

Soi Cheang est un cinéaste hong-kongais œuvrant depuis 1999. C’est en 2006 qu’il commence à se faire connaître avec Dog Bite Dog, film suivant un combattant clandestin n’ayant plus rien d’humain, qui va se faire arrêter par un flic nerveux et violent. En 2009, il débarque à la Mostra De Venise avec Accident, récit d’une organisation qui maquille des assassinats en accident de voitures, avant que le plan plan ne tourne au vinaigre. Plusieurs films suivent lors de la décennie 2010-2019 (la trilogie The Monkey King, SPL 2…), jusqu’à son nouveau métrage, Limbo, qui vient de sortir sur les écrans français grâce à l’excellente boîte de distribution Kinovista. Le film a d’abord effectué la tournée des festivals en 2021 (notamment l’Etrange Festival), puis en 2022 avant de remporter le Grand Prix du Reims Polar 2023 et des Hallucinations Collectives 2023. De quoi amplifier la curiosité pour une œuvre vendue comme une « bombe » et « le meilleur polar de l’année » entre autres. Mais, de quoi parle Limbo ? Dans les bas-fonds de Hong-Kong, un flic vétéran et son jeune supérieur doivent faire équipe pour arrêter un tueur qui s’attaque aux femmes, laissant leur main coupée pour seule signature. Quand toutes leurs pistes s’essoufflent, ils décident d’utiliser une jeune délinquante comme appât…

Polar nihiliste et drame salutaire
Ce qui marque en premier lieu, c’est l’esthétisme du film baigné dans un noir et blanc frappant et appuyant l’obscurité du récit. Pourtant, ce n’était pas le choix initial du cinéaste : le film a été tourné en couleurs, mais les autorités ont trouvés le film trop hard et ont donc décidé de le basculer en noir et blanc pour en atténuer la violence visuelle. La mise en scène en elle-même est grandiose, les plans nous immergent dans les scènes, provoquant un sentiment haletant. Les décors sont aussi particulièrement intéressants ; les déchets s’empilent, les bâtiments sont mornes et le film passe le plus clair de son temps dans les tréfonds hong-kongais. Scénaristiquement, c’est aussi très bon, on nous montrent des personnages brisés, littéralement dans la merde, là où même ceux qui sont plutôt lucides sont emportés dans toute la débauche hong-kongaise (Will Ren par exemple, est un policier sans colère mais qui va dérailler). Chaque scène se suit parfaitement et rien n’est en trop avec notamment des courses poursuites réalistes et, plus globalement, des scènes d’action badass (quand Wong To doit affronter les dealers seule, avant qu’on ne lui vienne en aide) mais jamais fantastiques. Et surtout, le film est nihiliste mais sans forcer sur les traits car Au Kin-Yee et Sam Shum Kwan-Sin, les deux scénaristes, créent une ambiance de cinéma comme on en voit peu. Le métrage est toujours haletant malgré certaines pointes de classicisme. Il aborde les thèmes de la rédemption et du pardon, dans un parfait équilibre entre nihilisme et le réalisme. Le casting est plutôt fortiche, composé de Lam Ka-Tung, Liu Yase et Mason Lee, un trio à la palette de jeu incroyable et provoquant de fortes émotions. Un film gargantuesque de 118 minutes, un objet de cinéma assuré, dont il faut profiter de l’opportunité de pouvoir le découvrir en salles. Le réalisateur Soi Cheang a déjà achevé son prochain film, Mad Fate, récemment présenté au NIFFF, mais sans sortie officielle pour le moment.
LIMBO (智齒). De Soi Cheang (Hong-Kong – 2021).
Genre : Thriller, Drame, Polar, Action. Scénario : Au Kin-Yee, Sam Shum Kwan-Sin. Interprétation : Lam Ka-Tung, Liu Yase, Mason Lee, Hiroyuki Ikeuchi… Musique : Kenji Kawai. Durée : 118 minutes. Distribué par Kinovista (12 Juillet 2023).

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