Eloy De La Iglesia est un cinéaste espagnol connu pour être l’un des représentants du cinéma « quinqui » et un réalisateur de la transgression. Le cinéma « quinqui » que De La Iglesia chérit tant est un sous-genre purement espagnol, abordant les délinquants juvéniles connus, ses films marquants sur le sujet comptant notamment Navajeros, El Pico et sa suite entre autres. Il a commencé sa carrière en 1966 avec le moyen Fantasia… 3 mais se bonifiera, quelques années à peine plus tard en abordant des sujets sensibles frontalement (l’homosexualité, la paraphilie…), en y apportant un discours et de l’humour. La Cinémathèque Française à Paris a permis, presque tout le mois de juillet 2023, de découvrir quasiment tous les films de Eloy De La Iglesia au cinéma et, au sein des 22 films de sa filmographie, nous traitons aujourd’hui de La Créature (VO : La Criatura), film de 1977. De quoi parle ce film atypique ? Cristina, une femme mariée mais qui ne ressent plus rien pour son mari, tombe enceinte mais fait une fausse couche après s’être faite « attaquer » par un chien. Quelques temps après, Cristina récupère un chien et commence à s’y attacher, énormément : en lui donnant le nom que devait avoir son bébé, en le traitant comme un petit enfant etc. Mais, petit à petit, une relation zoophile va se créer…

Drolatique, profond et déviant

Etonnamment, le film va au-delà de son pitch farfelu et aux airs déviants pour offrir un résultat d’une grande profondeur. Car, si on peut au début penser que le film aborde les traumatismes et le dérangement chez le personnage principal, le film offre plutôt une réflexion sur l’émancipation, car la protagoniste ne ressent plus rien envers son mari et pense que son enfant ne peux que servir à sauver son couple (tout en étant absolument pas convaincu par cela). De La Iglesia aborde le fait que Cristina s’évade du patriarcat, là où tout les hommes du film sont soit des croyants aveugles, soit des personnages invisibles dans le scénario, elle se libère de l’emprise de son mari. Le fond est donc vraiment bon mais la forme l’est tout autant avec une mise en scène vraiment captant les émotions des personnages, les décors et gérant bien le tempo comique. Car, oui, Eloy De La Iglesia est un réalisateur de comédies noires et il le prouve encore une fois ici, avec des gros plans sur le chien mais surtout avec des scènes burlesques (la façon dont Cristina traite le chien comme un enfant) ou des aspects suggestifs (des traces de pattes de chien sur une robe de mariée). Et, même si son humour est insistant, il reste bien dosé pour ne jamais tomber dans le ridicule ou la redondance. Il se révèle surtout assez noir pour ne pas transformer le déviant en quelque chose de totalement anodin, dans un entre-deux remarquable. Et, au-delà de ce mélange des genres, le métrage compte sur un casting vraiment crédible composé d’Ana Belén, stupéfiante, de Juan Diego, assez flippant par instants mais surtout toujours juste, de Claudia Gravy, très bon rôle secondaire notamment dans sa dernière scène dans le film et Micky III, dans le rôle du chien Bruno, admirablement bien dirigé. Donc oui, étonnamment, La Créature ira au-delà de ce que l’on pouvait attendre et épate dans son propos. Ce film est vraiment à découvrir mais, pour le moment du moins, est indisponible en France.

Note : 3.5 sur 5.

LA CREATURE (La Criatura). De Eloy De La Iglesia (Espagne – 1977).
Genre : Drame, Comédie. Scénario : Enrique Barreiro. Interprétation : Ana Belén, Juan Diego, Micky III, Claudia Gravy, Luis Ciges… Musique : Víctor Manuel. Durée : 100 minutes. Projeté à la Cinémathèque Française en juillet 2023 dans le cadre de la rétrospective Eloy De La Iglesia.

2 réponses à « [Be Kind Rewind] LA CREATURE de Eloy De La Iglesia (1977) »

  1. Bon, espérons qu’Artus continue de nous faire découvrir l’oeuvre de ce cinéaste… très curieux de voir celui là pour le coup. D’autant que j’adore son Cannibal man, autre film vraiment très étonnant

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  2. […] qu’est l’année 1977 (avec les exemples tels que Alucarda, Suspiria, House, La Criatura, C’était un rêve…) Le Dernier Monde Cannibale a tout pour plaire et à la fois peu à […]

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