[Critique] MIDWAY de Roland Emmerich


Depuis plusieurs années, le sympathique Roland Emmerich s’amuse à alterner gros blockbusters décérébrés (White House Down) et drames peu finauds (Anonymous). Le réalisateur de l’inénarrable Independance Day et de sa suite magique tente-t-il de se racheter une conduite ou une légitimité cinématographique ? Quoi qu’il en soit, avec Midway, sorti en 2019, le cinéaste allemand alimente plutôt son versant “actioner” et livre un film de guerre qui porte incontestablement sa marque, sa signature.
Comment peut-on encore faire un film comme Midway aujourd’hui ? La question se pose… En reprenant à son compte les événements de la fameuse bataille intervenue après la débâcle de Pearl Harbor en 1942, Roland Emmerich signe un nouveau plaidoyer patriotique envers l’armée américaine et ses courageux soldats qui se sont sacrifiés. Ne soyons pas médisants, les soldats japonais sont également honorés en carton de conclusion du film. L’honneur est sauf… Doté d’un casting prestigieux réunissant notamment Dennis Quaid, Patrick Wilson, Woody Harrelson, Luke Evans, Mandy Moore… Midway est une grosse machinerie de guerre (!) au budget faramineux, un projet que le cinéaste clame porter depuis plus de vingt ans. Le film d’une carrière… À l’origine du projet, le scénariste Wes Tooke, passionné de l’épisode, rédige un scénario qui, porté à l’écran, coche toutes les cases du produit de guerre hollywoodien héroïque et calibré. Relativement fidèle aux grandes heures qui ont précédé la riposte américaine, mettant en scène les véritables protagonistes du conflit, tant du côté américain que japonais, Midway affiche ses ambitions de coller au maximum à l’histoire. Pour autant, rythmé de manière assez étrange, le film avance en boitant, se perd dans des tunnels de dialogues au sein des bureaux des États-majors respectifs et abuse d’ellipses temporelles, ce qui a pour conséquence de hacher le récit, au demeurant très simpliste, pour déboucher sur une narration au final, assez nébuleuse. Joli exploit.

Orgie numérique
Filmé en très grande partie sur un porte-avions géant reconstitué en plateau et affublé de fonds verts, Midway n’est pas à proprement parler séduisant sur le plan visuel. On n’est pas dans une bouillie numérique, les effets restent corrects, mais leur abondance provoque une saturation d’images synthétiques provoquant autant l’indigestion qu’elles créent une réelle distance avec le spectateur. Car Midway n’évoque pas grand chose et affiche un zéro pointé en termes d’implication et d’émotions. Le sacrifice et le sens de l’honneur de certains pilotes de premier plan ne provoquent qu’un bâillement poli. Ca fait désordre. On ne peut pas néanmoins nier l’efficacité des scènes de combat, particulièrement immersives, et dans lesquelles Emmerich prouve qu’il sait y faire pour gérer à l’écran un ballet d’avions et d’explosions, sans jamais perdre de vue les notions d’espace, ni infliger au spectateur un montage épileptique (ça va Michael Bay, sinon ?) Si Midway fatigue et devient indigeste au bout de ses 2h15, c’est surtout par sa construction scénaristique heurtée, le manque de fluidité de son récit, ses dialogues ampoulés, l’interprétation oscillant entre le surjoué et le dilettante. Le film passe ainsi assez brillamment à côté de l’un de ses aspects les plus prometteurs : celui du décryptage des communications nippones par les Américains. A vouloir être trop sérieux, à singer des plans entiers de ses copains Spielberg ou Bay sans avoir la compétence d’en extraire la substantifique moelle, à se concentrer sur la technique plus que sur l’humain, Roland Emmerich réalise un film désincarné, du cinéma sans âme et sans point de vue, spectaculaire et triomphaliste, qui n’est certainement pas à la hauteur de son sujet et laisse un assez mauvais goût dans la bouche. Un film qui se voit sûrement bien trop beau pour son propre bien. Du cinéma évoquant fortement les élans patriotiques des années 80/90. Et on se demande une fois encore : Comment peut-on faire un film comme Midway aujourd’hui ?
MIDWAY Roland Emmerich (USA – 2019) |
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Genre Guerre – Avec Woody Harrelson, Luke Evans, Mandy Moore, Patrick Wilson, Ed Skrein, Aaron Eckhart, Dennis Quaid… – Musique Harald Kloser et Thomas Wanker – Durée 138 minutes. Distribué par Metropolitan (6 mars 2020). Synopsis : Après la débâcle de Pearl Harbor qui a laissé la flotte américaine dévastée, la marine impériale japonaise prépare une nouvelle attaque qui devrait éliminer définitivement les forces aéronavales restantes de son adversaire. La campagne du Pacifique va se jouer dans un petit atoll isolé du Pacifique nord : Midway. L’amiral Nimitz, à la tête de la flotte américaine, voit cette bataille comme l’ultime chance de renverser la supériorité japonaise. Une course contre la montre s’engage alors pour Edwin Layton qui doit percer les codes secrets de la flotte japonaise et, grâce aux renseignements, permettre aux pilotes de l’aviation américaine de faire face à la plus grande offensive jamais menée pendant ce conflit. |
L’édition Blu-ray de METROPOLITAN

Technique
L’image très numérisée de Midway n’est pas à proprement parler très jolie, mais elle reste assez remarquablement retranscrite dans cette édition Blu-ray, qui jongle plutôt adroitement entre les teintes sépia de certaines scènes et la photographie un peu plus poussée d’autres séquences d’intérieur notamment (certains contre-jours flatteurs). Contrastes corrects, grain léger mais bien présent, pour une définition globale de très belle facture. Malgré des combats aériens spectaculaires mais au rendu un peu trop proche de la cinématique de jeux vidéos.
On attend évidemment un film comme Midway sur son rendu sonore. Et on n’est pas déçu, ici, les combats fracassent et mettent à contribution les différentes sorties audio : avions en vol, largages de bombes, explosions… On en prend plein les oreilles avec une puissance et un dynamisme bienvenus. Les deux pistes en DTS Master audio 7.1 font naître la guerre dans votre salon.

Interactivité
Premier avertissement : l’ensemble de l’interactivité proposée sur le Blu-ray de Metropolitan s’inscrit dans une démarche promotionnelle évidente et relativement pédagogique. Rien donc qui fera sauter au plafond. Néanmoins, on se retrouve en présence d’une section de suppléments assez fournie. Avec pour débuter un making of typique de ce genre de blockbusters, où l’ensemble des participants au projet, du réalisateur aux producteurs en passant par les comédiens et le scénariste, reviennent sur l’expérience de tournage et s’accordent sur le caractère spectaculaire du film et le grand talent de Roland Emmerich. De la langue de bois/hypocrisie/naïveté hollywoodienne dans toute sa splendeur. Plus intéressant, les segments “L’héritage de la bataille” et “Deux survivants se souviennent”, deux modules consacrés aux soldats ayant participé au conflit, notamment le témoignage d’anciens combattants, qui font jaillir l’émotion qui manque cruellement au film. A noter la présence d’un commentaire audio en version originale non sous-titrée.
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