[Critique] LA FILLE DU TRAIN de Tate Taylor
A l’origine roman de Paula Hawkins publié en 2015, La fille du train disposait d’un potentiel évident pour finir sa course sur grand écran. C’est l’acteur (La Planète des singes, 2001) et réalisateur (La couleur des sentiments, 2011) Tate Taylor qui s’est chargé de mettre en image le livre d’Hawkins, adapté par Erin Cressida Wilson.
Film à l’apparente complexité, de forme mais également de récit, La fille du train plonge dans l’esprit de Rachel, femme divorcée et alcoolique, qui tente de renouer avec la vie, en faisant face à ses fantômes de maternité, de relation de couple et de penchant pour la bouteille. C’est à travers ses yeux (et l’utilisation de la voix-off) que l’intrigue se met en place, de manière assez parcellaire. A l’occasion de ses trajets quotidiens en train, la jeune femme se crée des repères et une proximité factice avec un couple habitant à côté de la maison de son ex-mari qui a depuis refait sa vie. Un grain de sable va faire dérailler son quotidien. Un événement inhabituel, choquant, va bouleverser sa perception, l’entraînant dès lors dans une sorte de descente aux enfers inéluctable…
Comme évoqué plus haut, La fille du train se voudrait ambitieux et complexe. C’est tout au moins ce que l’on en déduit lorsque l’on constate la multiplication des points de vue féminins, ceux de Rachel, de la jeune femme disparue et de la nouvelle compagne de son ex, trois femmes aux destins liés, par lesquels les enjeux nous sont exposés. L’intrigue est donc multiple, mais également éclatée dans sa temporalité, avec flashbacks à gogo.
Progressivement, Rachel (et par son entremise, le spectateur) doit remettre en place les pièces du puzzle de son inconscient (elle a assisté à un drame sous l’emprise de l’alcool et n’a que des souvenirs éparses et confus) afin de découvrir le fin mot de l’histoire et son implication éventuelle…
Pervers mais pas trop…
Évidemment, difficile de ne pas songer à de multiples œuvres auxquelles renvoie (in)volontairement cette Fille du train. On pense notamment aux films de Brian De Palma pour la question du point de vue, du voyeurisme et d’une certaine approche érotique, mais également, pour le plus récent, au Gone Girl de David Fincher. La comparaison s’arrête néanmoins aussi vite qu’elle a débuté. Si le mystère entretenu dans le film de Tate Taylor et son atmosphère ouatée font indéniablement penser aux chef d’œuvres de De Palma et Fincher, force est de constater que l’ensemble tourne assez rapidement à vide.
Sous le vernis de la belle image et de la construction scénaristique artificiellement complexe, qui se plaît à perdre le spectateur dans l’esprit embué de sa protagoniste principale et dans un érotisme latent de bas étage, La fille du train révèle pourtant très vite des carences dommageables et des engrenages narratifs un peu trop simplistes pour lier et rendre cohérent l’ensemble. Sous le prétexte d’exposer des personnages torturés et meurtris, le film ne présente que des pantins aux fils trop évidents, tout comme les grosses coutures de l’intrigue. Les révélations faisant avancer le schmilblick sont assez peu convaincantes, et laissent pointer une certaine paresse pour emballer un semblant de tension. Les comédiens ne sont pourtant pas en cause, Emily Blunt livrant une prestation convaincante bien que risquée en femme brisée, et se trouve bien entourée par le casting tant féminin que masculin, mention à Justin Theroux et Luke Evans.
Mais l’intérêt de l’intrigue se dilue rapidement allant presque jusqu’à l’auto-caricature, occasionnant peu à peu un ennui profond, pour arriver à une conclusion presque attendue, un peu trop évidente et qui ne légitime pas les 110 minutes de film qui ont précédé.
On a alors la désagréable impression d’avoir vu un film à l’allure plutôt soignée, mais qui se voudrait plus sadique et pervers qu’il ne l’est, trop conscient d’embobiner le spectateur dans une succession de scènes trop plates pour éveiller le moindre sursaut cardiaque. Aussi inoffensif au final qu’un téléfilm calibré pour la fameuse ménagère de moins de cinquante ans…
LA FILLE DU TRAIN
Tate Taylor (USA – 2016)
Genre Thriller – Interprétation Emily Blunt, Rebecca Ferguson, Haley Bennett, Luke Evans, Justin Theroux… – Musique Danny Elfman – Durée 112 minutes – Disponible en Blu-Ray et DVD chez Metropolitan Filmexport.
L’histoire : Rachel (Emily Blunt) prend tous les jours le même train et passe tous les jours devant la même maison. Dévastée par son divorce, elle fantasme sur le couple qui y vit et leur imagine une vie parfaite… jusqu’au jour où elle est le témoin d’un événement extrêmement choquant et se retrouve malgré elle étroitement mêlée à un angoissant mystère.
Je n’ai pas vu le film, ayant été très déçue par le roman … déjà très tortueux. Vos commentaires laissent apparaître ce côté « film intimiste » qui n’est pas ma tasse de thé, loin sans faut.
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Vous ne loupez rien Raymonde. C’est très faible et sans grand intérêt… Et bienvenue sur Obsession B 😊
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