[Critique] 99 HOMES de Ramin Bahrani

99 HOMES

99 HOMESCouronné du Grand Prix au Festival du cinéma américain de Deauville en 2015, 99 Homes a eu bien du mal à se frayer un chemin par chez nous (hors festival, s’entend). Pourtant, ce drame social filmé comme un thriller est une belle réussite avec un Michael Shannon fidèle à lui-même : énorme de charisme.
Cela fait bien longtemps que le cinéma américain se confronte avec ses problèmes sociaux-culturels, proposant des lectures, des points de vue, des brûlots sur les dysfonctionnements d’une société détraquée. Les plus grands cinéastes, mais également les auteurs indépendants, se penchent régulièrement sur la question, fixant les sujets épineux et les spectateurs droits dans les yeux. On ne peut pas forcément en dire autant de notre cinéma hexagonal… Avec 99 Homes, Ramin Bahrani, jeune cinéaste américain d’origine iranienne, livre une lecture des conséquences dramatiques de la crise des subprimes de 2007, la fuite en avant délicate de ces Américains ayant contracté des prêts (souvent immobiliers) extrêmement risqués et qu’ils étaient dans l’incapacité de rembourser. C’est dans ce contexte tendu que Bahrani développe cette histoire faustienne en diable qui voit un jeune père de famille saisi de ses biens par un homme d’affaires sans scrupules, qu’il va finalement rejoindre pour mettre en œuvre des expulsions identiques à celle dont il a été victime.

99 HOMES

Sous le soleil de Satan

Dans 99 Homes, on nage en plein capitalisme nauséabond, où la loi du plus fort est toujours celle qui l’emporte au final et qui se joue de la misère des gens pour faire fructifier la fortune de quelques nantis. Sur le papier, le scénario évoque tout un pan du cinéma social tel que peut le concevoir un Ken Loach. A quelques différences près tout de même. A la grisaille plombante britannique, s’oppose ici le soleil et les couleurs chaudes pas moins trompeuses de la Floride, au beau milieu des lotissements pavillonnaires, dont le bien-être apparent des habitants n’est que façade, et où le drame social n’est pas très loin. A la porte d’à côté en fait. Le personnage de Dennis Nash (Andrew Garfield, à fleur de peau et très bon) l’apprend et le vit directement à ses dépends. Expulsé de sa propre maison avec sa famille dans une scène d’un réalisme troublant, il va passer de l’autre côté de la barrière en s’alliant avec l’homme d’affaires Rick Carver pour des raisons évidentes de besoin urgent d’argent. A lui d’appliquer dorénavant les méthodes moralement douteuses de son parangon de patron, prêt à vendre père et mère pour faire fortune, et aux yeux de qui seuls les puissants et les gagneurs ont droit de citer (l’extraordinaire Michael Shannon y déploie tout son charisme animal). Une situation paradoxale pour Dennis Nash qui éprouve une large palette d’émotions en se retrouvant projeté dans la jungle du capitalisme à tout prix, un univers qui le dépasse et dont il ne sortira pas indemne.
La bonne idée de Ramin Bahrani (également co-scénariste du film), est de ne pas surjouer le côté misérabiliste de son scripte, toujours sur la corde raide, en abordant son histoire avec le rythme d’un véritable thriller. On y retrouve le schéma bien connu (et scorsesien) du personnage qui va brusquement gravir les marches de l’ascension sociale avant la chute aussi brutale que rédemptrice.
D’une efficacité redoutable et d’une pertinence qui ne l’est pas mois, 99 Homes est haletant de bout en bout. Un très bon film, percutant, qui aurait de toute évidence mérité d’être découvert lors d’une sortie en salles en France.


99 HOMES
Ramin Bahrani (USA – 2014)

Note : 4Genre Thriller social – Interprétation Andrew Garfield, Michael Shannon, Laura Dern, Noah Lomax… – Musique Antony Partos – Durée 104 minutes – Distribué par Wild Side vidéo.

L’histoire : Etats-Unis, 2007, crise des subprimes. Rick Carver, homme d’affaires à la fois impitoyable et charismatique, fait fortune dans la saisie de biens immobiliers. Lorsqu’il met à la porte Dennis Nash, père célibataire vivant avec sa mère et son fils, il lui propose un marché. Pour récupérer sa maison, sous les ordres de Carver, Dennis doit à son tour expulser des familles entières de chez elles…

Par Nicolas Mouchel

Créateur d'Obsession B. Journaliste en presse écrite et passionné de cinéma de genre, particulièrement friand des œuvres de Brian De Palma, Roman Polanski, John Carpenter, David Cronenberg et consorts… Pas insensible à la folie et l’inventivité des cinéastes asiatiques, Tsui Hark en tête de liste… Que du classique en résumé. Les bases. Normal.
Contact : niko.mouchel@gmail.com

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