David Cronenberg est un cinéaste canadien culte, à l’origine de pléthores de métrages de body horror, genre dont il est incontestablement le plus grand maître, de La Mouche à Chromosome 3 en passant par Frissons ou Vidéodrome. Bien que, depuis quelques temps, il se soit bien plus tourné vers le thriller, il nous revenait en 2022 avec Les Crimes du Futur, sorte de réponse à sa fille spirituelle Julia Ducournau et à son véritable rejeton Brandon Cronenberg qui marchaient dans ses pas avec, respectivement, Titane et Possessor. Après cette excellente preuve qu’il n’avait pas perdu la main, Cronenberg revenait au Festival de Cannes 2024 avec Les Linceuls. Le film suit Karsh, 50 ans, un homme d’affaires renommé. Inconsolable depuis le décès de son épouse, il invente un système révolutionnaire et controversé, « GraveTech », qui permet aux vivants de se connecter à leurs chers disparus dans leurs linceuls. Une nuit, plusieurs tombes, dont celle de sa femme, sont vandalisées. Karsh se met en quête des coupables.

Exorciser les démons du deuil

Les Linceuls s’est fait attendre après son passage en compétition cannoise. D’abord prévu pour septembre 2024, puis janvier 2025, avant enfin de pénétrer nos salles obscures fin avril. Et l’attente était méritée. Oui, le film contient pléthores de défauts, notamment dus à la verbosité de Cronenberg, qui souhaite faire tout dire à ses personnages dans son drame autobiographique, tout en l’additionnant gauchement à un thriller complotiste et paranoïaque sensiblement grossier mais qui, malgré tout, se place très haut dans l’immense filmographie du cinéaste. Les ficelles qui maintiennent Les Linceuls sont épaisses, mais la magie des dialogues du cinéaste a le don de faire oublier, au moins le temps du visionnage, ces soucis. Le concept du film est réussi, glauque et paradoxalement touchant dans la simple volonté du cinéaste d’exorciser les démons de son deuil. On reconnaît le réalisateur de part l’un des aspects les plus primaires de son cinéma : une froideur, d’apparence antipathique, mais qui, dans le fond, cache une densité émotionnelle illimitée. Et ceci est représenté à la perfection par un Vincent Cassel au visage serré, qui n’a pas la larme facile mais le chagrin qui lui ronge les dents, littéralement. L’acteur, vieux briscard du cinéma, n’a sans doute plus rien à prouver mais s’il faut l’écrire : oui, il crève l’écran, dans un jeu subtilement dosé. En résumé, un film de hantise sur la perte de l’être aimé, merveilleux, sage. Un métrage qui sonne une fois de trop après Les Crimes du Futur comme un chant du cygne. Et c’est beau mais, avouons-le, quelque peu triste de remarquer que David Cronenberg prépare de plus en plus son départ. Peut-être le dernier des monuments cronenbergiens, soit, mais qui ne démérite pas.

Note : 4 sur 5.

LES LINCEULS (The Shrouds). De David Cronenberg (Canada, France – 2024).
Genre : Thriller, Drame. Scénario : David Cronenberg. Photographie : Douglas Koch. Interprétation : Vincent Cassel, Diane Kruger, Sandrine Holt, Guy Pearce… Musique : Howard Shore. Durée : 119 minutes. Distribué par Pyramide Distribution (30 avril 2025).

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