[Série TV] THE TERROR de David Kajganich et Soo Hugh

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THE TERROR

Adaptée du roman éponyme de Dan Simmons (L’échiquier du mal, Hypérion), The Terror est une courte série de dix épisodes commandée par la chaîne américaine AMC et produite par Ridley Scott. Elle retrace l’expédition de 130 membres d’équipage de la Marine royale britannique qui, en 1845, sous les ordres de Sir John Franklin et des capitaines James Fitzjames et Francis Cozier, ont mis le cap à bord de deux navires, l’Erebus et le Terror, vers les mers polaires afin de tenter de découvrir un éventuel passage Nord-Ouest dans l’océan Arctique. Diffusée actuellement sur Amazon Prime, The Terror n’est pas uniquement à voir, c’est une série juste incontournable.
The Terror s’inspire autant de faits réels qu’elle prend de libertés dans le cadre de la fiction. L’histoire débute lorsque les deux navires se retrouvent bloqués par les glaces, emprisonnant les membres d’équipages pour de longs mois, dans l’attente d’un dégel très hypothétique. Si les faits historiques ont éclairci des points essentiels de la tragédie vécue lors de l’expédition, restent encore de nombreuses interrogations sur ce qui est réellement arrivé aux membres de l’Erebus et du Terror. Le show d’AMC s’engouffre dans ces zones d’ombres et tente de retranscrire avec beaucoup d’à propos le quotidien de ces hommes condamnés à une mort certaine et pourtant mus par une volonté farouche de survivre. Bien conscients des possibilités de l’histoire et de l’immense potentiel cinégénique du lieu de l’action, les créateurs de la série, David Kajganich (scénariste du remake à venir de Suspiria) et Soo Hugh, déploient des trésors d’imagination afin d’en exploiter toute la richesse.

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Face à l’indicible…

The Terror n’est, en effet, pas avare de richesses. Et de significations. La série est avant tout cérébrale et plonge sans détour dans la psyché d’une poignée de ses protagonistes. En premier lieu, celle des capitaines James Fitzjames et Francis Cozier, hommes d’honneur se faisant un devoir de garder la face contre les éléments contraires, et tentant de garantir coûte que coûte la survie de leurs hommes, tant face aux obstacles naturels qui se dressent devant eux, que contre les décisions d’officiers supérieurs confrontés à une situation désespérée dont ils perdent vite le contrôle. Autant de personnages aux convictions fortes et profondément ancrées. Confrontés aux difficultés de la nature et à l’indicible, les personnages voient dès lors resurgir leurs aspects les plus sombres. Ils sont également témoins de ce que l’homme a de plus lumineux. La volonté du capitaine Crozier de sauver tous les membres de l’équipage, ou encore la main tendue de la tribu d’esquimaux, dont l’aide providentielle se transformera en incommensurable gâchis, en sont les plus beaux exemples.
Baigné d’une lumière tantôt immaculée, tantôt crépusculaire, The Terror est esthétiquement éblouissant. La composition des cadres, d’une précision chirurgicale, l’audace des angles de prise de vue, jouent admirablement la carte du huis-clos sur la banquise, les réalisateurs tirant partie des lignes de fuite de l’horizon, immenses étendues glacées ou vastes espaces pierreux, représentant paradoxalement une prison à ciel ouvert. Les plans sont d’authentiques tableaux aux trouvailles visuelles fulgurantes. A cet égard, la réalisation du trio Tim Mielants, Edward Berger et Sergio Mimica-Gezzan, conjuguée aux effets de lumière, donne à voir parmi les plus belles images vues sur un écran ces derniers mois. Après avoir cantonné les hommes à l’intérieur des bateaux dans les premiers épisodes, la série ouvre l’espace, qui se découvre peu à peu, se dépouille de tout élément pour ne se focaliser que sur l’humain, tel un vaste purgatoire les plaçant face à leur destin et à leurs démons. Comme de minuscules éléments perdus dans des immensités immaculés, ils sont perpétuellement confrontés à leurs croyances, vacillant sur leurs certitudes, ce qui a pour effet d’entraîner des réactions et des choix aux conséquences parfois funestes. La foi en l’humanité des uns s’opposant aux choix moraux déviants des autres.
Evidemment, on ne peut passer sous silence une autre immense qualité de The Terror : son interprétation. De Jared Harris à Ciaran Hinds, en passant par Tobias Menzies et les incroyables Paul Ready et Adam Nagaitis, le casting propose des personnages véritablement consistants et incarnés, à la personnalité forte.

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Des marionnettes égarées…

Le froid, les paysages glaciaires à perte de vue, l’isolement, la peur de l’inconnu, le manque de nourriture, la folie latente sont autant d’éléments du quotidien aliénant des personnages, laissant planer au-dessus d’eux une épée de Damoclès menaçant à chaque instant de rompre le fil de leurs vies. The Terror est bien une série fantastique, mais si le surnaturel est bien présent, il est saupoudré par petites doses… Avec en premier lieu l’apparition d’une créature carnivore dont on ne connaîtra jamais réellement la nature, mais qui apparaît de toute évidence comme la matérialisation des angoisses et des peurs des membres de l’équipage, une projection du monstre tapi en chacun d’eux, les renvoyant par ailleurs à l’absurdité et la violence de leur entreprise de colonisation. Mais le fantastique y est essentiellement diffus, traité comme une ambiance fantasmagorique, donnant l’impression que les personnages ne sont que des marionnettes égarées dans des limbes s’étendant à perte de vue, en proie à une menace perpétuelle mais flottante.
Série à l’ambiance ouatée, au rythme retenu, parsemée d’effusions gores, dotée d’une narration brillante et d’une mise en scène très inspirée, abordant des sujets aussi sensibles que pertinents (le cannibalisme), The Terror condense en dix épisodes et environ 500 minutes toute la quintessence d’une oeuvre atmosphérique à suspense aussi tendue que désespérément humaine, donnant lieu à des moments grandioses en terme d’émotion. Une série admirable.

Note : 4.5 sur 5.
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THE TERROR (Saison 1)
David Kajganich et Soo Hugh (USA – 2018)
Genre Drame fantastiqueAvec Jared Harris, Ciaran Hinds, Tobias Menzies, Paul Ready, Adam Nagaitis…Musique Marcus FjellströmDurée 500 minutes. A voir sur Amazone Prime.
Synopsis : 1845. Une expédition de la Marine Royale britannique entreprend un pénible voyage à la recherche du Passage du Nord. Confronté à des conditions périlleuses avec des ressources limitées, l’équipage peine à garder espoir dans ces territoires rudes et inexplorés. Gelés, isolés et coincés à l’autre bout du monde, dans l’Arctique, les hommes doivent lutter, non seulement pour survivre contre les éléments, mais aussi les uns avec les autres. Certains d’entre eux commencent à croire à la malédiction d’une mystérieuse créature qui les faucherait un à un…

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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