Parfaite sortie pour l’été, à l’heure de la bronzette et de la baignade, le diptyque Killer Crocodile vient rappeler à notre bon souvenir que les cours d’eau ne sont jamais très bien fréquentés, surtout dans les Caraïbes. On a beau jeu de s’identifier aux baigneurs des Dents de la mer, voire de Piranhas, ou pour les plus tordus, aux abrutis cocaïnés des Méga Shark et compagnie. C’est moins le cas lorsqu’il s’agit de frémir pour des inconscients partis batifoler dans les eaux troubles des marécages d’une région située à l’autre bout du monde. Mais on va faire un effort… Ecrit, produit et réalisé par Fabrizio De Angelis (Commando Cobra, 1986), ce Killer Crocodile surfe sur la vague des Dents de la mer et autres films d’attaques animales avec quelques années de retard. Mais en Italie, à l’époque, qu’importe le décalage, tant qu’on avait l’ivresse (et les billets verts). L’auteur nous décrit comment un groupe de jeunes écologistes part traquer les exactions pas très vertes dans l’esprit d’un industriel des Caraïbes qui lâche ses vieux futs toxiques et crasseux dans les marais, ni vu ni connu. Forcément, les conséquences sur la faune et la flore sont désastreuses… Jusqu’à faire muter un crocodile dont l’appétit s’est proportionnellement démultiplié.

Amis de la poésie, passez votre chemin. En revanche, amateurs de bisseries italiennes un peu crados, mais pas trop, et de séries B réalisées avec sérieux, faute de talent, soyez les bienvenus : on a de l’eau jusqu’aux chevilles ! Car ce Killer Crocodile, aussi peu original soit-il, avec son croco aussi peu crédible que méritant malgré tout, ses comédiens plaqués contre le plafond de verre de leur talent (dont le fils de Richard « Colonel Trautman » Crenna) et son cheminement scénaristique largement emprunté ailleurs (avec l’équivalent du vieux loups de mer Quint), ne peut s’empêcher de nous faire frissonner de plaisir. Sous le pseudo ricain et donc plus claquant de Larry Ludman, Fabrizio De Angelis s’efforce de faire avec ce qu’il a sous la main, globalement peu de talents au m², mais suffisamment de volonté pour rendre une copie qui transpire l’envie de bien faire, et cela se ressent au visionnage de cette péloche bis plutôt sympathique. Techniquement, le film parvient même à surprendre par sa tenue visuelle, qui le hisse sans trop de soucis parmi les meilleurs films de crocos de l’histoire. Evidemment, tout cela ne vole pas bien haut, c’est un peu con sur les bords, le body count se révèle un peu décevant, et notre saurien en plastique passe un peu trop de temps à observer ses proies (avec la caméra subjective qui s’impose) plutôt que de s’adonner aux joies naturelles du carnage. Mais cette démarcation en eaux saumâtres du chef d’œuvre de Spielberg affiche ce petit capitale sympathie qui fait qu’on ne passe pas un mauvais moment. D’autant que la partition musicale de Riz Ortolani (La Longue Nuit de l’exorcisme, Cannibal Holocaust), repompe allègrement et sans se cacher le célèbre thème de Jaws composé par John Williams. Dans Killer Crocodile, rien ne se perd, tout se recycle, on n’a pas trop d’idées, mais des convictions et pas mal de courage !

Un acrobatique rodéo sur la bête

Tourné dans la foulée, Killer Crocodile 2 est une séquelle réalisée cette fois par le maquilleur Giannetto De Rossi. Le film embraye quelques temps après l’issue fatale pour le premier reptile géant, destin partagé par pas mal des amis du héros beau gosse interprété par Richard Anthony Crenna dans le précédent opus. Si celui-ci rempile, tout comme le vieux briscard incarné par Ennio Girolami, les deux n’interviennent qu’en milieu de métrage. Cette séquelle développe de nouveaux personnages, notamment une jeune et jolie journaliste qui vient enquêter sur l’affaire des futs toxiques déversés dans le marais, cette fois responsabilité d’un promoteur inaugurant un vaste centre de vacances. Une simple toile de fond pour introduire les personnages et les enjeux, puisque, on le sait très bien, l’intérêt, au final, est d’envoyer tout ce beau monde barbotter dans les marécages (en talons hauts, pas de problème), en proie à un nouveau croco géant et affamé. Bien moins tenue que le premier opus, cette séquelle ne fait que dérouler un programme classique et attendu, offrant des victimes expiatoires et souvent anonymes au reptile.

