[Be Kind Rewind] PULSIONS CANNIBALES d’Antonio Margheriti (1980)
A la tête d’une filmographie longue comme le bras, Antonio Margheriti est l’un de ces artisans du cinéma bis qui fit les beaux jours du cinéma d’exploitation transalpin des années 60 à 90. Le cinéaste italien a œuvré dans tous les genres : western, péplum, action, horreur, espionnage, guerre, érotisme, gore… Une fidélité qui, d’entrée de jeu, assure une certaine sympathie, pour ne pas dire une tendresse certaine, à cet artisan du bis, qui plus est porté aux nues par des cinéastes comme Quentin Tarantino ou Eli Roth. Alors qu’il entame le dernier tiers de sa longue carrière, Margheriti livre en 1980 avec Pulsions cannibales un film qui, une fois encore, surfe sur les grandes tendances du moment, mais en les associant au sein d’un même métrage. Guerre du Vietnam, cannibalisme, zombies sont les maîtres-mots du cinéma de la fin des années 70 et c’est en toute logique que le réalisateur de La Vierge de Nuremberg s’en empare pour constituer la trame de sa nouvelle oeuvre. Avec ses coscénaristes Jimmy Gould et Dardano Saccheti (L’Au-delà, L’éventreur de New York, tous deux de Lucio Fulci), Antonio Margheriti brode une astucieuse intrigue associant le retour d’un groupe de soldats du conflit vietnamien avec des cas de cannibalisme liés à des personnages infectés. Ou comment légitimer une débauche de gore par une astuce scénaristique ancrée dans le réel… Bien joué l’artiste !
C’est pas ma guerre !
La contamination est ici étroitement liée au traumatisme de la guerre et au difficile retour à la vie civile. On retrouve en filigrane le début d’un commencement de discours sur la réadaptation compliquée, pour ne pas dire impossible, de soldats à jamais perdus dans une folie qui les ronge. Evidemment, ce trait de psychologie ne reste qu’à l’état d’idée assez vaguement exploitée mais a le mérite d’exister. Pour le reste, Antonio Margheriti assure l’essentiel de ce qu’on lui demande : des fusillades, quelques explosions, et surtout du gore qui tâche… Pulsions cannibales (Apocalypse Domani en VO) reste dans la limite du film de série B attendu. Convoquant l’habituelle tête d’affiche américaine quelque peu sur le retour, ici l’excellent John Saxon, le film dispense en un peu plus de 90 minutes sont lot de morceaux de bravoure : du prologue au Vietnam au dénouement dans les égouts, en passant par le siège du supermarché, Margheriti enfile les perles et les scènes craspecs (des morsures sanglantes, une langue arrachée), emballées avec des moyens financiers toujours assez limités.
Ne nous voilons pas la face, malgré un statut d’oeuvre quasi culte, due en grande partie au charcutage du film et la diffusion d’une version tronquée dans certains pays, dont la France, Pulsions cannibales ne s’élève pas très haut de par ses qualités intrinsèques. Si l’on ôte le vernis de la nostalgie et de l’indulgence, force est de constater que l’ensemble est assez médiocre, bourré de faux raccords et d’approximations et porté par une interprétation relativement faiblarde. On retiendra pourtant cette séquence devenue célèbre où la caméra s’immisce à travers le trou béant consécutif à un bon coup de shotgun dans le ventre d’un des personnages. Pour le reste, Pulsions cannibales se regarde avec une bonne dose de détachement et de respect pour un cinéma bis débordant d’ambitions mais ne disposant ni des moyens financiers, ni du talent nécessaires à une transposition adéquate à l’écran. Un cinéma qui n’existe plus vraiment et dont Antonio Margheriti était l’un des plus vifs représentants, livrant plusieurs dizaines de peloches pas piquées des hannetons…
PULSIONS CANNIBALES
Antonio Margheriti (Italie/Espagne – 1980)
Genre Horreur – Interprétation John Saxon, Giovanni Lombardo Radice, Cinzia De Carolis, Tony King… – Musique Alexander Blonksteiner – Durée 92 minutes – Distributeur Le Chat qui fume.
L’histoire : Lors d’un raid au Viêtnam visant à libérer des prisonniers, le capitaine Hopper découvre que certains des captifs semblent atteints d’un mal étrange. De retour aux Etats-Unis, l’un d’eux s’évade de l’hôpital où il est isolé et commence à agresser des personnes en les mordant. Hopper comprend que ce vétéran a attrapé le virus cannibale et qu’une épidémie est en route…
L’édition du Chat qui fume
Le Chat qui fume n’ayant pas pour habitude de faire les choses à moitié, c’est une édition DVD fort complète qui est sortie dans les bacs. Proposant pour la première fois en France le film dans sa version intégrale, l’éditeur s’est employé, en outre, à livrer une copie absolument admirable en terme d’image et de restauration sonore. Le film est techniquement irréprochable.
Comme de coutume, l’interactivité n’est pas en reste, avec un premier module d’une vingtaine de minutes revenant sur la conception du film en compagnie d’Edoardo Margheriti, fils du réalisateur, et assistant de son père lors du tournage, qui livre quelques anecdotes bien senties. Autre point de vue, celui du comédien Giovanni Lombardo Radice, qui s’exprime (en français) sur son expérience dans un segment d’une trentaine de minutes. Mais le gros de cette édition se situe sur un second disque accueillant le documentaire d’une heure The Outsider, réalisé par Edoardo Margheriti. Un film à la gloire du cinéaste paternel et de sa longue carrière, faisant intervenir de nombreux collaborateurs et observateurs (notamment le réalisateur de Maniac, William Lustig). Des témoignages qui mettent en lumière toute la débrouillardise et l’ambition de Margheriti, mais qui n’oublient pas non plus de reconnaître le caractère quelque peu opportuniste de la carrière du réalisateur, son manque de moyens constant malgré des ambitions bien réelles, ainsi qu’une foi inébranlable dans son (modeste) cinéma. Un élément qui méritait en effet à lui seul, l’existence de cette belle édition…
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