Il n’est jamais vraiment facile d’introduire un cinéaste, plus encore lorsqu’il s’agit d’un trio ! Avant tout, le Canadien Guy Maddin, derrière beaucoup de films (longs comme courts) absolument survoltés : Et les lâches s’agenouillent, Des trous dans la tête ou encore Winnipeg mon amour, que de films peu communs, bizarres voire expérimentaux. Pour les deux autres, ils ne connaissent pas le monde du grand écran et, de facto, des films longs, qu’au travers de Maddin. Au-delà de leurs courts-métrages, Evan Johnson collabore pour la première avec Maddin pour The Forbidden Room en 2015 et reviendra deux ans plus tard, accompagné de son frère Galen, pour le documentaire The Green Fog. Le trio rappliquait l’année dernière dans les Séances de Minuit cannoises et leur Rumours, nuit blanche au sommet, œuvre contant le récit des dirigeants des pays du G7, réunis dans un château en Allemagne pour leur sommet annuel, s’installant en bordure d’une forêt pour préparer leur déclaration. A la nuit tombée, le groupe constate que le personnel qui les entourait a disparu. En tentant de les retrouver, les sept politiciens s’enfoncent plus avant dans une forêt qui s’avère pleine de périls et de mystères…

Une bizarrerie à part entière

De par ses partis-pris artistiques, Rumours est déjà une bizarrerie à part entière, sans avoir besoin de trop étaler sa narration éclatée qui ne prend son envol qu’en seconde partie. Avec sa luminosité extrêmement appuyée dans les scènes de jour et ses musiques trop sérieuses par rapport à ce qui est présneté, Rumours a un décalage superbe, bien épaulé par un casting royal mais sous-exploité. Avouons que ces comédiens internationaux, dans toute leur rigueur politique, ne s’envolent jamais, ne semblant parfois même pas en cohésion avec le récit. Cate Blanchett (Intuitions, The Insider...) Denis Ménochet (Beau Is Afraid, As Bestas…), Nikki Amuka-Bird (Knock at the Cabin, Jericho Ridge), Charles Dance (Alien 3), Takehiro Hira, Roy Dupuis (Brain Freeze), Rolando Ravello ou encore Zlatko Burić (Sans Filtre)… autant dire qu’il y a de la matière, mais l’utilisation reste en demi-teinte, bien que nous trouvions Alicia Vikander (Le Jeu de la Reine, The Assessment…) vraiment au-dessus et excellente, comme à son habitude, mais dans un rôle trop secondaire pour son talent. C’est aussi dans ses tons que Rumours se démarque, volontairement digressif, partant explorer les émotions de ses personnages dont on n’a que faire, mais où la manière de tourner en ridicule la galerie de personnages est géniale, bien que n’osant pas toujours aller trop loin, mais franchissant suffisamment la limite de la satire politique pour ne pas être considéré comme froussard. Oui, c’est parfois profondément kitsch, mais c’est voulu par le trio de cinéastes et ça ne fait que servir ce monument de l’étrange (que l’on est étonné, soit dit en passant, de ne pas avoir retrouvé à l’Étrange Festival parisien).

Déjanté, risible, inégal mais parfaitement notable

C’est en arrivant dans sa seconde partie que Rumours transpire d’idées : film de zombies, discours de moins en moins compréhensibles, cerveau géant, IA repéreuse de pédophiles, président japonais qui sort de ses gonds… Et ça n’a aucun sens, ça s’emballe dans du n’importe quoi, de grandes idées, des compromis : tout un programme finalement assez présidentiel et à l’image du message du film. Vient désormais la conclusion. Le métrage contient une puissante folie à tous les étages et, malgré un démarrage que nous qualifierons compliqué, la nouvelle production Ari Aster (bien qu’un tas de boîtes soient sur le coup, ça fait toujours du bien de le rappeler) est déjantée, résolument risible, inégale mais parfaitement notable. C’est une petite distribution, occupée par Potemkine et ED, mais il faut soutenir ce genre d’œuvre jusqu’au bout et l’on ne peut que vous inviter à aller au plus vite au cinéma pour découvrir Rumours.

Note : 3.5 sur 5.

RUMOURS, NUIT BLANCHE AU SOMMET (Rumours). De Guy Maddin, Evan Johnson et Galen Johnson (Canada, Allemagne – 2024).
Genre : Comédie absurde, Fantastique. Scénario : Evan Johnson. Photographie : Stefan Ciupek. Interprétation : Cate Blanchett, Roy Dupuis, Nikki Amuka-Bird, Charles Dance, Takehiro Hira, Denis Ménochet, Alicia Vikander… Musique : Kristian Eidnes Andersen. Durée : 104 minutes. Film distribué par ED Distribution & Potemkine Films (7 mai 2025).

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