[Critique] PROMETHEUS de Ridley Scott
Prometheus… Cinq mois après. Peu de films ont suscité autant d’attente que ce « Préquel/Reboot/Film original » signé Sir Ridley Scott. Une attente démesurée, liée au caractère particulier de la saga Alien, à l’aura de son réalisateur originel revenant aux commandes de la franchise, et, il faut bien l’avouer, aux promesses lancées sans ménagement par les instigateurs du projet, tout au long de sa conception. L’impatience qui a découlé de ce Prometheus durant les longs mois de sa gestation, auxquels il faut ajouter les nombreuses années précédent le lancement officiel du projet, et qui ont elles aussi fait fonctionner à plein régime l’imaginaire du spectateur, n’a clairement pas joué en faveur du film. C’est comme ça, Georges Lucas et ses Star Wars, peuvent en témoigner, toutes proportions et considérations qualitatives gardées. L’inconscient collectif du public, qui a bâti durant tout ce temps (la sortie du dernier épisode signé par le Français Jean-Pierre Jeunet date tout de même de 1997, et on ignorera poliment la série insignifiante des Alien vs Predator) des théories et autres fantasmes légitimes sur la saga, ne pouvait éprouver que de la déception face à ce nouvel épisode. Ce dernier se tirait lui-même une balle dans le pied en peinant volontairement ou involontairement à afficher une identité propre, puisqu’un grand flou artistique était entretenu sur la fonction et le positionnement même de ce nouvel épisode au sein de la saga (préquelle, récit en marge ?). L’accueil critique français en mai dernier, sans être désastreux, n’était pas non plus dithyrambique, n’en déplaise au statut de la saga et à la renommée de son réalisateur visionnaire.
Alors, cinq mois après la sortie en salle du film en France, après bien des accrochages entre pro et anti-Prometheus, il est peut-être temps de réévaluer le film pour ce qu’il est : un récit de science-fiction mâtiné d’horreur, comme pouvait l’être Le Huitième passager en son temps, mais réalisé avec des moyens financiers, techniques et un point de vue actuels. Et pour le fan de la saga qui découvre ce cinquième épisode aujourd’hui, fort de tout le brouhaha qui a précédé ces derniers mois, l’aventure est fort agréable.
Récit équilibriste
Prometheus, c’est avant tout un projet que Ridley Scott et ses scénaristes (dont Damon Lindelof, rescapé de la série Lost), conduisent sur la brèche de bout en bout. Un rôle d’équilibriste, voilà ce que le cinéaste britannique mène durant les deux heures de film. Un équilibre précaire entre différents aspects : tout d’abord une volonté de s’inscrire dans les codes de la saga Alien, avec ses séquences connues, ses passages obligés, mais aussi une ambition (que dis-je, une mission !) d’apporter quelque chose de plus au spectateur, qui prend ici la forme d’un questionnement théologique, sur les origines de l’homme. Un équilibre également entre les attentes du public, qui slaloment entre, justement, le respect du matériau original, mais également l’envie d’une proposition de cinéma nouvelle sur les bases d’une saga déjà bien essorée. C’est sur cette ligne continue semée d’embûches que navigue le film, et c’est sa principale qualité. Réussir une alchimie pourtant pas gagnée d’avance, entre les attentes et le renouveau.
Dans ce nouvel opus, il est question de découvrir les origines de l’homme. Une recherche qui va chambouler les acquis spirituels et la foi des personnages. Cette approche, on ne va pas se le cacher, est un peu simpliste, mais elle fonctionne. On n’est pas chez Terrence Malick non plus, et heureusement ! Là où la chose prend de l’ampleur et gagne en intérêt, c’est quand cette quête des origines croise la naissance de l’Alien lui-même. Les fameux « Ingénieurs » extraterrestres du film, présentés comme les géniteurs de la race humaine, sont également les créateurs involontaires du terrifiant extraterrestre sous la forme qui fera frissonner tant de spectateurs quelques années plus tard (ou plus tôt, on s’y perd…).
