Après un premier opus centré sur la famille Atréides et le destin du rejeton Paul, acclamée malgré une une rigidité et un hermétisme affichés, Dune, Deuxième partie de Denis Villeneuve devait achever l’adaptation du premier livre de Franck Herbert, illustrer l’ascension et la vengeance de l’élu Paul Atréides, passé pour mort alors que sa famille a été décimée suite au coup d’état mené par la maison Harkonnen, en dévoilant davantage les secrets de la planète de sable et du peuple Fremen.

Lire la critique POUR de DUNE, DEUXIEME PARTIE par Fabien

Posons d’emblée ce qui fait de cette seconde partie un film qui mérite que l’on s’y attarde. A l’heure de l’uniformisation dans la médiocrité des blockbusters hollywoodiens, gangrénés par la paresse intellectuelle et artistique des productions Marvel, DC et autres univers Star Wars, mais également de leurs rejetons bâtards (Fast & Furious, Transformers, Godzilla and co), le projet de Denis Villeneuve dénote dans le paysage et propose une ambition évidente, tant sur le plan narratif que formel. Pas que l’œuvre de Franck Herbert soit plus légitime que les comic books de super-héros, loin de là, mais la transposition de ces derniers sur grand écran, sans saveur ni envie (ni talents ?), fait tâche au regard de ce que propose concrètement Dune, Deuxième partie. De la SF adulte, sérieuse voire sentencieuse, qui n’a pas peur de se confronter à des notions tels que le libre-arbitre, l’abrutissement et l’endoctrinement des masses sur fond de croyances et l’observation d’une figure messianique et toutes les dérives que cela convoque. Un sacré programme, issu d’une œuvre de base, rappelons-le, réputée inadaptable, qui se voit offrir une déclinaison cinématographique qui n’a pas peur des difficultés, même si elle tend à ne pas passer avec succès tous les obstacles. En cela, loué soit Denis Villeneuve (cinéaste passionnant par le passé avec des films comme Prisoners, Sicario ou Premier Contact) de s’être accroché à une certaine forme d’ambition (d’audace ?) dans l’entreprise de transposition de l’inadaptable, surtout après avoir surmonté l’épreuve Blade Runner 2049 avec plus ou moins de succès. On ne saura lui reprocher non plus de vouloir aérer un cinéma sclérosé par les tournages en studio et sur fonds verts en investissant de grands espaces naturels, aptes à redonner ses lettres de noblesse au récit d’aventure exotique en proposant des scènes d’action d’ampleur et épiques.

Mais les intentions font-elles un bon film ? La volonté et les choix de Villeneuve et de son coscénariste Jon Spaihts (Prometheus de Ridley Scott) valident-ils une approche qui, comme on l’a vu dans le premier opus, relèvent essentiellement d’un cinéma d’une froideur tranchante et globalement dépourvu d’émotion, caractéristiques du cinéaste québécois ? On serait tenté de répondre par la négative… Malgré le très grand succès populaire de la première partie, Dune version Villeneuve avait malgré tout divisé, entre les adorateurs indéfectibles du cinéaste, ceux vantant les mérites d’une œuvre d’auteur à l’apparente aridité et ses détracteurs plus ou moins vénères qui n’y voyaient que de la belle image dissimulant du vide, qui plus est plombé d’un ennui sérieux. De fait, cette seconde partie semble quant à elle s’attirer les louanges de la majorité des spectateurs, et on ne tournera pas autour du pot très longtemps avant d’affirmer que, malgré les qualités du film, on ne voit pas bien ce qui peut faire consensus à ce point. La nuance est ici de rigueur…

Alors que, comme précédemment dit, Dune s’installait en grande majorité dans les décors volontairement sombres, abruptes, austères et étouffants des maisons Atréides et Harkonnen, la suite devait s’ouvrir aux décors naturels flamboyants de la planète de sable Arrakis et donner à découvrir plus précisément le peuple des Fremen. Si le film gagne clairement en couleurs (trop) chaudes (voire désaturées), la mise en scène n’évolue pas réellement vers plus de dynamisme, alors que le récit semble le réclamer. Passé une entrée en matière très séduisante, au cœur de l’action, sans paroles, menée par un plan séquence au ras du sable, on sent que le film part sur de bonnes bases. Malheureusement, plus jamais au cours des 2h45 de projection on n’aura une intensité et une immersion comparables à cette scène extrêmement réussie. Malgré une volonté d’en mettre plein les mirettes, le film manque sérieusement de souffle, le côté épique est engendré (et parasité) par une musique tonitruante de Hans Zimmer, poussée pleins potards, apportant un simulacre d’emphase là où l’action est bien généralement filmée de loin, de manière très quelconque et sans inspiration particulière . De même, la direction artistique et la gestion de la lumière et des couleurs masquent à peine une mise en scène relativement empruntée et illustrative, là où on était en droit d’attendre une certaine prise de risque de la part de Villeneuve. Et c’est bien là que le film déçoit le plus. En dépit de réelles intentions de bien faire, d’une fidélité et d’une déférence incontestables au matériau de base, Dune, Deuxième partie louvoie beaucoup trop pour son propre bien.

Ce qui fache et interroge le plus à la vision du film, c’est sa gestion du temps à l’échelle de sa narration, avec des ellipses assez incompréhensibles, laissant à penser qu’une version (plus) longue pourrait dormir dans les tiroirs de Warner. Des choix de montage au sein même de certaines séquences (toute l’initiation aux rites Fremen, la chevauchée des vers des sables, l’amourette avec Chani, le voyage vers le Sud) interpellent sur l’approche narrative souhaitée par Villeneuve et Spaihts, qui n’impliquent jamais réellement le spectateur dans les enjeux de leur histoire, l’abandonnant sur le bas-côté avec sa pelle et son seau.

A l’image de son prédécesseur, on aurait aimé adorer ce qui devait constituer « un jalon dans l’Histoire du cinéma de SF », mais comme en 2021, on ne saura que lui adresser un « ouais, mais… » poli, l’histoire d’un film (et d’un réalisateur) peut-être un peu trop sûr de lui, pas aidé par un emballement critique démentiel et que l’on jugera disproportionné, sous prétexte (il est vrai) d’un constat que « c’est quand même bien mieux que le reste… ». Un jugement de valeur tirant vers le bas qui ne permet pas aux deux films de Villeneuve d’en sortir grandit. Paradoxalement, la déception passée, on ne peut pas rejeter ces deux premiers volets en bloc. Dune, Deuxième partie reste un blockbuster auteurisant de SF totalement fréquentable, et on préfère évidemment le labeur et l’approche ambitieuse mais inaboutie de Villeneuve qu’aux barils filmiques numérisés à outrance et généré par une IA de 90% des blockbusters hollywoodiens actuels. On se doit de défendre la démarche d’un film qui propose quelques tableaux et visions bien sentis, mais pour autant, trop désincarné et trop sage, manquant d’aspérité, de chair, d’incarnation pour faire date.

Note : 3 sur 5.

DUNE, DEUXIEME PARTIE. de Denis Villeneuve (Etats-Unis/Canada – 2024).
Genre : Science-Fiction. Scénario : Denis Villeneuve et Jon Spaihts, d’après le roman Dune de Frank Herbert. Photographie : Greig Fraser. Interprétation : Timothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Ferguson, Josh Brolin, Austin Butler, Florence Pugh… Musique : Hans Zimmer. Durée : 166 minutes. Distribué en salles par Warner Bros. (28 février 2024).

Une réponse à « [Critique/Contre] DUNE, DEUXIEME PARTIE de Denis Villeneuve »

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