Sur la pente glissante depuis plusieurs années, Blumhouse Productions continue de concevoir des films (et séquelles) au fort potentiel conceptuel, mais globalement dépourvus d’intérêt cinématographique. Synthèse d’un décrochage artistique avec Drop Game de Christopher Landon. Blumhouse s’est une fois encore emparé d’un High Concept destiné à appâter le chaland et à infuser un de ces films dont la trame a la faculté de tenir sur un timbre poste. Drop Game s’attaque aux technologies envahissantes, faisant d’un simple smartphone le cœur d’un récit basé sur la manipulation. Il s’agit ici de suivre Violet, une jeune veuve qui participe à un premier rendez-vous galant avec un inconnu dans un restaurant ultra-chic au sommet d’une tour de New-York. Pas de bol, un mystérieux maître-chanteur lui intime des directives et actions à réaliser pendant le repas, sous peine que son fils, resté à domicile, ne soit immédiatement exécuté. Ce quasi huis-clos développe un suspense quelque peu peu artificiel, reposant sur la recherche, pour Violet comme pour le spectateur, du moindre indice qui pourrait démasquer l’auteur des messages, celui qui tire les les ficelles parmi les clients et membres du personnel au sein du restaurant. Autant de suspects potentiels, de lieux vaguement cartographiés (la table du couple, le bar, l’accueil, les toilettes), et des messages directement incrustés à l’écran pour mieux impliquer le spectateur. Une mécanique un peu paresseuse et cache-misère, car si la présence de Christopher Landon derrière la caméra peut rassurer, force est de constater qu’il en fait le minimum en assurant l’essentiel de sa compétence technique. Le réalisateur de Paranormal Activity : The Marked Ones et surtout de Happy Birthdead, slasher à succès mais clairement surévalué, emballe tout ça avec savoir-faire mais sans inspiration non plus. Il faut dire qu’il n’est pas aidé par un scénario qui se voudrait malin mais qui se révèle au final assez inepte. Les auteurs du script Jillian Jacobs et Chris Roach sont, il faut le souligner, les responsables des nullissimes Fantasy Island et Action ou Vérité, déjà pour Blumhouse.

I’m a Poor, lonesome Hitchcock…

Si Christopher Landon se dépatouille comme il peut de son Phone Game dans un restau, pour tenter d’instiller un minimum de suspense, d’élaborer des cadrages alambiqués pour donner un semblant de facture visuelle et de remplir son cahier des charges, tout cela reste finalement assez vain, très artificiel et globalement indigent. Le principal problème de Drop Game est qu’il est assez difficile d’accrocher à ce concept sur la base du « Jacques à dit… » car le développement de l’intrigue n’est jamais crédible. Que ce soit les personnages et leurs réactions, les péripéties, les retournements de situation… Tout est tiré par les cheveux et le développement de l’intrigue d’une naïveté confondante. Plus irritant encore, on ressent une certaine posture de petits malins qui se croient brillants et sacrément audacieux avec ce script d’une totale vacuité. De même, on a beau chercher avec la meilleure volonté du monde, aucun début d’alchimie n’est à détecter au sein du couple formé par Meghann Fahy (la série The White Lotus) et Brandon Sklenar (Vice, Midway). Aussi sympathiques soient-ils, les deux comédiens ne débordent pas de charisme et ne peuvent outrepasser des situations, dialogues et interactions totalement plats et aberrants. La promesse du huis-clos est également une déception, tant Landon s’avère incapable de profiter et de jouer avec son décor, peinant à proposer un découpage cohérent et signifiant de son espace, condition pourtant essentielle à un tel projet. Le restaurant devrait être un personnage à part entière. Il n’est qu’un vague décor sans intérêt. Le film se rachète une bonne conscience in-extremis avec le discours en filigrane sur la toxicité masculine, imposant avec aplomb un message en ce sens en conclusion (pour les plus étourdis), mais si le projet est louable, l’exécution tellement laborieuse en fait un discours totalement vain, à l’image de sa critique de notre dépendance à la technologie qui tourne à vide.

Totalement naïf et aseptisé, Drop Game est un produit hollywoodien sans aspérité, lisse comme c’est pas permis, qui met sérieusement au défi la suspension d’incrédulité. Si l’on entrevoit la volonté de Christopher Landon de livrer un film dans la veine d’Alfred Hitchcock, le résultat ne lui rend pas justice. Drop Game se voudrait malin, il n’est qu’un thriller technologique opportuniste qui ne reste qu’à l’état de concept.

Note : 1 sur 5.

DROP GAME (Drop). De Christopher Landon (USA – 2025).

Genre : Thriller. Scénario : Jillian Jacobs et Chris Roach. Photographie : Marc Spicer. Interprétation : Meghann Fahy, Brandon Sklenar, Violett Beane, Jacob Robinson, Gabrielle Ryan, Jeffery Self, Reed Diamond… Musique : Bear McCreary. Durée : 95 minutes.
Distribué par Universal Pictures France (3 septembre 2025).

Cette édition bénéficie d’un très beau rendu image, avec un aspect numérique rimant avec précision et définition exemplaires. L’image est marquante aussi par ses jeux de lumière qui privilégient les tonalités chaudes et rassurantes du restaurant, tandis que les contrastes tranchent avec des noirs profonds desquels émergent quelques couleurs et saillies visuelles bien senties. C’est propre et très solide. Les deux pistes sonores ont du peps. La version anglaise est puissante et dynamique, avec des dialogues clairs et des effets d’ambiance enveloppant comme il faut, et s’emballant lors de certains scènes plus orientées action (la vitre du restaurant qui explose). Du côté de la version française, c’est du tout bon également, même si le rendu général des sons environnementaux sont un chouïa moins puissants que sur la VO. Ça reste très correct et suffisant pour l’immersion.

Il ne faudra pas se montrer très exigeant concernant les bonus. Universal propose trois courtes featurettes sur la conception du film, sur les décors et sur les personnages et leurs interprètes. Tout cela demeure excessivement promotionnel, en dépit de quelques images de tournage toujours bonnes à prendre. A noter la présence du commentaire audio du réalisateur Christopher Landon.

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