

Après deux courts-métrages sortis il y a plus de dix ans, Adrien Beau réalise son premier film long, distribué par les solides The Jokers Films (Lamb, Oranges Sanguines, Adoration…) et sortant quelques jours avant Halloween. Il arrive après L’Exorciste : Dévotion en même temps que Saw X (que nous n’avons, pour l’heure, pas encore visionné) mais est, sans équivoque, le film de votre 31 octobre. Avant d’approfondir, résumons l’objet filmique en question : « Mes enfants… » avait dit le vieux Gorcha avant de partir, « attendez-moi six jours. Si au terme de ces six jours je ne suis pas revenu, dites une prière à ma mémoire car je serai tué au combat… Mais si jamais, ce dont Dieu vous garde, je revenais après six jours révolus, je vous ordonne de ne point me laisser entrer, quoi que je puisse dire ou faire, car je ne serais plus qu’un maudit Vourdalak ». C’est dans une famille en proie à l’angoisse, au terme du sixième jour, que trouve refuge le Marquis Jacques Antoine Saturnin d’Urfé, noble émissaire du Roi de France… A noter que le métrage est une adaptation du livre d’Alexeï Tolstoï intitulé La Famille du Vourdalak, datant de 1884. Passons au film qui, dès le départ, met en avant une technique très travaillée malgré un budget certainement dérisoire avec notamment une photographie en Super 16 chiadée de bout en bout aux reflets vintages et avec une attention particulière portée aux cadres. Aussi, les lumières sont méticuleusement travaillées pour apporter un ton fantastique et artistique avec tout particulièrement des jeux d’ombres ingénieux. Au-delà de cet aspect, le métrage se débrouille très bien dans ses effets spéciaux, souvent pratiques, ce qui leur donne un charme indéniable, même si légèrement kitsch, tel que Gorcha en sorte de marionnette squelettique ou les morsures, quelque chose de simple mais qui fonctionne et ne fait que plus nous emporter dans ce récit assez envoûtant. Envoûtant notamment grâce à un casting d’une justesse déconcertante et à une théâtralité grandiose renvoyant à un jeu d’époque (notamment dans ce qui pourrait apparaître comme du surjeu). Kacey Mottet Klein et Ariane Labed sont très bien dans les rôles principaux ; mention spéciale aussi à Claire Duburcq. Au-delà de tout ces points techniques, Le Vourdalak est surtout une œuvre qui nous ensorcèle, une fable gothique et vampirique, mais aussi une tragédie familiale prenante sur l’emprise patriarcale dans les familles d’époque (qui entretient des rapports avec quelques comportements actuels) ou plutôt un portrait global de cette famille avec de petites sous-intrigues en filigrane assez bien menées. Le film ose beaucoup, notamment sur le plan formel, quitte à perdre beaucoup de ses spectateurs, et se révèle une réussite splendide et d’une poésie grandiose. Et surtout, c’est un film français parmi les plus grands de 2023 avec Acide et Conann (où Claire Duburcq joue aussi un rôle), qui marquera sans équivoque l’année d’Obsession B et peut-être la vôtre. Pour le savoir, foncez en salles dès que possible ou attendez pour votre Halloween.

LE VOURDALAK. D’Adrien Beau (France – 2023).
Genre : Horreur, drame, fantastique. Scénario : Adrien Beau, Hadrien Bouvier. Directeur de la photographie : David Chizallet. Interprétation : Ariane Labed, Kacey Mottet Klein, Grégoire Colin, Vassili Schneider, Claire Duburcq… Musique : Martin Le Nouvel, Maïa Xifaras. Durée : 90 minutes. Distribué par The Jokers Films (25 octobre 2023)

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