue cornique nous plonge dans les tréfonds de ce que l’on pourrait aisément définir comme un The Wicker Man où le cauchemar prend le pas sur la réalité, où le non-sens achève le définissable. Expérience au grain des plus fous, Enys Men est malheureusement passé assez inaperçu, là où il mériterait d’être vu, ressenti et vécu.


8- NOSFERATU de Robert Eggers (USA)

De son esthétique grise et gothique des plus chiadée, notamment dans sa manière de mettre en valeur les silhouettes et visages (parfois auprès des flammes, nous rappelant foncièrement The Witch), à son récit d’angoisse fielleux et envoûtant, ce nouveau remake de Nosferatu réussit haut la main bien des paris ardus qu’il s’était lancé, aussi grâce à son casting tout en subtilité. (Notre critique).


9- THE SUBSTANCE de Coralie Fargeat (France, USA, Royaume Uni)

Pleine d’inventivité et employant un body horror renversant, Fargeat nous revient avec un film fantastique glauque difficile à digérer mais où le patriarcat, les normes de la beauté et le culte de la jeunesse, terriblement présents ici, poussent notre héroïne (interprétée de façon absolument parfaite par Demi Moore) dans ses pires retranchements, absolument irréversibles. Fable atmosphérique et tarée à la gestion du son impeccable, cela s’avère tout aussi pété du bulbe et grand guignolesque dans sa conclusion que n’aurais pas renié un certain Brian Yuzna.


10- QUAND VIENT L’AUTOMNE de François Ozon (France)

Réaliste mais toujours fataliste, Quand vient l’automne croise les genres et les tons en toute pertinence, se faisant parfois même insidieux, bien que tantôt surfait, tantôt malhabile. Inquiétudes, empathies, émotions ; tant de choses à mener avec singularité mais qui se font plurielles. Bravo aussi à Hélène Vincent dans le rôle principal, sans qui ne pourrait tenir ce navire que l’on adore voir tanguer et se relever de plus en plus adroitement. (Notre critique).


11- LES PISTOLETS EN PLASTIQUE de Jean-Christophe Meurisse (France)

Les Pistolets en Plastique, avec ses airs provocateurs mais qui ont toujours un fond, est parfaitement féroce et cruel dans ses blagues qui filent partout mais jamais droit. Le cinéaste derrière l’exceptionnel Oranges Sanguines se fait mal aimable avec sa galerie de personnages des plus excentriques qui servent à la perfection son charmant spectacle sociétal. (Notre critique)


12- BRAMAYUGAM de Rahul Sadasivan (Inde)

Bramayugam est un métrage horrifique dans son essence la plus pure avec une atmosphère terrifiante, l’horreur s’insinuant petit à petit, parfois avec des airs de fable onirique grâce à un folklore superbe et servant l’angoisse. Bien entendu, le noir et blanc impeccable sert aussi l’ensemble, défaitiste comme il faut, sans oublier tout le contexte de folie qui rappellera à plus d’un The Lighthouse de Robert Eggers. (Notre critique).


13- UNIVERSAL THEORY de Timm Kröger (Allemagne, France, Suisse)

Restons dans des terres monochromes avec ce métrage énigmatique, grand gagnant de l’Etrange Festival 2023, avec ses nombreuses bizarreries, son esthétique merveilleuse et ses paysages éblouissants qui est absolument merveilleux et qui ne tombe jamais dans quelque idée arrêtée ou schéma trop classique.


14- LA PIETA de Eduardo Casanova (Espagne, Argentine)

Fresque complètement extravagante, jusqu’au-boutiste et grotesque par le réalisateir de Pieles, ce deuxième long-métrage contient une esthétique rose-noire absolument grandiose et passionnante. Une bizarrerie renversante avec deux interprètes principaux qui le sont tout autant.


15- HERETIC de Scott Beck et Bryan Woods (USA)

Film-réflexion sur les religions porté par un Hugh Grant à l’ambigüité bienvenue, c’est une pure atmosphère qu’il nous offre dans cet anti-Shyamalan glaçant à la première partie non loin de la maestria. (Notre critique).


1- MAKAMISA : PHANTASM OF REVENGE de Khavn De La Cruz (Philippines)

Œuvre expérimentale complexe, Makamisa est une pépite immanquable, un brûlot passionnant, magnifique,  onirique, voire quelque peu cauchemardesque. Sorte de Sayat Nova philippin, c’est un objet de fascination profond, bizarre et insaisissable qui, on l’espère, sortira sous peu par chez nous. (Notre critique).


2- LA JEUNE FEMME À L’AIGUILLE de Magnus von Horn (Danemark)

La Jeune Femme à L’Aiguille montre un goût prononcé pour le bizarre mais aussi pour une mise en scène de génie. L’ensemble est inexorablement nihiliste, impitoyable et pervers et Vic Carmen Sonne, dans le rôle principal, est l’une des révélations de l’année, sans nul doute. Sortie en salles le 26 février 2025. (Notre critique).


3- THE WAILING de Pedro Martin-Calero (Espagne)

Cri du cœur déchirant et inarrêtable, The Wailing est une pure œuvre de cinéma qui prend son temps pour mettre en place une ambiance établissant une pesanteur sur le métrage, traitant admirablement de la transmission des maladies mentales. Inquiétante étrangeté oppressive, atmosphère sonore exceptionnelle au menu pour le meilleur premier long-métrage vu cette année. Sortie en salles le 7 mai 2025. (Notre critique).


5- TIMESTALKER de Alice Lowe (Royaume-Uni)

Timestalker est une pépite à la mise en scène très réussie dans son esthétique de bonbon pop fuchsia très inventive aussi dans son artificialité lumineuse. C’est une œuvre fantastique (dans les deux sens du terme) que donne à voir Alice Lowe sur les papillons noirs de la limérence – cette obsession maladive pour un autre être – accompagnée d’une bande-son merveilleuse et parfois perturbante. (Notre critique).


5 ex-aequo- DEAD MAIL de Kyle McConaghy et Joe DeBoer (USA)

Étonnant, original, bizarre et glauque, Dead Mail convie bien des adjectifs, nous surprenant agréablement et explorant les possibilités les plus intéressantes de son concept de base. Il y a aussi un excellent travail d’empathie de la part des deux cinéastes et un grain grandiose pour ce qui est l’un des grands bonheurs de péloche de 2024. (Notre critique).


1- LES ÂMES PROPRES de Anja Kreis (Étrange Festival 2024)
2- ELYAS de Florent-Emilio Siri (Cinéma)
3- [PRI]SONS de Esa Jussila (Absurde Séance 2024)
4- LES FEMMES AU BALCON de Noémie Merlant (Cinéma)
5- NIGHT SWIM de Bryce McGuire (Cinéma)
6- IMAGINARY de Jeff Wadlow (Cinéma)
7- THE VISITOR de Bruce LaBruce (Étrange Festival 2024)
8- WINNIE THE POOH 2 : BLOOD AND HONEY de Rhys Frake-Waterfield (VOD)
9- L’IA DU MAL de Chris Weitz (Cinéma)
10- THE BEEKEEPER de David Ayer (Prime Video)

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