[Critique] AUX YEUX DE TOUS de Cédric Jimenez
Souriez, vous êtes filmé !
Projet ambitieux sur le papier, Aux yeux de tous bénéficie d’une note d’intention pour le moins sophistiquée : proposer un film composé (quasi) uniquement d’images provenant de caméras de video-surveillance, webcam, etc… pour raconter une histoire d’attentat et de complot, qu’un hacker va tenter de percer à jour. Un pari visuel audacieux pour le jeune réalisateur français Cédric Jimenez.
Le parti-pris esthétique d’Aux Yeux de tous est en effet gonflé, et assez surprenant pour un film français, qui plus est première réalisation de fiction pour son auteur. Le principe n’est pas sans rappeler le procédé employé par Brian De Palma sur Redacted, dans lequel le réalisateur de Body Double donnait à voir un aperçu réaliste et traumatisant de la guerre en Irak, par le biais d’images là aussi issues de caméras de surveillances, de vidéo extraites du net (YouTube), etc… Mais la comparaison s’arrête là. Si De Palma souhaitait une immersion et un réalisme à toutes épreuves, le questionnement sur le pouvoir des images et leur libre circulation prenait (comme souvent chez le cinéaste) le dessus sur l’intrigue, Cédric Jimenez propose quant à lui de raconter une histoire, répondant aux codes classiques du thriller.
Coauteur du scénario, Jimenez a clairement pensé sa mise en scène en fonction des contraintes de son procédé cinématographique. Se succèdent ainsi à l’écran différents types de prises de vues, aux angles et formats différents, à la qualité fluctuante, donnant la sensation d’une véritable toile d’araignée de capteurs visuels, tissée en plein Paris. Le Hacker derrière ses ordinateurs (montré par le biais de prises de vues classiques et stylisées, ce qui constitue une bouffée d’oxygène au milieu du flux d’images vidéos) peut ainsi suivre et épier précisément chaque personnage, qu’il soit chez lui face à sa webcam, mais aussi dans tous ses déplacements dans la capitale.
La problématique de la videosurveillance, de la liberté individuelle, du voyeurisme et d’une forme de politique sécuritaire sont bien évidemment au centre du film. Et on sent la volonté de Jimenez de proposer un thriller intelligent, sans être forcément pompeux.
Le fond et la forme
L’audace de cette nouvelle forme de mise en scène ne garantie pas pour autant la réussite artistique du projet. Si le cinéaste parvient avec un certain brio à rendre crédible un parti-pris cinématographique mûrement réfléchi et sincère dans son approche, il est dommage que la forme ait clairement pris le pas sur le fond. Le scénario, qui revisite l’idée du complot depuis l’acte terroriste originel, reste très simpliste, tout comme les personnages, globalement caricaturaux. Le tout est porté par une interprétation, elle aussi, très inégale. Malgré tous les efforts du cinéaste, l’ensemble peine à se hisser au-delà d’un téléfilm de luxe.
C’est une déception d’autant plus grande, que la durée ramassée du film adéquate (76 minutes) et le concept fort et osé du cinéaste méritent que l’on s’y intéresse. Reste à voir ce que Cédric Jimenez sera capable de proposer à l’avenir dans le cadre d’une mise en scène plus classique.
AUX YEUX DE TOUS
Cédric Jimenez (France – 2012)
Genre Thriller – Interprétation Mélanie Doutey, Olivier Barthelemy, Francis Renaud, Féodor Atkine… Musique Julien Jabre et Michael Tordjman – Durée 76 minutes.
L’histoire : 673 000 caméras de surveillance et des millions de webcams en France. Un hacker anonyme a piraté toutes les caméras de Paris et observe la ville à son insu. Jusqu’au jour où un attentat dévaste la gare d’Austerlitz. La police se met sur la piste d’un groupe satellite d’Al-Qaïda. Le hacker réussit, lui, à trouver les images de l’explosion et découvre que c’est un jeune couple qui a posé la bombe…
Malgré tes réserves tu m’as donné envie de le voir.
J’aime les projets audacieux et créatifs, même quand ils échouent, au moins, on échappe à la médiocrité 😉
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Complètement d’accord !
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