Kristoffer Borgli a auparavant réalisé un docu-fiction en 2017, DRIB, jamais sorti en France et que je n’ai pas visionné. Réalisateur norvégien oscillant entre courts-métrages aux USA et en Norvège, il réalise son second long, complètement fictif ce coup-ci, en 2022 en Norvège du nom de Sick Of Myself. Métrage ayant eu son avant-première mondiale à Cannes 2022, il fût ensuite diffusé à l’Étrange Festival de la même année (où il a par ailleurs reçu le Grand Prix). Sick Of Myself raconte l’histoire de Signe, une trentenaire qui vit dans l’ombre de son petit ami Thomas, un pseudo-artiste raté. Jalouse de l’attention porté envers son petit-ami, Signe a l’idée de commander des médicaments causant une maladie de la peau. Mais, à force de s’enfiler des cachetons comme des Dragibus, la maladie va tourner au vinaigre et Signe sera prise dans son propre piège.

Vilain & Haineux

Sardonique, Borgli n’épargne rien aux personnages pour lesquels on a aucune peine. Il décrit une société narcissique et qui, sous une belle peau, cache finalement une maladie : nous. Il analyse très bien Signe dans ses névroses et son narcissisme, il a tout compris à ce qui l’entoure et ça : c’est extraordinaire. Car oui, dans le cinéma, le réel est étonnamment rare. Le film est une habile comédie noire qui fonctionne, car on rigole souvent au premier visionnage de certains films mais le rire devient plus difficile au second. Alors qu’ici, j’ai rigolé comme à la première fois face à ce qui arrive aux personnages mais aussi face aux agissements hilarants de Signe (lorsqu’elle imagine son enterrement) ou encore des personnages secondaires (le caméraman qui baisse la caméra quand Signe s’écroule). La photographie de Benjamin Loeb, le chef-op derrière Mandy de Panos Cosmatos, est assez bluffante. Alors soit, il n’y aura jamais de folie visuelle, mais une captation du réel assez puissante et surtout, il prend son temps et il y gagne. Au delà du mérite de Loeb, qui est un directeur de la photographie à suivre, il y a aussi les « acteurices » : Eirik Saether et Fanny Vaager dans de bons rôles secondaires, mais surtout Kristine Kujath Thorp absolument magistrale, offrant une performance parfaite, complètement folle de jalousie. Et puis, au-delà du genre de la comédie noire, Sick Of Myself explore le Body Horror vilain mais étrangement jouissif, Borgli nous tire entre culpabilité et méchanceté pour nous faire rire sans vergogne. Vous l’aurez compris, Sick Of Myself est la pépite à voir en ce moment et c’était d’ailleurs mon film préféré de 2022. Pas mal de personnalités à suivre aussi entre le cinéaste Kristoffer Borgli (qui prépare d’ailleurs un film du nom de Dream Scenario, tourné aux USA avec Nicolas Cage, produit par A24 et Ari Aster), l’actrice Kristine Kujath Thorp et le directeur de la photographie Benjamin Loeb (chef-op sur Dream Scenario).

SICK OF MYSELF (Syk Pike). De Kristoffer Borgli (Norvège – 2022).
Genre : Comédie, Drame, Body Horror. Scénario : Kristoffer Borgli. Interprétation : Kristine Kujath Thorp, Eirik Sæther, Fanny Vaager, Fredrik Stenberg… Musique : Turns. Durée : 97 minutes. Distribué par Tandem (31 mai 2023).