[Critique] THE HUMAN CENTIPEDE 2 – FULL SEQUENCE de Tom Six
L'art du contre-pied...

Nombreux sont ceux qui se souviennent du premier volet de la trilogie du mille-pattes humain The Human Centipede, oeuvre choquante aux couleurs froides et à la lumière parfois tamisée, dans lequel le non moins charismatique Dieter Laser jouait un docteur maniaco-psychopathe redoutable. Vous souvenez-vous également d’une oeuvre qui met mal-à-l’aise par son propos transgressif mais plus suggéré qu’explicite ? Oui ? Vous avez alors en mémoire un film plutôt cohérent, dans son jus malgré l’originalité du sujet, quelque chose qui fait sourire mais qui suscite aussi le dégoût tout en restant intriguant grâce à une mise en scène classique et une direction d’acteur relativement adroite pour ce type d’exercice. Vous lui avez peut-être trouvé un intérêt d’ailleurs, de part ses influences plus ou moins franches du côté de chez Brian Yuzna ou Stuart Gordon pour ne citer qu’eux… Gage d’une qualité relative ou pure nostalgie un brin consensuelle… Quoiqu’il en soit, Tom Six, réalisateur néerlandais aux allure de Texan convaincu, a trouvé son public et des crédits pour continuer son expérience avec The Human Centipede – Full Sequence…
Casser ses propres codes
Tout ça pour expliquer qu’avec The Human Centipede 2 – Full sequence, le garçon a tout bonnement décidé de casser ses propres codes, de s’éloigner le plus possible de son point de vue initial pour créer le « copycat symétrique » d’un crime abjecte, une provocation dans la provocation en somme. Un parti-pris plaisant qui rend la chose curieuse et qui, toute proportion gardée, excite notre imagination. Ici, c’est Martin, le psychopathe. Martin est petit, gros, sale, attardé mental et veilleur de nuit dans un parking souterrain… Dans un élan « méta », Martin est également un fan absolu du film d’horreur The Human Centipede (et du miles-pattes – le vrai – qu’il élève soigneusement dans son bocal) dans lequel un savant décide de séquestrer dans son immense demeure perdue en pleine forêt, quelques pauvres âmes égarées et d’en faire un milles-pattes humain. Ce film, Martin se le passe en boucle au travail, sur son ordinateur, assis dans son local, tout en observant ses écrans de contrôle tel un prédateur reniflant ses potentielles victimes. Oui, notre Martin n’a qu’un idée en tête : faire comme son personnage préféré, avec douze paires de fesses et douze bouches. Il pousse le fantasme à son paroxysme en invitant, sous un faut prétexte de casting pour un film de Tarantino, l’actrice principale de son film fétiche (vous suivez ?)… Je vais passer la description du personnage succinctement pour ne pas dévoiler l’intégralité de l’intrigue, mais il y est tout de même question de masturbation avec du papier de verre, de psychanalyste pervers, d’enfance douloureuse…

Glissement dangereux…
Pour être honnête, il n’y a pas grand chose à garder de cette suite si ce n’est que le metteur en scène va au bout de ses idées, toutes plus malsaines les unes que les autres et, sans complexe, défend ses choix en justifiant l’utilisation du noir et blanc comme un outil purement esthétique permettant de rendre « plus intense encore » la perception du mélange intime du sang, du vomi et des selles et l’excitation que cela provoque chez Martin. Si l’intention de Tom Six pour remettre en question son travail, le triturer afin d’en générer une mouture toute neuve, est louable, et s’il parvient parfois à prendre le spectateur à contre-pied (le personnage de la femme enceinte et son fœtus en est l’exemple le plus probant), il finit tout de même par plomber sa franchise et est à deux doigts de glisser vers le nanar, mais finit surtout par soustraire tout l’intérêt qu’apportait son style sur le premier opus, d’autant que le seul postulat de départ du scénario est un faut prétexte pour engendrer un second volet.

Un éclair d’humanité ?
Au regard des bonus du DVD qui vient juste de sortir en France, soit 5 ans après le tournage pour des raisons de censure, le réalisateur néerlandais semble jubiler du résultat esthétique de son oeuvre. Il est par ailleurs fortement conseillé de visionner le making-of qui apporte toute la légèreté utile à la digestion de ce morceau de bravoure. En résumé, The Human Centipede 2 n’apporte pas grand chose au genre, ni à son créateur visiblement, qui semble surtout se chercher artistiquement, mais il m’a fait prendre conscience que l’intérêt ne résidait pas dans la fabrication du plus long tube digestif du monde, car il n’a finalement rien de surprenant, mais plutôt dans la gestion scénaristique concernant le personnage de la femme enceinte qui semble perdre la vie sous les coups portés par Martin mais qui en réalité survit. Et on aperçoit ici un moment d’humanité dans l’écriture et les choix du réalisateur car le personnage de Martin n’est pas (encore) conscient de la situation qui lui échappe. Voilà un drôle de DTV qui pointe le bout de son nez à l’age de 5 ans, qui souffre de trop de sacrifices scénaristiques et d’une esthétique finalement injustifiée et indéfendable… Dommage. En attendant le troisième opus…
THE HUMAN CENTIPEDE 2 – FULL SEQUENCE Tom Six (USA – 2011) |
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Genre Horreur – Avec Laurence R. Harvey, Ashlynn Yennie, Dominic Borrelli… – Musique James Edward Barker – Durée 92 minutes. Distribué par Condor Entertainment (9 mai 2016). Synopsis : Martin est solitaire. Raillé depuis toujours à cause de son handicap mental, il vit reclus avec sa mère dans un piteux appartement. Pour échapper à son existence, Martin se perd dans l’univers du film The Human Centipede. Il en connaît tous les détails sur le bout des doigts. Au point d’acquérir les connaissances nécessaires pour surpasser l’incroyable expérience que le Dr Heiter réalise dans son film préféré… |
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