[Critique] PIEGE de Yannick Saillet
Seul au monde...
Premier long-métrage de Yannick Saillet, Piégé est à la croisée des genres : thriller, film de guerre, drame. Mais ce qui caractérise tout d’abord le film, c’est son concept de base, duquel il ne déviera jamais. C’est sa principale qualité… mais également sa plus grande limite.
Le récit se focalise sur un élément clé : après avoir survécu à une attaque éclair qui a décimé toute sa patrouille, le sergent Denis Quillard est immobilisé lorsqu’il pose le pied sur une mine russe. Toute l’intrigue va reposer sur ce simple concept, à la manière d’un Buried et de son protagoniste enfermé dans un cercueil. Yannick Saillet, également auteur du scénario, s’attache à suivre le long et pénible calvaire du soldat français, traduisant à l’image l’angoisse, la détresse, la douleur, la résignation… Porté par la performance courageuse mais pas toujours très juste de Pascal Elbé, Piégé a le mérite de ne pas dévier de son idée directrice et de tenter de l’exploiter au maximum. En cela, le film est une assez bonne surprise, surtout pour une production française, finalement peu attachée à ce genre de “film concept”. L’entreprise mérite d’être encouragée, d’autant que le réalisateur soigne ses images, tirant le meilleur parti de son cinémascope et multipliant les cadrages étudiés et efficaces. Avec finalement peu de moyens, quelques acteurs et des décors naturels fort bien exploités, Saillet s’en sort avec les honneurs.
Mirage et Tempête
Malheureusement, son film pêche par son scénario. En dépit d’une durée resserrée de 78 minutes, adéquate pour un projet de ce type, tenir en haleine le spectateur nécessite une maîtrise et un équilibre parfait du récit. La gageure est loin d’être relevée.
Les péripéties qui jalonnent l’intrigue peinent à convaincre, tout comme les altercations entre Quillard et Murat (Laurent Lucas, étonnant en barbouze sanguin assez éloigné de ses rôles habituels). Les tentatives du cinéaste d’évoquer le monde extérieur, que ce soit les militaires par le biais de la radio, ou la femme de Quillard par un téléphone portable, ne parviennent pas à faire vivre comme il se doit ces personnages hors champ pour que l’émotion naisse suffisamment (contrairement à Buried justement).
Restent quelques moments inspirés, comme cette apparition incroyable et limite surréaliste d’une “armée” d’Afghanes en burqa surgies de nulle part, tel un mirage dans le dos du héros, ou encore la séquence de la tempête en pleine nuit. Des moments de grâce au sein d’un film malheureusement peu inspiré au final, dont on retiendra essentiellement le concept traité avec suffisamment d’honnêteté et de savoir-faire technique pour le rendre sympathique. Rien pourtant qui pourrait permettre au film de laisser une trace dans l’histoire du cinéma. Mais telle n’est pas non plus son ambition…
PIÉGÉ
Yannick Saillet (France – 2014)
Genre Thriller, guerre – Interprétation Pascal Elbé, Laurent Lucas, Arnaud Henriet… – Musique Thierry Blanchard et Robert Goldman – Durée 78 minutes. Distribué par France télévision Distribution.
L’histoire : Après avoir survécu à une attaque éclair, le sergent Denis Quillard pose le pied sur une mine russe à double détente. Seul rescapé de sa patrouille, coincé au milieu du désert afghan, il doit faire face à cette situation et affronter ses doutes comme ses peurs. L’ennemi se rapproche. Il a quelques heures pour s’en sortir. Le compte à rebours a commencé.
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