[Be Kind Rewind] DU PLOMB POUR L’INSPECTEUR de Richard Quine (1954)
Oeuvre marquante notamment pour la présence hypnotique de Kim Novak dans l’un de ses tous premiers rôles, Pushover (Du plomb pour l’inspecteur en VF) réalisé par Richard Quine, se révèle être un étonnant et très malin film policier à l’implacable mécanique.
Richard Quine n’est pas le plus connu des cinéastes américains des années 50 et 60. Pour cet ancien acteur, ayant notamment œuvré dans la comédie musicale, le polar aux contours de film noir est pourtant un terrain de jeu assez passionnant. En témoigne ce Pushover extrêmement brillant en tous points. Le récit de la traque d’un braqueur par un inspecteur de police à la moralité fragile n’a rien de très innovant au sein d’une production cinématographique américaine des 50’s qui aime rien moins qu’à opposer d’impitoyables gangsters à de vaillants policiers, deux stéréotypes maintes fois incarnés à l’écran. Richard Quine et son scénariste Roy Huggins s’inspirent ici du roman The Night Watch de Thomas Walsh et mettent en place une mécanique de précision infaillible en terme de suspense et de tension. Au terme d’une première séquence de braquage de banque d’autant plus impressionnante qu’elle est quasi muette, l’inspecteur Sheridan, incarné par le viril Fred MacMurray (Assurance sur la mort, Billy Wilder, 1944), tombe sous le charme d’une Kim Novak déjà troublante de beauté mystérieuse, annonçant son grand rôle dans le Vertigo d’Hitchcock. La femme fatale dans toute sa splendeur, que le réalisateur détourne des canons en vigueur, mais dont on ne sait jamais avant la fin si elle ne joue pas un double jeu.
Infernal Affairs
Un butin à récupérer, des policiers qui mettent en place un dispositif de surveillance sur la jeune femme pour tenter d’appréhender le braqueur… Rien d’extraordinaire dans l’intrigue de ce Pushover, mais une connaissance évidente du genre et un savoir-faire indéniable. D’ailleurs, le plaisir procuré à la vision du film tient énormément à la façon dont Richard Quine respecte les codes du film noir, tout en s’amusant à les détourner. Sans en révéler trop, l’engrenage infernal dans lequel s’embourbe le personnage principal est un pur plaisir sadique à suivre pour le spectateur qui ne cesse de s’interroger sur l’issue favorable ou non de la machination mise en place.
A cet égard, le jeu sur le temps, puisque l’intrigue se déroule sur une durée assez resserrée, assure un suspense constant. Quant au travail sur l’espace et la typologie des lieux, avec ce choix audacieux de placer l’intrigue dans les deux bâtiment parallèles d’un immeuble, où les inspecteurs épient constamment le personnage de Kim Novak et s’adonnent à d’incessants allers-retours entre intérieur et extérieur, est une trouvaille chorégraphique non seulement brillante, mais surtout effleure quelques encablures avant Hitchcock, la thématique du voyeurisme abordée dans Fenêtre sur cour (1955). Le film se fait un malin plaisir à brouiller les cartes sur les jeux de manipulation entre les personnages au sein d’une intrigue rendue passionnante par ses orientations, mais également par une mise en scène inspirée avec ses déplacements de personnages dans le cadre qui font sens, et par un magnifique noir et blanc.
Un diamant noir du polar qui mérite d’être (re-)découvert.
DU PLOMB POUR L’INSPECTEUR de Richard Quine
USA – 1954
Genre Policier – Interprétation Fred MacMurray, Kim Novak, Philip Carey, Dorothy Malone… – Musique Arthur Morton – Durée 82 minutes – Disponible en DVD chez Sidonis Calysta.
L’histoire : Des braqueurs tuent un vigile avant de prendre la fuite avec leur butin. Un inspecteur infiltré surveille la maîtresse de l’un d’eux. Mais l’amour entre en jeu. Et il est coincé entre gangster et policiers, sa vie est en jeu.
Le DVD de Sidonis Calysta
Image
La copie proposée par Sidonis Calysta est absolument magnifique. L’image en noir et blanc est particulièrement propre, trouve des contrastes appuyés, une définition remarquable et un grain appréciable très présent sans être envahissant. Certains plans souffrent d’une définition un peu plus aléatoire, mais rien de très méchant.
Son
Côté son, la version originale en 2.0 est nette, dynamique avec un équilibre parfait entre les dialogues, la musique et les sons. La version française, elle aussi en 2.0, est quant à elle moins claire, avec des dialogues plus étouffés.
Interactivité
Deux beaux segments figurent au rayon interactivité. Deux modules de présentation du film menés d’un côté, par Bertrand Tavernier et de l’autre, par François Guérif. On y apprend nombre de petites anecdotes sur les origines du film, le tournage, l’inspiration qu’il a eu sur Godard pour A bout de Souffle, les similitudes avec Assurance sur la mort, l’histoire d’amour entre le réalisateur et Kim Novak, cette dernière apparaissant comme le véritable centre d’attraction du projet. Deux bonus passionnants et qui enrichissent d’autant plus la vision de ce Pushover.
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