Génie visuel
Prometheus s’impose avant tout comme un film de science-fiction, bien davantage qu’un film d’horreur. On est en effet loin de l’angoisse sourde et étouffante de l’épisode de 1979. Le suspense de cet épisode 2012 est bien présent, mais dilué dans des corridors scénaristiques trop usités pour réellement surprendre. Non, c’est plus dans ses phases d’exploration, cette utilisation d’un matériel high-tech et d’une technologie visuellement très convaincants, que le film dévoile sa véritable puissance. Les séquences dans l’espace, ou sur la lune découverte par les personnages, la scène de la tempête de particules, et tout le final sont à ce titre absolument éblouissants. Quoi qu’on puisse reprocher à Ridley Scott, on ne pourra jamais lui enlever son génie visuel, car la patte qu’il impose à ses images, sa photo, ses décors, aux costumes des personnages, est clairement l’oeuvre d’un plasticien de très grand talent. Si on peut pester contre un scénario un peu paresseux qui ne fait que recycler les clichés des précédents films (exploration d’une planète inconnue, première attaque, contamination, l’androïde manipulateur…), on ne pourra que rester béat d’admiration face à la tenue visuelle de Prometheus. Celle-ci va de paire en terme de qualité avec une bonne poignée de séquences véritablement incontournables, comme par exemple cette extraction d’un embryon d’Alien du ventre d’un des personnages principaux, le tout dans un caisson chirurgical. Angoisse et claustrophobie au programme. Ou encore tout le final du film, et cet épilogue attendu mais ô combien jouissif de la naissance de l’Alien, tel qu’on le connaît (ou presque). Le choix de Noomi Rapace dans le rôle principal est également une belle trouvaille, tout comme le cast du surbooké Michael Fassbender. Deux comédiens, auxquels on pourrait ajouter la cool attitude du pilote incarné par Idris Elba ou l’intrigante Vickers interprétée par Charlize Theron. Les personnages ne sont pas tous des plus approfondis, mais leur présence à l’écran a quelque chose de magnétique et de charismatique, totalement en phase avec l’ambiance du film.
Apprécier Prometheus à sa juste valeur, c’est faire fi des attentes, de ces fantasmes qui ont parcouru la planète cinéphile durant toutes ces années. C’est pouvoir s’abandonner à un film qui brasse des thèmes prometteurs bien que pas toujours explorés à fond, au fil de séquences mémorables. C’est enfin mettre de côtés des défauts évidents mais jamais rédhibitoires, s’asseoir sur les réponses promises pour développer d’autres questions… Car ce que propose Ridley Scott avec ce 20e film, c’est un grand moment de cinéma. Encore un !
PROMETHEUS
Ridley Scott (USA – 2012)
Genre Horreur/Science-fiction – Interprétation Noomi Rapace, Michael Fassbender, Guy Pearce, Idris Elba, Charlize Theron, Logan Marshall-Green… – Musique Marc Streitenfeld – Durée 123 minutes.
L’histoire : Ridley Scott, réalisateur de « Alien » et « Blade Runner », retrouve le monde de la science-fiction dont il est l’un des pionniers les plus audacieux. Avec PROMETHEUS, il créé une mythologie sans précédent, dans laquelle une équipe d’explorateurs découvre un indice sur l’origine de l’humanité sur terre. Cette découverte les entraîne dans un voyage fascinant jusqu’aux recoins les plus sombres de l’univers. Là-bas, un affrontement terrifiant qui décidera de l’avenir de l’humanité les attend…
Bonjour!
Je viens de lire cette critique et je la trouve très juste. C’est amusant, j’ai revu Prometheus il y a une semaine à peine, et je l’ai redécouvert de la même manière que vous (toi), après une légère déception au cinéma.
En soi le film est un peu victime des énormes attentes qui pesaient sur lui. Mais si on regarde le film pour lui-même, il est agréable et maitrisé (surtout du point de vue technique).
La position de Prometheus est en effet assez difficile. Entre prequel à Alien et film indépendant, les scénaristes/producteurs/réalisateur ont eu du mal à choisir et sont restés entre les deux. Personnellement, je le vois comme une mise à jour d' »Alien, le Huitième Passager »: des moyens techniques modernes avec une nouvelle thématique centrée sur l’origine de la vie.Dommage que cette partie soit un peu légère (peut-être préservée pour un prochain épisode?)
Prometheus n’est pas un film terrifiant, mais je pense qu’il aurait pu apporter un aspect horrifique intéressant avec la [SPOILER] maternité d’Elisabeth [FIN SPOILER], qui est malheureusement vidangée rapidement. Le coup des bestioles qui sautent au visage, ça ne marche plus…
S’il ne fallait retenir qu’une chose, ce serait la conclusion de cette critique 🙂
Demisev/Nicolas
J’aimeJ’aime
Merci !
Ravi de voir que mon avis peut être partagé 😉
et merci pour ton point de vue !
J’aimeJ’aime