[Critique] PREMIER CONTACT de Denis Villeneuve

Full Contact

PREMIER CONTACT de Denis Villeneuve

Après son polar suffocant Sicario et alors que tous les regards sont déjà tournés vers la suite de Blade Runner qu’il peaufine actuellement, le cinéaste canadien Denis Villeneuve livre son huitième film avec Premier contact. Oeuvre de science-fiction intimiste qui évoque autant Rencontre du troisième type de Spielberg, Contact de Robert Zemeckis que le cinéma de Terence Malick ou encore Interstellar de Christopher Nolan, Premier contact conte l’arrivée d’imposants engins volants extraterrestres à douze points du globe et les tentatives de communication engagées par les humains avec leurs occupants. Le film est une adaptation de la nouvelle de Ted Chiang : L’histoire de ta vie et suit une spécialiste en langage et un scientifique dont la mission est d’aider les forces militaires à comprendre les motivations des extraterrestres et surtout éviter tout conflit armé. A l’opposé d’un Independance Day traitant d’un sujet similaire avec l’option « pétoires à la main », Denis Villeneuve et son scénariste Eric Heisserer choisissent l’approche douce et cérébrale. Contrairement à ce que sa bande-annonce voulait nous vendre (du spectaculaire à tout va) Premier contact joue sur du velours et tente d’explorer la problématique liée au langage et à la communication. Après une mise en place émotionnellement chargée révélant un épisode traumatique de la vie de la linguiste Louise Banks (Amy Adams), l’arrivée des « coques » extraterrestres se veut anti-spectaculaire au possible. Denis Villeneuve prend le parti de faire découvrir la situation au spectateur en même temps que Louise, une démarche qu’il applique de manière exemplaire, avec une économie de moyens, une mise en image sobre mais brillante et une utilisation du son pertinente. Au côté du scientifique Ian Donnely joué par Jeremy Renner et d’une poignée de militaires, la linguiste découvre avec une incrédulité et une angoisse toutes naturelles l’OVNI et ses aliens. D’un réalisme et d’un naturalisme confondants, y compris lors d’un épisode gravitationnel assez incroyable, cet épisode place très haut le curseur qualitatif d’une entrée en matière frôlant la perfection. On reconnaît bie la patte de Villeneuve, qui avait déjà su trouver le bon ton et la mise en scène adéquats pour des films aussi complexes que Prisoners, Enemy ou Sicario.

De l’universel à l’intime

Durant une bonne heure (sur les deux que compte le film), Premier contact vise juste et bien, laissant planer son mystère et donnant à voir une science-fiction proche de l’homme, des interrogations sur ses origines, sa condition, son évolution et ses inquiétudes. Il évoque inévitablement 2001 l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick avec ses vaisseaux aux formes singulières, pas très éloignées du célèbre monolithe noir. De leur côté, les aliens, des « heptapodes » d’aspect inquiétant et dotés de sept pattes et tentacules, sont présentés avec parcimonie, derrière un voile brumeux, et leur menace n’apparaît jamais réellement évidente. En dépit d’une construction mécanique qui voit les échanges avec les extraterrestres se succéder suivant un processus contraignant pour les personnages, Villeneuve parvient à intéresser en évitant l’écueil de la répétition rébarbative.
Pourtant, Premier contact laisse peu à peu de côté son aspect mystère universel pour plonger vers l’intime en plaçant au premier plan le personnage de Louise, son trauma, sa volonté de franchir les barrières du langage. C’est dans ce positionnement que le film dérape quelque peu et s’enlise dans une sorte de ventre mou quelque peu lénifiant et de moins en moins passionnant. Tandis que la psyché de Louise prend le dessus et vient progressivement contaminer sa réalité, que l’on se rend compte que le temps ne semble pas être aussi linéaire que prévu et rejaillit sur la construction du film, que le conflit armé devenu inévitable pourrait être évité, Premier contact se pare alors d’atours beaucoup moins subtils, d’un style un peu pompier avec ses flashbacks (?) en contre-jour singeant le style de Terrence Malick et une émotion un peu grossière qui évoque les trémolos boursouflés qui empesaient déjà pas mal Interstellar de Christopher Nolan.

Et Bim !

Malgré une volonté évidente de créer de l’émotion et de donner un sens autre à tout ce qui a précédé, Denis Villeneuve pêche dans la deuxième partie et le dénouement de son histoire. La révélation qui doit permettre de remettre en perspective le rôle et la vie de Louise Banks souffre d’un manque de subtilité flagrant (l’épisode du coup de téléphone, les longs échanges dialogués au soleil couchant pour ne pas dire grand chose), tandis que les différents protagonistes impliqués sombrent dans une certaine forme de caricature (le général chinois et l’agent de la CIA inflexibles, le colonel militaire de bonne volonté). Un final un peu superflu qui fait quelque peu s’écrouler l’édifice bâti jusqu’alors et ne permet pas d’embrasser dans tout son ensemble le sommet d’émotion qu’aurait pu être l’épilogue. Les idées sont là, mais leur concrétisation à l’écran n’est pas totalement convaincante. C’est d’autant plus dommageable que Villeneuve prouve une fois encore qu’il est un auteur investi, ne laissant pas ou peu de place à la concession et un cinéaste de tout premier plan. Place désormais à Blade Runner 2049, afin de découvrir si le réalisateur canadien saura s’affranchir d’un projet extrêmement risqué…

Note : 2.5 sur 5.

PREMIER CONTACT. De Denis Villeneuve (USA – 2016).
Genre : Drame, science-fiction. Scénario : Eric Heisserer, d’après la nouvelle L’Histoire de ta vie de Ted Chiang. Interprétation : Amy Adams, Jeremy Renner, Forest Whitaker, Michael Stuhlbarg… Musique : Jóhann Jóhannsson. Durée : 116 minutes. Distribué par Sony Pictures.

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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