[Critique] CARRE BLANC de Jean-Baptiste Léonetti

Seuls contre tous...

Carré Blanc de Jean-Baptiste Léonetti

Dans l’océan des productions formatées françaises, s’extirpe de temps à autre une oeuvre qui redonne foi dans le cinéma hexagonal. Parmi les innombrables comédies imbuvables et autres drames bavards et lénifiants, parfois, un titre et un réalisateur parviennent miraculeusement à émerger et tirer leur épingle du jeu en proposant un projet couillu et financièrement suicidaire. Mesdames et messieurs, bienvenu à Carré Blanc de Jean-Baptiste Léonetti.
Ce premier film de Léonetti, réalisateur du moyen-métrage Pays des ours, s’inscrit dans le genre très audacieux du récit d’anticipation, encore qu’aucune étiquette véritable ne puisse réellement coller au film… Le cinéaste donne à voir un monde (un futur ?) froid, gris, déshumanisé, dans lequel une caste de puissants invisibles dominent une population réduite à vivre dans un artefact de société, dans laquelle les sentiments sont annihilés. Un univers où le droit de mourir n’appartient plus à l’individu, où chaque sourire est forcé, dans lequel la population est sans cesse soumise aux règles dictées par des haut-parleurs. Ainsi, alors que l’on devine une natalité en crise, chaque soir, des voix déshumanisées déclament inlassablement “c’est le soir pour faire un enfant…”

L’effort du spectateur

C’est dans ce contexte “Orwellien” en diable qu’évoluent Philippe et Marie, deux jeunes gens cassés par la vie, et dont l’histoire d’amour va traverser le récit. Sami Bouajila et Julie Gayet sont absolument remarquables, interprétant leurs personnages avec cette retenue et cette froideur totalement en phase avec l’univers du film. Un univers que Jean-Baptiste Léonetti explore à l’aide d’une mise en scène d’une précision chirurgicale. Chaque plan, chaque mouvement de caméra, est utile à la découverte de ce monde cloisonné, clinique. Le jeune cinéaste impose une maîtrise assez bluffante pour un premier long. Graphiquement, Léonetti joue avec les symboles, les surcadrages, les lignes fuyantes de ses décors ou celles au contraire emprisonnant les personnages, apportant une sensation de claustrophobie et d’étouffement, un certain malaise psychologique. La découverte de cet univers se fait essentiellement par petites touches visuelles, les dialogues sont à la portion congrue, même si la bande-son reste riche et très travaillée. Pourtant, il faut reconnaître qu’apprécier ce Carré Blanc à sa juste valeur nécessitera un certain effort de la part du spectateur. L’ensemble des ingrédients réunis par Jean-Baptiste Léonetti pour concevoir son film ne sont pas du style à prendre le spectateur par la main. Cet univers froid et géométrique demande un minimum d’implication pour parvenir à goûter les qualités d’une première oeuvre qui ne dépareillerait pas aux côtés de monuments tels que Soleil Vert, Brazil et autres Orange Mécanique


CARRE BLANC
Jean-Baptiste Léonetti
(France – 2011)

Note : 3Interprétation Sami Bouajila, Julie Gayet, Jean-Pierre Andréani, Carlos Leal, Dominique Paturel, Fejria Deliba… – Musique Evgueni Galperine – Durée 117 minutes.

L’histoire : Dans un monde déshumanisé, Philippe et Marie, deux orphelins, grandissent ensemble. 20 ans plus tard, ils sont mariés. Philippe est un cadre froid et implacable. Marie assiste impuissante à ce qu’ils sont devenus l’un pour l’autre : des étrangers. Leur destin bascule lorsque Marie décide de braver le système pour préserver ce qu’il reste de leur amour. Jusqu’où iront-ils pour continuer d’exister à deux, seuls contre tous ?…

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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