[Critique] THE BATTERY de Jeremy Gardner
Une partie de campagne
Nouvelle déclinaison du film de zombies… ou plus exactement, « d’infectés », The Battery de Jeremy Gardner marque autant par son classicisme d’apparence que dans sa manière naturaliste d’aborder le genre. Un monde dévasté par une épidémie dont on ne sait rien. Deux jeunes Américains errant dans la forêt, batte de Baseball au poing et casque de musique sur les oreilles, quelques malheureuses rencontres… Et c’est à peu près tout. Ce qui frappe en premier lieu dans The Battery, c’est son caractère minimaliste. Ici, pas de hordes de zombies affamés à l’écran, pas d’exploration de la cellule sociétale par le biais d’un groupe qui se déchire… Bref, ce n’est ni The Walking Dead, ni World War Z. Loin de là. Ici, c’est la déambulation et la survie qui priment. Doté d’un budget riquiqui, ce premier film de l’acteur/réalisateur Jeremy Gardner prouve avec beaucoup de pertinence que l’absence de moyens s’accorde idéalement avec le sujet. Un coin de forêt, une route, quelques maisons et maquillages et le tour est joué.
Faible budget ne signifie pas pour autant absence d’idées, ni approche par-dessus la jambe. The Battery est très soigné et de toute évidence, a été mûrement pensé, réfléchi et écrit en amont. Le film est remarquablement tenu et fonctionne idéalement en s’appuyant sur ses (grandes) qualités, et en jouant astucieusement sur ses contraintes. Par l’intermédiaire de longs plans séquences, à la composition très étudiée, Jeremy Gardner donne essentiellement à voir l’attente, l’errance. Car que peut-on bien faire dans un monde vidé de ses habitants ? On passe son temps à se cacher dans la forêt et on recherche de la nourriture. On explore, et on déambule… Ce qui intéresse le jeune cinéaste, également interprète d’un des deux rôles principaux, ce sont ces petits moments situés entre deux attaques de zombies. Ces instants qui peuvent durer, longtemps, très longtemps, et qui représentent finalement l’essentiel de The Battery, ces échanges verbaux (souvent musclés) entre les deux personnages que beaucoup de choses opposent. Soit, à peu près tout ce que l’on ne voit jamais dans ce genre de films… Des moments du quotidien comme changer les piles d’un baladeur CD, assembler un arc, échanger des balles au Baseball… que le cinéaste américain rend assez jubilatoires…
Une partie de campagne
La discipline sportive en question n’est pas anodine. Elle est au coeur même du film. En plus d’être une référence aux piles à l’importance inestimable que transportent les héros, le titre « The Battery » fait écho au lien entre le lanceur et le receveur d’une équipe de Baseball. Bien qu’en désaccord sur presque tout, les deux personnages doivent rester unis, solidaires et tirer dans le même sens pour espérer survivre. Voilà en gros la représentation du lien puissant qui unit les deux survivants et le message glissé par l’intrigue. Jeremy Gardner se fait un vrai plaisir de tisser ces liens entre les deux hommes. L’un plutôt enjoué, aventurier et réaliste, le second, plus en réserve, fleur-bleue et naïf. Le premier abat du zombie à tour de bras, mets les mains dans le cambouis, quand le second est révulsé par la violence, nostalgique de sa petite ami disparu, et désireux de retrouver une certaine forme de sociabilisation. L’opposition entre les deux offre déjà une étude de caractères jouissive, et la réussite du film tient beaucoup à ces rapports entre les deux personnages.
Au sein de ce road-movie champêtre, The Battery n’oublie pas pour autant son statut de film de genre. Les attaques de zombies sont d’autant plus percutantes et gores qu’elles sont rares et précédées d’une attente souvent pénible. Le climax du film, qui enferme les deux hommes dans une voiture, est à la fois un condensé de tout ce qui a précédé et un véritable court-métrage en lui-même. Véritable huis-clos, il cristallise tous les enjeux de l’intrigue, suivant le procédé de l’économie de moyen, en créant un suspense quasi insoutenable (le véhicule est secoué par des dizaines, (milliers ?) d’infectés qui tentent de pénétrer à l’intérieur), Gardner laisse ses personnages agir et réagir en roue libre, dans l’attente d’un impossible salut. Le plan séquence qui achève la séquence est l’un des plus éprouvants qui aient été conçus dans le genre.
Au final, The Battery est l’éclatante preuve que le film de zombies, couplé au récit de fin du monde, a encore pas mal de choses à dire, à partir du moment où l’on trouve l’angle à adopter et la forme qui l’accompagne. Jeremy Gardner, qui se permet certaines scènes démentielles (la masturbation face au zombie féminin), l’a bien comprit et livre avec ce premier essai l’un des tous meilleurs films de l’année.
THE BATTERY
Jeremy Gardner (USA – 2013)
Genre Film de zombies – Interprétation Jeremy Gardner, Adam Cronheim, Alana O’Brien – Musique : Ryan Winford – Durée 101 minutes. Sortie en France indéterminée.
L’histoire : Deux joueurs de Baseball aux caractères opposés apprennent à (sur)vivre ensemble dans un monde dévasté et dominé par des « infectés ».
Votre commentaire