[Be Kind Rewind] THE KILLING KIND de Curtis Harrington (1973)
Tempête sous un crâne
Réalisateur venu du cinéma expérimental, Curtis Harrington n’a jamais réussi à se faire une place parmi les cinéastes qui comptent dans les années 60 et 70. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir réalisé quelques bandes pelliculées réputées (Ruby, Mais qui a tué tante Roo ?) dont ce Killing Kind datant de 1973 et édité en DVD par Artus Films. Sur un canevas traitant d’un cas de serial killer assez convenu et plutôt à la mode à l’époque, le cinéaste brosse le portrait d’un jeune homme et de sa psychose : la gente féminine. Les rapports que Terry entretient avec les femmes sont au centre du métrage et constituent ce qui intéresse en premier lieu Curtis Harrington. De la scène initiale de viol collectif où tout a commencé, à ses rapports très ambigus avec une mère envahissante, en passant par la frustration sexuelle et l’homicide, le personnage interprété magistralement par un John Savage alors tout jeune, explore tout un spectre de sentiments parfois contradictoires envers le sexe faible. Pour en revenir à la psychose du personnage principal, l’ombre du chef d’oeuvre homonyme d’Alfred Hitchcock (Psycho), sorti une dizaine d’années plus tôt, plane sur The Killing Kind. Pourtant, plus qu’une copie, c’est plutôt une alternative à l’affaire Norman Bates que propose le cinéaste.
Psychose 1.5
On pourrait en effet voir The Killing Kind comme un Psychose parallèle, dans lequel Norman Bates n’aurait pas tué sa mère, mais aurait continué à évoluer auprès d’elle. Si les deux psychopathes semblent souffrir des mêmes maux, la présence maternelle vampirise chacun d’entre eux, morte et empaillée d’un côté, bien vivante et active de l’autre. Le parallèle est d’autant plus remarquable et certainement conscient de la part d’Harrington, qu’il reprend la célèbre scène de la douche, lieu de l’homicide par excellence, en la démarquant là encore, tout en ajoutant une musique tenant soit du clin d’oeil, soit du plagiat. Il conclut par ailleurs son intrigue en inversant l’empoisonnement d’un des principaux personnages par rapport au film d’Hitchcock. Dominé par l’interprétation sans faille de John Savage, dont c’est l’un des premiers rôles avant la consécration de The Deer Hunter (1978), mais également de la starlette vieillissante Ann Sothern, le film propose également une galerie de personnages secondaires dont les contours ne sont malheureusement que trop esquissés : l’avocate qu’on sait condamnée, la voisine voyeuse trop rapidement écartée… De son passé dans l’expérimental, Harrington offre quelques beaux moments, notamment un stupéfiant arrêt sur image, lorsque Terry s’enfuit sans prévenir en hurlant tel un damné, son image incrustée en fondu sur celle du hublot d’un lave linge… Un éclair de fureur au sein d’un film au demeurant très classique dans sa forme, mais passionnant dans son discours.
THE KILLING KIND
Curtis Harrington (Etats-Unis – 1973)
Genre Thriller psychologique – Interprétation John Savage, Ann Sothern, Ruth Roman… – Musique Andrew Belling – Durée 96 min. Distribué par Artus Films.
L’histoire : Accusé à tort de viol, Terry passe 2 ans en prison. A sa sortie, il reprend sa vie monotone au sein de la pension tenue par sa mère. De nature timide et fragile, il se met quand même en tête de se venger de ses accusateurs. Alors que les victimes s’enchaînent, il est régulièrement espionné par la voisine de la maison d’en face, une jeune femme frustrée, vivant avec son père.
Le DVD paru chez Artus Films
Image. On pourra remercier Artus Films d’exhumer des œuvres oubliées telles que The Killing Kind. En revanche, on ne pourra pas les féliciter pour le travail effectué sur la restauration du film. Très abîmée, l’image est par endroits flou, pourvue d’un voile blanchâtre vaporeux du plus mauvais effet. Les couleurs délavées très 70’s n’aident pas à relever le niveau, tandis que les plans de nuits sont ceux qui souffrent le plus, avec un noir tirant davantage vers un bleu délavé. Bref, bilan très médiocre en terme d’image, même si la vision du film n’en sera néanmoins pas préjudiciable pour les plus indulgents…
Son. La restitution mono des deux pistes sonores ne propose pas une expérience inoubliable, mais ce n’est pas ce que l’on attend d’un tel film. Il est néanmoins intéressant de constater que la version française s’en sort un peu mieux que son homologue anglaise, avec une dynamique sonore (voix, musiques) bien plus présente et enveloppante. La VO propose quant à elle des sons plus étouffés.
Interactivité. Un seul module consacré au film est présent dans la partie bonus du DVD. La présentation du film et de son réalisateur par Frédéric Thibaut, spécialiste du Cinéma-Bis, n’en est pas moins passionnante pour le cinéphile désirant en savoir davantage sur l’oeuvre particulière de Curtis Harrington. Une galerie de bandes annonces des prochaines sorties Artus Films et le court-métrage Bloody current exchange de Romain Basset, qui n’entretient aucun lien avec The Killing Kind, complètent les bonus.
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