A noter que les morts restent assez peu démonstratives, à une ou deux exceptions près, et que le film s’avère relativement gentillet au niveau graphique, même s’il n’hésite pas à faire boulotter sans scrupule tout un groupe de gamin. Les comédiens sont encore aux fraises et la musique de Riz Ortolani continue de pomper jusqu’à plus soif les différents thèmes composés par John Williams pour Les Dents de la mer. Bref, rien de nouveau sous le soleil, un côté de plus en plus cheap qui s’accentue et un final qui se doit d’être évoqué. Après l’hélice de bateau, spectaculaire moyen pour trucider le crocodile dans le premier opus, cette fois, Richard Anthony Crenna se la donne comme jamais en effectuant un somptueux et acrobatique rodéo sur la bête pour lui faire avaler de la dynamite. Plus bis tu meurs… Pour achever une suite dans la lignée, mais largement dispensable, on est plutôt rassasié…

KILLER CROCODILE. De Fabrizio De Angelis (Italie – 1989).
Genre : Aventure/horreur. Scénario : Fabrizio De Angelis et Dardano Sacchetti. Interprétation : Richard Anthony Crenna, Ann Douglas, Sherrie Rose, Ennio Girolami, Julian Hampton, Van Johnson… Musique : Riz Ortolani. Durée : 88 minutes. Disponible en Blu-ray chez Le Chat qui Fume (juin 2023).

Note : 2.5 sur 5.

KILLER CROCODILE 2. De Giannetto De Rossi (Italie – 1990).
Genre : Aventure/horreur. Scénario : Fabrizio De Angelis, Giannetto De Rossi et Dardano Sacchetti. Interprétation : Richard Anthony Crenna, Debra Karr, Ennio Girolami, Terry Baer, Héctor Álvarez… Musique : Riz Ortolani. Durée : 96 minutes. Disponible en Blu-ray chez Le Chat qui Fume (juin 2023).

Note : 1.5 sur 5.

LE BLU-RAY DU CHAT QUI FUME. Franchement, pouvoir déguster des bisseries XXL dans de telles conditions techniques, c’est un véritable cadeau que l’éditeur fait aux concepteurs de la chose ainsi qu’aux spectateurs. Autant pour le premier volet que pour le second, on a droit à une copie d’une excellente facture, débarrassée de l’ensemble des scories de ce genre de productions souvent fauchées. Ici, l’image prend par moments des allures de film de premier plan tant les couleurs, les contrastes et le piqué général sont de qualité. Restent quelques plans flous par ci par là, sûrement d’origine, mais ne boudons pas notre plaisir. De même côté son, où cette édition propose pour chaque film une piste italienne et une version française en DTS-HD MA 2.0, pour un rendu de très bonne qualité, malgré quelques saturations en VO pour le premier opus. A noter des doublages français composés de voix complètement à l’ouest.
Côté suppléments, Killer Crocodile a droit à un entretien avec le directeur de la photographie Federico del Zoppo, « Eaux troubles » (15′) et un second avec le comédien Pietro Genuardi, « Homme vs Crocodile », marqué par quelques anecdotes pas piquées des hannetons (23′). Pour Killer Crococodile 2, la parole est donnée au réalisateur et maquilleur Giannetto De Rossi dans « Dans la gueule du crocodile » (14′), alors que 4 minutes de scènes coupées (ou plutôt rallongées), très dispensables, sont proposées.

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