[Be Kind Rewind] CUTTER’S WAY d’Ivan Passer (1981)

Voyage au bout de l'enfer...

CUTTER'S WAY

CUTTER'S WAY

Cutter’s Way fait partie de ces grands films américains oubliés et pourtant essentiels. Sorti en 1981, il s’agit du troisième long-métrage tourné aux USA par le réalisateur Ivan Passer (après Né pour vaincre – 1971 et Banco à Las Vegas – 1977). Figure majeure de la nouvelle vague cinématographique tchécoslovaque, il a commencé comme scénariste aux côtés de son compatriote Milos Forman, notamment pour Audition (1964) et Les Amours d’une Blonde (1965).
Bien que réalisé par un étranger, Cutter’s Way est avant tout un grand film sur l’histoire des Etats Unis, et plus particulièrement sur une période (la fin des années 70) troublée par de nombreux traumatismes, guerre du Vietnam en tête. Présenté un peu rapidement comme un thriller, dont l’intrigue policière peut donner une impression de déjà-vue, le film est avant tout marquant par sa description d’un trio de personnages cassés par la vie, à la limite de la marginalité. De toute évidence, l’histoire du meurtre et l’enquête ne sont que des prétextes, juste une toile de fond, sur laquelle Ivan Passer développe une histoire d’amitié et d’amour forte, au sein d’un triangle amoureux bouleversant. Jeff Bridges y trouve probablement l’un de ses tous meilleurs rôles en play-boy jouant de l’attractivité de son corps, rongé par les remords d’avoir laissé partir son meilleur ami au Vietnam. Son attirance pour la femme de ce dernier ajoute à la complexité du personnage de Bone. Face à lui, John Heard interprète un de ces soldats traumatisés et meurtris tant physiquement que mentalement par le conflit vietnamien. Borgne et amputé, il cristallise toute la colère, l’incompréhension et la violence générés par le Vietnam. Totalement habité par le rôle de Cutter, il livre une prestation fiévreuse et embrasée, totalement marquante. Un trio complété par le personnage de Mo, auquel Lisa Eichhorn apporte toute la fragilité et l’insondable mélancolie.

CUTTER'S WAY

Contamination de la violence

Une mélancolie qui transpire du film dans son entier. Un sentiment de désespoir latent qui plane sur l’improbable enquête des trois protagonistes. Clairement, Bone et Cutter sont mus par un irrésistible besoin d’élucider leur enquête, comme une forme de rédemption. Pour autant, Cutter’s Way ne saurait se rapprocher des thrillers de l’époque au suspense étouffant. Même si les codes du genre sont bien présents, comme autant de balises qui font avancer le récit, le cinéaste les diluent pour n’en tirer que l’essentiel. Car ce sont ici véritablement les personnages qui font progresser l’histoire, et non leurs actes. Le tout par le biais d’une mise en scène classique dans le bon sens du terme, jamais démonstrative, mais d’une précision redoutable et toute au service du discours du film et de son atmosphère ouatée.
Le discours engagé est principalement contenue dans le personnage de Cutter, la paranoïa et la contamination de la violence étant les deux grandes thématiques explorées par Cutter’s Way. “Après la guerre, j’ai vu des gens qui revenaient de camps de concentration ; ils étaient physiquement et moralement ravagés, contaminés par la violence. Ils sont devenus violents à leur tour. C’est cela que j’ai voulu montrer dans le film. Il traite de la paranoïa et du comportement irrationnel provoqué par la violence chez les victimes et les personnes opprimées” souligne le cinéaste. Dans une Amérique du nord incapable de réceptionner ses enfants meurtris du Vietnam, Ivan Passer signe un grand film dans la droite lignée de Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino. Le film vient de ressortir en version restaurée sur grand écran. Il n’est pas nécessaire de préciser qu’il est indispensable d’aller le (re-)découvrir…


CUTTER’S WAY
Ivan Passer (USA – 1981)

Note : 4Genre Drame, thriller – Interprétation Jeff Bridges, John Heard, Lisa Eicchorn, Stephen Elliott, Billy Drago… – Durée 109 minutes. Distribué par Carlotta Films.

L’histoire : Une nuit, Richard Bone un vendeur de bateaux séduisant et taciturne, se retrouve coincé dans une ruelle de Los Angeles et manque de se faire écraser par une voiture quittant les lieux à toute vitesse. Le lendemain, il apprend qu’une jeune fille de 17 ans a été assassinée à cet endroit, faisant de Bone le principal suspect. Une fois ce-dernier lavé de tout soupçon, son meilleur ami Cutter, un vétéran revenu infirme du Vietnam, décide de mener l’enquête…

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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