Luigi Comencini fut l’un des grands représentants de la commedia all’italiana, bien qu’il œuvra aussi, comme nous le verrons aujourd’hui, dans le thriller néo-noir. Le réalisateur de Pain, amour et fantaisie et de La Femme du Dimanche nous offrant un nouveau métrage distribué par Les Films du Camélia – l’une des meilleures sociétés de ressorties en France – avec Sans rien savoir d’elle. Ce dernier raconte que la mort d’une vieille femme, quelques heures avant l’expiration de son assurance vie, éveille les soupçons de l’avocat des assurances. Pour tenter d’éclaircir cette affaire douteuse, il décide d’enquêter. Il entre en contact avec la famille et se rapproche de Cinzia, l’une des filles de la défunte. Leur relation va alors prendre un tour inattendu.

Néo-noir all’italiana
Métrage néo-noir qui, contrairement à ce que pourrait nous vendre le synopsis, n’a pas vraiment d’objectif défini avec précision, il n’est pas non plus l’errance classique (mais qui aurait été loin d’être inintéressante !) d’un protagoniste tourmenté. Non, Sans rien savoir d’elle est bien plus que cela. Parlons d’ailleurs de ce titre (qui est le même traduit mot pour mot de celui d’origine), d’une justesse sans nom, se faisant résumé parfait des presqu’1h40 de film. Que sait-on d’elle, Cinzia, si ce n’est qu’elle a perdu sa mère ? C’est ce qu’aborde ou, justement, n’aborde pas Comencini qui parvient à nous maintenir systématiquement en haleine. Jamais, rien qu’une seconde, on ne peut lâcher l’écran des yeux. À travers cet intérêt, l’on peut déceler un talent des plus hors du commun de la part de Luigi Comencini. Autant dire que c’est loin d’être le cas de tous les cinéastes et scénaristes de pouvoir nous maintenir autant concentrés dans une œuvre qui, disons-le, pourrait à tout instant s’essouffler et sombrer irrémédiablement dans le néant le plus total.

Sans jamais tomber dans la révélation inattendue, le réalisateur reste sur le même ton assez souvent, n’augmentant que rarement sa tension, lors de la scène de la salle de bains notamment, qui se fait, à mi-parcours, le point culminant de l’ensemble. Chez Comencini, pas question d’offrir un twist sur le décès de la mère qui nous arriverait en pleine figure dans le final, ni même de nous faire croire que cette intrigue passe au second plan pour nous étonner dans le dernier acte. Ici, qu’importe ce que l’on nous dira à la fin, on n’en saura jamais vraiment plus sur elle et c’est forcément pour le mieux. Paola Pitagora, dans le rôle, offre une interprétation toute en nuances, conservant le mystère dans ses traits, mais toujours avec une certaine fragilité, une mélancolie dans le regard qui parfois se mue en une joie éphémère. En conclusion, Luigi Comencini offre avec Sans rien savoir d’elle une pépite mémorable, un pur film néo-noir remarquable.

SANS RIEN SAVOIR D’ELLE (Senza sapere niente di lei). De Luigi Comencini (Italie – 1969).
Genre : Thriller, Drame.
Scénario : Leopoldo Machina, Luigi Comencini, Antonio Leonviola Suso, Cecchi d’Amico, Raffaele La Capria.
Photographie : Pasqualino De Santis.
Interprétation : Philippe Leroy, Paola Pitagora, Sara Franchetti, Elisabetta Fanti, Graziella Galvani…
Musique : Ennio Morricone.
Durée : 96 minutes.
Distribué par Les Films du Camélia (4 décembre 2024).

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