

Réalisateur de nombreux court-métrages et de deux moyens-métrages, Bertrand Mandico est passé au format long en 2017 avec son excellent Les Garçons Sauvages, film fondamentalement trans et dégenré à la fois, mêlant visions oniriques et coming-of-age singulier. En 2022, il revient avec After Blue (Paradis Sale), métrage encore plus spécial et avec lequel j’ai un peu plus de mal mais qui reste au-delà des codes et bien foutu dans son cocktail de genres et son psychédélisme. Mandico a un univers qui lui est propre et un style affirmé. Conann, son troisième long-métrage, est passé par la Quinzaine des Cinéastes, le film raconte les six vies de Conann, perpétuellement mise à mort par son propre avenir, à travers les époques, les mythes et les âges. Depuis son enfance, esclave de Sanja et de sa horde barbare, jusqu’à son accession aux sommets de la cruauté aux portes de notre monde. Dans Connan, la mise en scène est assez spéciale, dans un noir et blanc gris métal, parfois brièvement remplacé par des couleurs très rosâtres et lumineuses. Mandico a toujours été très fort pour la gestion de la colorimétrie de ses métrages et Conann en est une confirmation. La photographie est très travaillée, iconisant Conann et certaines scènes. On notera les transitions assez folles, lorsque l’un des personnages prend une photo et que le film change de temporalité, de couleur ou de scène, une approche originale et jamais surutilisée.

Phantasmagorique, brutal et poétique
Les effets spéciaux sont aussi excellents pour le budget : des décors aussi impressionnants que dantesques (l’Enfer, très original, notamment) et les effets spéciaux pratiques vraiment étonnants car ultra réalistes (la scène de fin complètement crédible, si l’on se place dans la suspension consentie d’incrédulité). Le tout s’imbriquant dans la phantasmagorie filmique du récit. Surtout que, pour revenir à la couleur, la façon dont les teintes se mêlent aux effets spéciaux est assez folle (l’empoisonnement des barbares en couleur, vraiment incroyable). Pourtant, il est facile de remarquer que le budget est réduit, mais le style de Mandico n’en souffre jamais. En parlant du style du réalisateur, le côté phantasmagorique du métrage est très inventif et superbement retranscrit. Mandico dose avec justesse le poétisme et la barbarie, certaines scènes sont complètement hors du temps (les changements d’âge de Conann). Il imagine des lieux assez classiques, assez bien trouvés et servant à la quête de Conann, mais dont la retranscription à l’écran est bluffante : de l’idée du « rêve américain » au terrain de guerre en passant par le monde des Morts. Le métrage aborde des messages frontalement tels que ceux qui nous laissent à l’agonie ou sur le milieu artistique et bourgeois (toutes proportions gardées, je n’ai pu m’empêcher de penser à Society de Bryan Yuzna pendant le repas de fin), Mandico s’engage, même si on se serait attendu à plus de subtilité. L’interprétation est remarquable, avec un catsing composé d’Elina Löwensohn, Julia Riedler, Claire Duburcq, Christa Théret, Sandra Parfait, Agata Buzek, Nathalie Richard ou encore Françoise Brion. En conclusion, Conann est excellent, stylistique et singulier, Mandico a trouvé sa voie et offre de nouveau un métrage marquant qui, pour le moment, est son aboutissement. Le film sortira le 8 novembre en salles et c’est clairement à voir.
CONANN. De Bertrand Mandico (France – 2023).
Genre : Fantastique, Aventure, Horreur. Scénario : Bertrand Mandico. Interprétation : Elina Löwensohn, Julia Riedler, Claire Duburcq, Christa Théret, Sandra Parfait, Agata Buzek, Nathalie Richard, Françoise Brion… Musique : Pierre Desprats. Durée : 104 minutes. Distribué par UFO Distribution (08 Novembre 2023).

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