[Critique] LOVE EXPOSURE de Sono Sion

Sous le soleil de Satan

LOVE EXPOSURE de Sono Sion

LOVE EXPOSURE de Sono Sion

Artiste multiple et cinéaste hors-normes, Sono Sion ne laisse pas insensible. Anticonformiste, transgressif, le réalisateur japonais s’acharne a développer son cinéma, en marge des modes et des chemins balisés. Avec Love Exposure, le réalisateur propose une vision très personnelle d’une histoire d’amour, ambitieuse et plurielle, sur fond de religion catholique, d’une durée de près de quatre heures.
Avec son image pas toujours très glamour, ses cadrages parfois à l’emporte-pièce, on ne peut pas dire que Love Exposure soit à première vue l’oeuvre d’un grand formaliste. Et pourtant, le film qui s’ouvre à nos yeux éberlués durant près de quatre heures est bien signé d’un authentique grand cinéaste. Au sein d’un film électrisé par une énergie peu commune, Sono Sion livre ici une succession de scènes brillantes, dont l’accumulation fait la pertinence. L’homme a visiblement des centaines d’idées à la seconde, et souhaite les coucher sur le papier, pour les transposer ensuite à l’écran, quitte à ce que son tournage soit des plus anarchiques. En cela, Love Exposure se présente comme un film multiple, associant dans la joie la plus totale un nombre invraisemblable de directions et une variété de thématiques et de tonalités très audacieuse au sein d’un même long-métrage (même au vue de sa durée…).
Après avoir perdu sa mère, le tout jeune Yu doit composer avec un père prêtre qui découvre les joies de la chair, mais qui, face à une cruelle désillusion amoureuse, s’enferme dans une obsession du péché, obligeant son fils à se confesser chaque jour. Alors que ce dernier ne souhaite qu’une chose : trouver son âme soeur. En quelques mots, voici un premier aspect de l’histoire qui pourrait en tant que tel, tenir un film entier. Ca n’est pourtant qu’une petite partie de l’imposant puzzle que le cinéaste va mettre en place. En effet, la chronique du drame familial sur fond de discours sur la religion dérive bientôt vers la comédie référentielle, burlesque et sexy, quand le jeune héros s’initie à photographier les culottes des jeunes filles dans la rue, dans le but de décupler sa perversité et son voyeurisme (et donc ses péchés). Le tout avec style, une pincée de kung-fu et des envolées accrobatiques. Fou !

LOVE EXPOSURE de Sono Sion

Hommage et rebondissements

C’est au bout d’une petite heure de métrage, alors que le titre du film apparaît brusquement à l’écran (si ! si!), que l’histoire d’amour, qui est au final le coeur du récit, va débuter. Une rencontre évidemment pas banale entre Yu et Yoko. Alors que le premier est travesti en personnage de la Femme Scorpion (en hommage au manga et au film éponymes) et la seconde en fâcheuse posture face à une bande de casseurs. La relation entre les deux jeunes individus, faite de faux-semblants, de retournements de situation, de rires et de larmes est d’une telle simplicité, car déjà vue maintes fois, mais dans le même temps d‘une telle complexité, par les multiples rebondissements qui en découlent, qu’elle en est unique. Sono Sion ne recule devant rien pour nourrir son intrigue, faisant intervenir pléthore de personnages gravitant autour de nos deux héros, une secte religieuse intégriste, des passages de comédie pure, lorsque le jeune homme ne contrôle plus ses érections face à Yoko. Pourtant, la progression de l’intrigue est de moins légère alors que le film avance, la dernière partie basculant dans le pur drame émotionnel, là encore, maîtrisé à merveille par le cinéaste.
Film sur les croyances, sur l’absence de repères, l’apparence, récit initiatique d’un jeune homme devenant un véritable adulte… La richesse et la densité de Love Exposure mérite de toutes évidences plusieurs visions. Il faut par ailleurs passer au-delà d’une certaine appréhension liée à la longueur du film, à l’amoncellement d’informations et à l’aridité de certaines séquences plus sibyllines que d’autres pour apprécier le film à sa juste valeur. C’est dans son ensemble que Love Exposure paye sa dette au spectateur, qu’il expose toute sa richesse et sa virtuosité. Faire d’un ensemble de scènes et de tonalités différentes un tout cohérent et au final, bouleversant est un exploit. Love Exposure est un film qui se mérite. Du grand oeuvre !


LOVE EXPOSURE
Sono Sion (Japon – 2008)

Note : 5Genre WTF (?) – Interprétation Takahiro Nishijima, Hikari Mitsushima, Sakura Ando, Makiko Watanabe, Atsuro Watabe… – Musique Tomohide Harada – Durée 237 minutes. Blu-Ray paru chez HK Vidéo.

L’histoire : Fils d’un prêtre respecté, Yu intègre une institution qui dispense un enseignement particulier : le voyeurisme et la perversion. Malgré une vie de débauche, le jeune homme ne désespère pas de trouver l’âme sœur. Sa rencontre avec Yoko, dont l’innocence bafouée n’a d’égal que sa haine pour la gent masculine, va propulser le jeune homme au-delà des limites du bien et du mal…

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

1 Comment on [Critique] LOVE EXPOSURE de Sono Sion

  1. J’adore !!!

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